- Franklin Boukaka vivant, 47 ans après sa mort
Par CLEMENT OSSINONDE
Il y a lieu de supposer que l’engagement révolutionnaire de Franklin Boukaka a été certainement au centre des sévices qui ont entrainé sa mort dans la nuit du 23 au 24 Février 1972. Ses chansons dérangeaient.
47 après sa mort, Franklin Boukaka est toujours l’icône de la chanson, dit de révolte. Artiste de l’Afrique et du monde, son manifeste le plus engagé : une passion pour la liberté, pour l’amour des hommes, pour la vie. Avec un sens de la « Rumba » étonnant, et des échappées dans le verbe, la poésie virgilienne.
Difficile, en ce quarante septième anniversaire de la mort de Franklin, de ne pas avoir une grande pensée pour lui. Lui que les siens ont définitivement enterré et longtemps tenu écarté de l’histoire du Congo et de l’Afrique.
L’engagement militant de Franklin Boukaka
Franklin Boukaka, nous ne cesserons de le dire était un artiste libre, quelqu’un qui a compté et qui comptera énormément pour l’Afrique. Il a longtemps affirmé son africanité pour ensuite engager la lutte pour le rôle de la culture africaine dans la lutte de libération et de l’unité africaine à travers la chanson. Il convient de reconnaître en Franklin Boukaka sa passion pour le phénomène culturel qui se manifeste à travers la musique pour atteindre une dimension de masse à tous les recoins de l’Afrique. Il était convaincu que peu d’activités de la vie sociale pouvaient exercer autant d’influence et susciter autant d’intérêt que la musique.
Artiste engagé, Franklin Boukaka a surtout gardé une conscience aiguë des problèmes de son pays, de l’Afrique, et du monde. Il a mis dans toutes ses interprétations, une intelligence et une sensibilité qui l’on fait comparer aux grands noms africains qui avant lui avaient situé le nouvel acte culturel qui devait se situer au centre du nouveau combat pour l’authenticité et le développement des valeurs africaines.
Qui était Franklin Boukaka ?
Fils d’un ancien musicien Aubin Boukaka de l’ensemble musical « La Gaieté » et d’une mère chanteuse-animatrice des veillées mortuaires et des fêtes de réjouissances populaires, Yvonne Ntsatouabaka, François Boukaka alias Franklin est né le 10 octobre 1940. Ainé de huit enfants dont 3 garçons et 5 filles, il a fréquenté l’école laïque de Bacongo (actuelle Joseph Nkeoua) Il rate l’école militaire général Leclerc et se retrouve aussitôt après au petit séminaire de Mbamou qu’il suspend à mi-chemin avant d’atterrir à Ngoma –Tsétsé puis terminer ses études à Brazzaville.
La carrière musicale de Franklin commence en 1955 lorsqu’ il fait ses premiers pas dans le groupe « SEXY JAZZ » fondé par Miguel Samba, Siscala Mouanga et Aubert Nganga. En 1957, alors que Miguel Samba et Siscala Mouanga intègrent l’orchestre Cercul Jazz, Franklin, lui choisit le groupe « Sympathic Jazz » et participe à la tournée que fait cet ensemble au Cabinda et à Léopoldville. Mais, il n’y reste pas longtemps, car à Léopoldville, Franklin Boukaka, Michel Boyibanda et Jean Mokuna « Baguin » qui disposait d’un petit équipement musical, forment l’orchestre NEGRO BAND. Franklin Boukaka n’y passe que quelques mois, avant de se joindre au clarinettiste Edo Clary Lutula, Jeannot Bobenga, Tabu Ley, Mutshipule « Casino », André Kambite « Damoiseau », Papa Bouanga, Charles Kibonge, et autres au sein de l’orchestre JAZZ AFRICAIN qui a le mérite d’exploiter merveilleusement les toutes premières et belles compositions de Tabu Ley : « Mwana mawa », « Catalina cha cha et « Marie José »
1959, Le JAZZ AFRICAN est en déroute et perd tous ses musiciens, c’est la dislocation. Jeannot Bobenga, Franklin Boukaka et l’ensemble des musiciens de l’ancien Jazz Africain, à l’exception de Tabu Ley créent le VOX AFRICA. Franklin Boukaka et Jeannot Bobenga vocalisent sur des thèmes qui manquent souvent au firmament de la Rumba. 1959 ne s’achèvera pas, quand Franklin Boukaka va devoir dire adieu à Kinshasa pour intégrer le Cercul Jazz. Une légende. Et qui à la vie dure. Plusieurs années après l’effritement de ce qui fut l’un des plus beaux de la Rumba ; Franklin Boukaka opte pour un groupe simplifié, le groupe « Les SANZAS » avec l’accompagnement de trois sansistes avec lesquels il exploite son talent et sert à ses admirateurs, les mélodies de la rumba, du cha cha cha, Boucher, Jazz, Zebola et Boléro. C’est le début d’une carrière internationale à travers le monde et une production phonographique qui expose la nouvelle direction choisie par le groupe : celle d’une variété des rythmes, alimentée par le bon gros « boucher » qui rend cette musique dansable.
Le plus grand succès phonographique de Franklin Boukaka, demeure sans conteste « Le Bucheron » réalisé avec Manu Dibango. Franklin qui ne s’éloigne pas de ses convictions à la révolution prolétarienne, chante dans cet album : « les immortels » qui retrace la mémoire des héros révolutionnaires à travers le monde, Dans « Le Bucheron », il peint la douleur du bas peuple. Puis dans « Nakoki », il s’émeut devant les nouvelles réalisations économiques du Congo après l’indépendance. Ils fustigent la gabegie des politiques et des mauvais citoyens, Autant de maux qui fait de Boukaka un véritable combattant au front de la résistance.
Que soit réveillé à jamais la mémoire de Franklin Boukaka.
Clément Ossinondé