Master Mwana Congo
Par : Alain-Patrick MASSAMBA
Guitariste soliste, arrangeur, de renommée internationale, Master Mwana Congo (Ignace Nkounkou, à l’état-civil) est décédé le 8 janvier 2019, à Brazzaville, suite à une longue et pénible maladie.
En août 2018, l’artiste qui souffrait d’éléphantiasis, avait lancé un SOS à travers nos colonnes (édition du 23 août) et dans d’autres médias de la place auprès des autorités et des personnes de bonne volonté pour l’aider à bénéficier des soins appropriés. Mais ce fut un appel qui n’a pas reçu une oreille attentive.
Né à Mindouli (Département du Pool), en 1947, Master Mwana Congo a intégré l’orchestre Mando negro kwala-kwa en 1963. Un ensemble musical brazzavillois créé en 1961. Avant de s’installer en 1968 à Pointe-Noire. Cet orchestre a apporté une dynamique rythmique nouvelle et obtenu un grand succès auprès des jeunes.
Souffrant pendant une vingtaine d’années d’éléphantiasis, l’artiste vivait reclus au quartier Sangolo-l’OMS, plus précisément dans la zone de Mbemba-Landou, à Madibou, le 8e arrondissement de Brazzaville. Ce baobab de la musique congolaise moderne composa des célèbres chansons, au nombre desquelles ‘’Massamba’’ qui avait fait vibrer de nombreux mélomanes congolais et africains et ‘’Brigitte’’, titre phare de l’un de ses albums que l’artiste a eu à réaliser en solo à Paris, en France, à la fin des années 80. Abandonné à lui-même, le virtuose guitariste avait reçu la visite, l’année dernière, du président du Bureau congolais du droit d’auteur (BCDA), Maxime Foutou. Une visite à l’issue de laquelle l’artiste avait lancé un SOS dans les médias pour bénéficier des soins appropriés. «Je ne peux plus marcher. Je suis paralysé, j’ai le pied enflé, je ne sais pas avec quoi je peux le comparer. Donc, vraiment, je cherche des personnes qui peuvent vraiment m’aider pour ma santé. J’en ai besoin», se lamentait-il. En vain.
Master Mwana Congo «Manatcha» disposait d’une guitare qu’il avait commandée spécialement dans une usine à l’étranger et n’avait pas perdu son doigté, malgré sa longue maladie. Il avait commencé sa carrière musicale dans la capitale congolaise. J’étais, disait-il, dans l’orchestre Mando negro kwala-kwa, dans les années 70. «Nous avions composé beaucoup de chansons engagés (révolutionnaires) et normales. L’orchestre aussi avait une bonne renommée dans le pays et en dehors des frontières nationales. Je vous citerais notamment le cas de la Côte d’Ivoire où, lors d’un séjour, nous avions marqué les esprits des mélomanes de ce pays qui, pendant longtemps, avaient continué à fredonner nos œuvres. Vraiment ceux qui ont connu ces périodes fastes ne peuvent pas oublier le nom de Master Mwana Congo dans l’orchestre Mando negro kwala-kwa. J’étais avec les Fidèle Zizi, Théo Blaise Kounkou, John Tamponné Bango, Simon Mawakani, etc. Il y a certains parmi nous qui ne sont plus de ce monde. Nous avons réalisé près de dix albums avec des chansons comme: «Voiture ya occasion», Cimetière ya mabala». J’ai aussi joué et arrangé les chansons du virtuose Pamelo Mounk’a. «Ce n’est que ma secrétaire», «Bouala yayi mambou», «Amour de Nombakélé», «L’argent appelle l’argent», «Samantha», «La femme ne se prête pas», etc. Dans l’ensemble, nous avons réalisé près de six albums, se remémorait-il. Avant d’ajouter: «J’ai accompagné beaucoup d’autres artistes, tels que Kosmos Mountouari, Pierre Mountouari, Théo Blaise Kounkou (dans ‘’Mwana Djambala’’, ‘’Ma belle Anicha’’, ‘’Na nzela ya ndolo’’…), Jean-Serge Essous, Youlou Mabiala, Fidèle Zizi, Locko Massengo, Zao, Sam Mangwana et la plupart des artistes congolais et africains qui ont fait tabac à une certaine époque. J’ai travaillé avec eux».
Considéré, à juste titre, comme l’un des plus grands artistes de sa génération sur les deux rives du fleuve Congo, Master Mwana Congo a également, à une certaine époque, accompagné la chanteuse Tshala Muana «la Reine de mutuashi» de la République Démocratique du Congo, dans la plupart de ses tournées en Afrique et dans plusieurs autres pays du monde. De retour à Brazzaville, il exploitait un studio d’enregistrement avant de tomber malade. La disparition de Master est une grande perte pour la musique congolaise des deux rives du fleuve Congo et d’Afrique. Mais surtout, pour les jeunes qui ne se sont pas rapprochés de lui pour apprendre à ses côtés et bénéficier de sa riche expérience. Pour avoir marqué d’une pierre blanche l’histoire de la musique congolaise, le guitariste méritait vivement qu’on lui vole au secours, mais hélas, son appel est tombé dans les oreilles de sourds. Il laisse sept enfants.
Maintenant qu’il a tiré sa révérence, on s’attend à ce qui est devenu presque une habitude au Congo: des obsèques à la dimension de sa renommée.
Alain-Patrick MASSAMBA
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