Les suites de l’inculpation de Dominique Strauss-Kahn

* La justice américaine a décidé lundi 16 mai 2011 le placement en détention préventive de Dominique Strauss-Kahn,

accusé de tentative de viol par une femme de chambre d’un hôtel de New York. Le parquet de New York affirme que les rapports des experts corroborent les accusations de la plaignante. La prochaine audience est prévue pour le vendredi 20 mai.

* Le parquet de New York indique mener une enquête sur une autre affaire sexuelle, qui pourrait impliquer Dominique Strauss-Kahn.

* Le FMI a d’ores et déjà annoncé que son numéro 2, John Lipsky, allait prendre la tête du Fonds le temps de l’absence de M. Strauss-Kahn. Une réunion extraordinaire à ce propos, prévue dimanche, a été reportée à lundi.

Ces quelques heures qui ont plongé DSK dans la tourmente

Dominique Strauss-Kahn menotté, sortant d’un commissariat de Harlem : l’image est choc, à la hauteur de l’affaire dans laquelle se trouve pris le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Arrêté samedi après-midi à New York alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour Paris, DSK doit comparaître, lundi 16 mai en fin de matinée (en fin de journée, heure française) devant un tribunal pénal de Manhattan. Il est inculpé de « tentative de viol », « agression sexuelle » et « séquestration de personne » suite aux accusations d’une jeune femme de 32 ans, employée au Sofitel de New York.

Samedi vers 13 heures selon la police – midi selon des versions ultérieures -, l’employée de l’hôtel pénètre dans la suite 2806, qu’elle pense alors inoccupée, pour faire le ménage. Louée 525 dollars la nuit – selon le FMI –, la suite dispose, outre la chambre et sa salle de bain, d’une confortable salle de réunion, d’un salon et d’un hall d’entrée. D’après Paul Dubrule, cofondateur d’Accor, groupe propriétaire des Sofitel, la configuration de la suite, « pas très pratique », peut expliquer « qu’on n’entende pas du tout une employée entrer dans la chambre ».

* Double agression sexuelle

Selon le témoignage de la femme de chambre, Dominique Strauss-Kahn serait « sorti de la salle de bain, entièrement nu, et [aurait] tenté de [l’]agresser sexuellement », selon le récit rapporté par Paul Browne, commissaire adjoint et porte-parole de la police de New York dans cette affaire. « Il l’aurait attrapée, et attirée de force dans la chambre et sur le lit », précise M. Browne, cité par le New York Times.

Toujours selon M. Browne, Dominique Strauss-Kahn, qui aurait pris soin de verrouiller la porte de la suite, aurait ensuite « traîné la jeune femme, qui se débattait, jusqu’à la salle de bain, où il l’aurait agressé une seconde fois ». Il l’aurait obligé, selon la chaîne américaine MSNBC, à pratiquer une fellation et aurait tenté de la déshabiller.

Lorsqu’elle parvient à s’échapper, a expliqué la jeune femme, elle  alerte le personnel de l’hôtel, qui appelle le 911, le numéro d’urgence américain.

* Un appel de DSK à l’origine de son arrestation

Lorsque la police arrive sur les lieux, le patron du FMI a quitté le luxueux hôtel situé à proximité de Times Square. Il va lui-même permettre aux enquêteurs de le localiser : à 15 h 40, Dominique Strauss-Kahn appelle l’hôtel pour demander si son téléphone portable, qu’il a oublié, se trouve bien au Sofitel. Au bout du fil, l’employé de l’hôtel aurait joué la ruse pour localiser le patron du FMI, lui demandant où il se trouvait pour lui faire parvenir l’objet, raconte le Wall Street Journal.

Dominique Strauss-Kahn appelle depuis l’aéroport JFK d’où il s’apprête à décoller pour Paris : un entretien est prévu dimanche à Berlin avec la chancelière allemande Angela Merkel. La police new-yorkaise doit agir vite : le vol Air France 023, dans lequel se trouve le patron du FMI, est programmé à 16 h 40. Ce sont les agents de l’autorité aéroportuaire de New York et du New Jersey, déjà sur place, qui sont chargés de l’interpeller avant que l’appareil quitte le sol américain.

