Ce n’est pas un scoop d’affirmer que l’écrasante majorité des États africains est constituée des dictatures, par essence allergiques au droit et à la démocratie. Évidemment. Dictatures qui, institutionnellement, s’expriment et se vérifient d’une part par l’organisation présidentialiste au plan national et continental car, ce que beaucoup ne se doutent peut-être pas, c’est que par le rôle et les pouvoirs attribués à la Conférence des Chefs d’États et de gouvernement au sein de l’U.A., cette organisation est plus présidentialiste que ne sont les États Africains au plan interne et isolément; d’autre part, et contradictoirement, tout en parlant et usant de la rhétorique de l’Union Africaine comme la solution à de nombreux maux de l’Afrique, les dirigeants africains invoquent quasi systématiquement la souveraineté comme argument pour s’opposer à l’intervention de l’Organisation dans la solution des conflits électoraux nationaux! Curieuse conception de la Communauté africaine! On a, ainsi, très récemment, vérifié à quel point le Burundi en feu s’est vigoureusement opposé aux multiples initiatives de l’U.A. pour faire cesser les violences depuis plus d’une année. Ce n’est pas le premier État.
Il va de soi, et nous n’avons manqué de le rappeler plusieurs fois, que l’une des solutions, et pas des moindres, pour limiter sinon mettre un terme à ces crises régulières à l’occasion des élections présidentielles essentiellement, consisterait à donner, si ce n’est la totalité, du moins le maximum de compétences à un organe continental, composé à la fois des personnalités de la société civile africaine, des représentants de l’Union africaine et évidemment de personnalités compétentes de l’État concerné par l’élection. Ceci, aussi bien en amont qu’en aval des différentes étapes de l’élection, et non seulement pour la simple observation.
Indiscutablement, par cette proposition et avancée du Conseil de Paix et de Sécurité de l’U.A. à l’occasion du conflit gabonais, selon laquelle » Le Conseil demande à la Commission, en étroite coopération avec les partenaires concernés, et dans le respect de souveraineté du Gabon, D’APPORTER SON APPUI AUX INSTITUTIONS GABONAISES COMPÉTENTES dans leurs efforts visant à renforcer la transparence et la crédibilité du processus d’examen, AINSI QUE DE LA PROCLAMATION DES RÉSULTATS DÉFINITIFS DE L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DU 27 AOÛT 2016, PAR LA COUR CONSTITUTIONNELLE », l’Union Africaine fait un pas non négligeable vers cette solution, vers une Union électorale africaine! Reste à savoir quelle sera la réponse du Gabon qui avait déjà refusé une démarche semblable de l’Union européenne.
On notera par ailleurs, et au contraire de la situation récente du Congo, que la fameuse Communauté internationale semble plus mobilisée pour le respect de la transparence électorale au Gabon, en demandant instamment le recomptage des voix. Même la Secrétaire générale de l’OIT, dont l’envoyé spécial pour l’élection congolaise, Michel Kafando, était reparti sur la pointe des pieds sans avoir jamais émis aucune déclaration sur le braquage électoral congolais, reprend du poil de la bête et recommande, elle aussi, le recomptage des votes dans les circonscriptions contestées, précisément dans le Haut Ogooé ! De quoi rendre suspecte cette convergence dans un pays réputé comme relevant traditionnellement du noyau dur du pré-carré français ! Car, depuis, une conviction s’est ancrée auprès des Africains que les pouvoirs successifs français se mobilisent moins pour l’enracinement de la démocratie en Afrique que pour la protection des intérêts françafricains. Vrai ou faux en l’occurrence, les grossiers résultats proclamés par la CENAP gabonaise, essentiellement concernant le fief des Bongo, finissent, paradoxalement, par perturber l’objectivité et le regard de nombreux africains en raison de cette inhabituelle mobilisation de la communauté internationale. Le cursus d’homme du sérail du challenger aidant, c’est moins la sauvegarde de la démocratie que certains africains jugent que la crainte d’un renflouement françafricain avec Jean Ping ! Comme quoi, les autorités françaises, par manque d’une politique lisible et constante de la démocratie en Afrique, n’auront réussi qu’à semer la confusion sur leur positionnement et expression à propos des crises politiques en Afrique !
Mais, ne soyons pas dupes: cette proposition du Conseil de Paix et de Sécurité de l’U.A. n’est que conjoncturelle, et démontre à quel point l’actuel maître du Gabon est en danger et risque sérieusement de perdre son siège; ensuite, Ali Bongo n’est pas un éléphant de l’Union Africaine et, plus spécialement, il s’est mis à dos justement, certains gros poissons de cette organisation. Ce qui veut dire que l’initiative combien louable d’aujourd’hui ne fera certainement pas jurisprudence, ne sera pas de recours préventif et normal quand il s’agira des pays dirigés par des éléphants que tout le monde connaît…
Reste que, et on insistera là-dessus, avec des juridictions constitutionnelles bien souvent inféodées au pouvoir et qui, ainsi, s’avèrent délibérément être contre la démocratie en Afrique, la voie d’une Union électorale africaine, comme solution préventive aux crises électorales chroniques et violentes en Afrique, mais surtout comme signe d’une volonté réelle de l’instauration de la démocratie et de l’accélération de l’intégration africaine, devient plus qu’impérative, au regard de nombreuses insuffisances qu’aura re-démontré 2016, et en attendant le bourbier de la RDC. A condition, bien entendu, comme on l’a dit plus haut, que sa composition éclectique (société civile africaine, représentants de l’Union africaine, et membres compétents de l’État concerné ) et son indépendance donc par rapport aux pouvoirs classiques (Chefs d’État) soit garantie. Mais, là également, on connaît déjà la réplique dictatoriale, sous le couvert opportuniste de la souveraineté aiguisée, pourtant contradictoire avec l’intégration africaine…
Par : Félix BANKOUNDA MPÉLÉ