En ce mois de Juin 2015, j’étais assis dans le salon cossu de ce bel immeuble d’une grande ville Européenne entouré de traders de pétrole chevronnés, des vrais, qui entre champagne, eau pétillante et petits fours me racontaient comment le pétrole des Congolais était devenu la propriété d’un petit groupe, restreint, au sein d’un clan qui entreprenait de le brader auprès des chinois (Norenco, Unipec, Sinopec etc..) par le biais de petites sociétés écrans congolaises qui se disent traders.

Ces sociétés qui sont aujourd’hui bien connues des congolais, SARPD, Orion Oil, Petrolia, AOGC, et j’en passe, font une simple intermédiation entre la SNPC et les traders authentiques que sont Trafigura, Glencore, Mercuria et touchent des commissions de plusieurs millions de dollars sur chaque transaction, argent aurait dû revenir au Trésor Public et donc aux Congolais. Ces braves gens ne comprenaient pas comment ces pseudo-traders pouvaient continuer à pousser le vice, avec la complicité des acheteurs Chinois, mettant sur pied des préfinancements de plusieurs centaines de millions de dollars qui ne reposaient sur aucun projet ; la plupart des projets d’infrastructure étant faits soit sur des préfinancements supplémentaires, gagés sur des enlèvements de pétrole, ou sur des prêts de la Banque Mondiale, de la France ou de l’Union Européenne.

Ces pratiques décriées et bannies par la Banque Mondiale et stoppées pour l’achèvement PPTE sont à nouveau d’une ampleur telle qu’une grande majorité du pétrole des Congolais est gagée sur des préfinancements Chinois jusqu’à l’horizon 2022-2025, la baisse du prix du baril ayant réduit le nombre annuel des allocations de cargos attribuables à l’Etat (SNPC y compris).

Les pétro-kleptocrates du régime Sassou Nguesso ont désormais les yeux rivés vers la prochaine grande vague de production pétrolière du Congo pour continuer à s’en mettre plein les poches. Si les congolais n’ont d’autres raisons de chasser ce régime du pouvoir à vie ou plutôt de la monarchie qui ne dit pas son nom, au moins le départ du Président Sassou Nguesso du pouvoir le 14 Août 2016, évitera au Congo le pillage continu de ses ressources et revenus pétroliers. En effet, alors que le prix du baril se situe aujourd’hui à $45-50/bbl, l’industrie prévoit une remontée progressive avec un baril qui devrait revenir autour de $60-80/bbl d’ici 2-3 ans, ce qui est court en termes pétroliers. La production nationale globale du Congo Brazzaville qui avait atteint 298,000 barils/j en 2011 est retombée à 251,000 barils/j en 2014, plaçant le Congo au 4e rang producteur en Afrique Sub-saharienne derrière le Nigeria, l’Angola, la Guinée Équatoriale et au 3e rang en terme de réserves de pétrole par tête d’habitant après la Guinée Équatoriale et le Gabon.

