Le Collectif des partis de l’opposition Congolaise dénonce la dérive autoritaire du pouvoir de Brazzaville et exhorte l’ensemble de la classe politique congolaise à l’obligation impérieuse de sortir le Congo
– de la situation de non-Etat qui le caractérise aujourd’hui
– sans loi fondamentale et avec un président de fait. …
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Déclaration :
Mesdames et messieurs les journalistes,
Distingués invités,
Chers militants et sympathisants,
Le Collectif des partis de l’opposition congolaise vous sait gré de lui avoir fait l’honneur d’accepter l’invitation à couvrir et à participer à la conférence de presse de ce jour, consacrée au décryptage de la crise post-électorale qui secoue actuellement le Congo-Brazzaville.
En effet, les lampions se sont éteints sur l’élection présidentielle anticipée du 20 mars 2016 qui a fait couler beaucoup d’encre, de salive et de sang.
Comme il l’avait programmé, le président Sassou Nguesso s’est déclaré élu au premier tour. Avant et pendant la période de la campagne électorale, le Collectif des partis de l’opposition congolaise a martelé, sans discontinuer, que « l’élection présidentielle anticipée du 20 mars 2016 n’était pas une élection démocratique, mais un coup d’Etat électoral » et qu’ « en s’appuyant sur le système électoral frauduleux à l’œuvre depuis 2002, le président Sassou Nguesso allait inéluctablement s’auto-proclamer élu dès le premier tour ».
Nous ne sommes donc pas surpris par la situation qui prévaut aujourd’hui dans notre pays, situation marquée par une intensification de la dérive autoritaire du pouvoir car il s’est agi, non pas d’une élection, mais d’un coup de force électoral, que le Collectif des partis de l’opposition congolaise ne peut, ni accepter, ni cautionner.
Après avoir défié toute la communauté internationale et toutes les forces de progrès attachées au respect de l’ordre constitutionnel et à des élections libres, transparentes et équitables, le président Sassou Nguesso a atteint son objectif : s’octroyer, coûte que coûte, un troisième mandat illégal.
Cependant, loin de résoudre la crise politico- électorale qui plombe le Congo depuis son retour au pouvoir, par un coup d’Etat en octobre 1997, l’annonce de sa victoire dès le premier tour a bien au contraire, considérablement aggravé cette crise. La fracture sociétale est désormais profonde avec, d’un côté, le président Sassou Nguesso, plus que jamais déterminé à consolider son coup d’Etat électoral et, de l’autre, les candidats à l’élection du 20 mars qui contestent la victoire de ce dernier au premier tour et qui ont appelé le peuple à la désobéissance civile.
Pour raffermir son hold up électoral, le pouvoir s’est organisé pour réprimer dans le sang toute manifestation hostile. Dans cette perspective, et comme d’habitude, il n’a pas fait dans la dentelle, ainsi qu’en attestent :
– le renforcement du régime d’état d’urgence de fait : mise en alerte des 12 zones militaires de défense ; déploiement impressionnant de troupes et d’engins de guerre sur toute l’étendue du territoire national et tout particulièrement dans les zones réputées hostiles au pouvoir ; érection de barricades policières aux grands carrefours de Brazzaville et de Pointe-Noire ; inféodation du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif, notamment traduite par des poursuites arbitraires contre les responsables et les militants de l’opposition ; .
– les graves atteintes au droit à l’information et au libre exercice de la profession de journaliste : coupure de toutes les communications à l’intérieur du Congo et avec l’extérieur, près de cinq jours durant – avant, pendant et après le scrutin du 20 mars ; confiscation des médias publics et privés aux fins de propagande au bénéfice du pouvoir ; agression barbare des envoyés spéciaux de l’Agence France –Presse et du quotidien français « Le Monde ».
– les entraves à la libre circulation et à la libre expression des opposants politiques : multiplication des intimidations et autres vexations, telle la convocation du professeur Charles Zacharie Bowao à la direction générale de la surveillance du territoire(DGST) ; arrestations politiques arbitraires des alliés des candidats, dont : Anatole Limbongo- Ngoka, Jean Ngouabi Akonzo, Mme Issami Aboyo Kostelie Bavmelle.
Le peuple vit quotidiennement sous la menace des armes et dans la psychose d’une nouvelle guerre civile accentuée par les manipulations de partition factice de l’espace électoral en « fiefs » ethno-régionaux qui menacent la paix et la cohésion nationale et sèment la discorde entre les congolaises et les congolais qui ont toujours vécu en bonne intelligence dans les localités des divers départements, les quartiers des villes, les milieux professionnels ou confessionnels. Le Congo est entré dans une logique de guerre civile. Il est impérieux de l’en sortir au plus vite.
Le Collectif des partis de l’opposition invite la classe politique congolaise à se ressaisir et à faire sien l’appel à l’apaisement lancé par la communauté internationale et à créer les conditions favorables à la recherche d’une solution consensuelle et apaisée à la crise actuelle.
A ce propos, le Collectif des partis de l’opposition congolaise salue à sa juste mesure, la désapprobation des changements de constitution par des chefs d’Etat qui ont passé des dizaines d’années au pouvoir, réaffirmée au nom du gouvernement français, par son ministre des affaires étrangères, lors de son récent séjour à Bangui. Il adresse ses vifs remerciements au parti socialiste français (PSF), pour le grand intérêt qu’il porte à la crise congolaise et pour son appel pressant à l’Union Africaine et à l’Union européenne à se saisir immédiatement du dossier congolais en vue de prévenir une crise majeure pour la région.
Conscient du vide politique créé par un référendum constitutionnel massivement rejeté par le peuple et des divisions profondes aggravées par une élection présidentielle contestée, le Collectif des partis de l’opposition congolaise :
– réaffirme son ferme attachement aux idéaux de démocratie, de paix et de concorde nationales;
– dénonce vigoureusement les arrestations arbitraires des cadres et militants des partis de l’opposition et exige leur libération immédiate ;
– exige la levée sans condition de l’état d’urgence de fait et de toutes les mesures y afférentes : assignation à résidence et interdiction de sortie du territoire frappant les leaders de l’opposition ; tracasseries à l’encontre des paisibles citoyens ; etc…
– exhorte l’ensemble de la classe politique congolaise à l’obligation impérieuse de sortir le Congo de la situation de non-Etat qui le caractérise aujourd’hui – sans loi fondamentale et avec un président de fait.
– proclame solennellement, une fois de plus que, pour éviter au Congo, le pire imposé aux peuples des autres pays africains, l’unique voie de sortie de la crise actuelle, est la convocation, sans délai, d’un dialogue national inclusif, sous médiation de la communauté internationale, en vue d’un concordat politique entre la mouvance présidentielle et la mouvance oppositionnelle pour refonder le processus électoral et promouvoir des élections apaisées, libres, transparentes et justes;
– invite en conséquence la communauté internationale : l’ONU, les USA, la France, l’UA, l’UE et l’OIF en particulier, à accentuer la pression sur le président Sassou Nguesso en vue de la création des conditions de la tenue de ce dialogue.
Fait à Brazzaville, le 02 avril 2016
Le Collège des présidents