FPU (Floating Production Unit) Alima – Gisement Moho-Bilondo


Sur la base de mes estimations, la production pétrolière du Congo-Brazzaville devra au minimum plus que doubler pour atteindre 650,000 barils/j sinon tripler pour accéder les 700,000 barils/j d’ici à l’horizon 20202022 et je vous laisse apprécier les éléments ci-dessous. Moho-Bilondo, Moho Nord, Lianzi-Matala, Nene-Banga Marine, Litchendjili Marine, Minsala, Pégase, Eléphant, Boatou Marine sont des noms peu connus des Congolais non initiés aux métiers du pétrole. Cette dizaine de noms concerne des gisements de pétrole contenant plusieurs milliards de barils de réserves et qui sont à différentes phases d’avancement de leur appréciation, développement et mise en production. La phase 1E de développement du gisement Moho-Bilondo sanctionnée en 2005 et qui a couté US$8 milliards au groupe Contracteur Total/Chevron/SNPC a atteint son pic de production et produisait 66,000 barils/j en 2012. La deuxième phase de développement du PEX Moho-Bilondo qui a commencé en 2013 avec les projets de développement Moho-Bilondo 1bis et Moho Nord (Albien et Tertiaire) qui coûtent US$10 milliards devra produire à son sommet d’ici 2016, 140,000 barils/j. Le jackpot inespéré de ces dernières années a été les découvertes ENI Congo ou plutôt la confirmation des vielles découvertes Agip/Elf Congo de Banga, Litchendjili et Louvessi Profond, qui sont devenues Nene-Banga, Litchendjili et Minsala Marine sur le permis Marine XII. A eux seuls, ces gisements cumulent au total entre 5 et 10 milliards de barils de pétrole en place et devraient produire jusqu’à 230,000 barils/j d’ici 2020. A noter que les gisements pétroliers Boatou Marine, les 4 découvertes Pégase, la découverte CNOOC de Eléphant sont encore en phase d’appréciation et leur développement suivra au-delà de 2020. Les gisements matures incluant Loango, Zatchi, Yanga-Sendji, Tchibouela, Tchendo sur lesquels nos kleptocrates veulent mettre le grappin, par le couvert d’une loi sur le « Local Content », doivent être redéveloppés. En effet, ces gisements, dont certains sont en production depuis 37 ans mais qui contiennent encore des réserves substantielles, doivent faire l’objet de programmes de redéveloppement incluant une nouvelle sismique 3-4D et utilisant les techniques modernes de complétion. Au Gabon, le redéveloppement du champ mature de Grand Anguille en 2012 avait permis à Total Gabon d’en stopper le déclin et d’en relancer la production. Les gisements matures du Congo méritent mieux que de les voir décliner. Le tableau ci-dessous fait un sommaire des attentes de production du Congo sur la base de mes estimations qui rencontrent celles d’organismes techniques telles que Global Shift UK (http://www.globalshift.co.uk)ou Wood Mackenzie (http://www.woodmac.com/ ):

Gisements et Projets

Production attendue (barils/j) entre 2016-2020

Moho-Bilondo 1Bis

40,000

Moho Nord (T+A)

100,000

Nene Banga Marine

140,000

Litchendjili-Minsala

90,000

Lianzi

6,000

Eléphant

appréciation

Boatou Marine

appréciation

Pégase

appréciation

Total Nouvelle Dévéloppements Production

376,000

Redéveloppement Champs Matures

(Loango, Zatchi, Tchibouela, Tchendo, Yanga-Sendji, MKB)

50,000-100,000

Production Actuelle

250,000

Attente de Production minimum d’ici 2020

650,000 – 700,000

Source : Globalshift – Courbe de la Production du Congo d’ici 2020

Si nous tenons compte des estimations combinées des spécialistes de Globalshift UK, WoodMackenzie ainsi que mes propres évaluations, le Congo arrivera à produire rapidement de 550,000 barils/j à 700,000 barils/j entre 2016 et 2020. Sur la seule base de mes estimations, le Congo-Brazzaville atteindra d’ici 2020 une production pétrolière de l’ordre de 650,000 à 700,000 barils/j qui devront générer pour l’Etat des revenus bruts de l’ordre de US$8.5 à US$9 milliards annuels (en estimant que l’Etat reçoit 50% de la production au prix de $70/bbl). En monnaie locale ces chiffres équivalent de 4500 milliards à 5300 milliards de FCFA par an au sommet de cette vague de production qui s’annonce. La raison du passage en force désespéré du Président Sassou Nguesso pour se cramponner et demeurer au pouvoir ne tient donc pas uniquement aux vielles casseroles des Biens Mal Acquis et autres affaires de génocide, pour lesquelles il a suffisamment d’épargne pour se payer les meilleurs avocats de la planète. Loin de toutes ces affaires et alors que les Congolais se battent pour une vraie et réelle alternance démocratique dans le pays et le libérer d’une dictature à peine voilée, l’homme et son clan aux aguets et tapis, n’ont d’yeux que vers la prochaine grande vague de barils de pétrole en vue pour continuer leur œuvre funeste d’enrichissement illicite toujours sur le dos des Congolais. Leurs objectifs dans l’amont pétrolier sont clairs :

1) – Préserver et consolider les acquis pétroliers frauduleux tels les cessions d’intérêts grossières aux sociétés AOGC/Kontinent Congo/Petro Congo sur les gisements Kitina, Djambala, Mwafi, Foukanda ou l’association Secteur Sud avec ENI et Total Congo qui leur donne le droit de piller des barils qui appartiennent aux Congolais;

2) – Gérer la prochaine manne financière qui découlera de l’augmentation exponentielle de la production nationale entre 2016 et 2020 et ainsi continuer leur plan machiavélique de la domination clanique et de l’enrichissement d’une petite élite au détriment du peuple.

Après rétrospection, suite à cette bonne discussion avec ces amis vrais traders en Europe, j’ai vite compris que le bradage actuel de nos cargos auprès des Chinois vise deux objectifs; d’abord il permet au clan au pouvoir de s’assoir sur un butin de guerre, l’argent étant le nerf de la guerre, ce qui leur permet aujourd’hui de « nguiriser » à tout vent ; ensuite ce bradage leur permet de brûler la terre derrière eux, si jamais le pouvoir venait à changer de mains, le nouveau gouvernement fera nécessairement face à un problème de cash, comme le PM André Milongo en 1991 et le Président Pascal Lissouba en 1992 ; pas un sous au trésor ni de baril à vendre pour régler les notes de l’Etat.

Après avoir pillé sans vergogne nos ressources pétrolières et bradé nos barils depuis 1997, allons-nous une fois de plus rester les bras croisés et les laisser se fendre sur notre pétrole avenir dont une partie est déjà bradée sur des préfinancements Chinois? A vous chers compatriotes d’apprécier et que chacun prenne ses responsabilités et en tire les conséquences, la Bastille est proche pour notre Roi Sassou 1 er et faisons nôtre La Marseillaise « Aux armes citoyens, Formez vos bataillons, Marchons, marchons…»

Alain MIZELLE

A propos de l’Auteur : Né à Brazzaville au Congo, il passe sa tendre jeunesse dans les pays du Niari notamment à Dolisie, établi actuellement à Montréal au Canada. Homme d’affaires, PDG de la société Prevail Energy

Limited (www.prevailenergy.com) et Pasteur Évangélique diplômé en Etudes Chrétiennes Hébraïques de Woodlands au Texas. Ingénieur Minier et géologue pétrolier détenteur d’un Master en Ingénierie Minier de Wits University, une Maitrise en Sciences de la Terre et une formation pétrolière à Oxford (Angleterre). Coordonateur pour le compte de la Société Pétrolière Sud-Africaine Engen (Energy Africa) du projet d’exploration Haute Mer et du développement du gisement Nkossa entre 1996 et 2002, participe notamment aux découvertes des gisements de Moho-Bilondo. Recommande l’entrée de Energy Africa sur le permis Kouilou et le gisement M’Boundi, gère le gros du portefeuille exploration au Gabon et recommande l’entrée de Energy Africa en Guinée Equatoriale conduisant aux grandes découvertes des gisements Ceiba et le complexe Okoumé. Au Canada depuis 2003, fonde GGPC (Gulfofguinea Petroleum Corporation) qui négocie et signe des Contrats Pétroliers au Gabon en 2004 et entre à la Bourse AIM de Londres sous le nom FirstAfrica Oil Plc. Depuis 2005 dirige Prevail Energy Limited, société qui avait acquis 20% d’intérêts dans le projet MKB au Congo et négocie des projets Pétroliers partout en Afrique, USA et en Asie.