Déjà installé dans la cabine de première classe, le directeur général du FMI est interpellé dix minutes seulement avant l’heure prévue du décollage. »Ils étaient sur le point de fermer les portes », a précisé John Kelly, porte-parole des autorités aéroportuaires. D’après ce dernier, le patron du FMI voyageait seul et s’est plié aux instructions des agents.

* Le chef du FMI officiellement inculpé

Dominique Strauss-Kahn, qui ne fait aucune déclaration et réclame un avocat, est transféré au Special Victims Unit, une unité spéciale de la police de New York située à Harlem qui enquête sur les crimes à caractère sexuel. Son inculpation pour « agression sexuelle », « tentative de viol » et « séquestration » est prononcée à 2h15 du matin, dimanche. Son avocat américain, Ben Brafman, a déjà informé une heure plus tôt par courriel l’agence Reuters que son client nie les faits.

Mais la victime présumée est formelle : amenée au siège du Special Victims Unit sous haute protection quelques heures plus tard, elle désigne sans hésiter le directeur général du FMI, aligné avec six autres personnes devant elle. Dimanche soir à 23 h, Dominique Strauss-Kahn quitte menottes aux poignets les locaux du commissariat de Harlem pour subir un examen scientifique et médico-légal.

Plusieurs points restent à éclaircir : selon une source anonyme au sein des autorités françaises, citée par The Daily Beast, le patron du FMI aurait notamment déjeuné, le jour de l’agression, avec sa fille Camille, étudiante à l’université de Columbia. Cela lui fournirait un alibi à opposer aux enquêteurs qui indiquaient, dans un premier temps, que les faits s’étaient produits à 13 heures. Les avocats de Dominique Strauss-Kahn, cités par BFM TV, font valoir que son départ de l’hôtel  a été enregistré à 12h28. Mais entre temps, les enquêteurs auraient révisé la chronologie des événements, estimant que les faits se sont plutôt produits autour de midi, et non à 13 heures. Sur ce point, Le Monde peut confirmer que la jeune femme a alerté ses supérieurs des faits concernant M. Strauss Kahn, samedi, vers 12 h 30.

L’audience préliminaire de DSK devant un tribunal pénal de Manhattan est prévue pour lundi en fin de matinée (en fin de journée, heure française). L’accusé, qui risque jusqu’à vingt ans de prison selon les chefs d’accusation retenus, devra alors présenter officiellement son choix de défense. DSK plaidera non coupable.

Dominique Strauss-Kahn incarcéré à Rikers Island

Dominique Strauss-Kahn, accusé de tentative de viol et d’agression sexuelle par une employée d’hôtel, passe la nuit de lundi à mardi dans la prison de Rikers Island, à New York. Après deux nuits aux mains de la police de Manhattan, DSK « va dormir ce soir à Rikers Island dans une cellule individuelle », a déclaré un porte-parole de l’administration pénitentiaire de la ville sous couvert de l’anonymat.

« Je ne peux pas vous dire s’il s’y trouve déjà, mais il y sera ce soir, a-t-il souligné, lundi. Il ne sera pas en contact avec les autres prisonniers. Cela ne veut pas dire qu’il sera toujours dans sa cellule. Cela veut dire que quand il en sortira, il sera toujours accompagné d’un gardien ».

La juge Melissa Jackson a refusé de libérer DSK moyennant une caution d’un million de dollars, deux jours après son arrestation à l’aéroport Kennedy de New York alors qu’il se trouvait dans un avion en partance pour Paris. La juge a pris cette décision juste après que l’accusation eut déclaré que Dominique Strauss-Kahn aurait été impliqué dans une affaire similaire dans « au moins un » autre cas. Il y a des « informations selon lesquelles il a eu une conduite similaire à celle-ci », a déclaré le procureur devant le tribunal.

La juge a évoqué un risque de fuite du directeur du Fonds monétaire international pour ordonner son maintien en détention. La prochaine audience a été fixée à vendredi. La défense de M. Strauss-Kahn a proposé qu’il remette son passeport à la justice et qu’il s’engage à résider à New York chez sa fille. M. Strauss-Kahn est visé par sept chefs d’accusation, dont acte sexuel criminel et tentative de viol et de séquestration, à la suite des accusations d’une femme de chambre de 32 ans, employée dans un hôtel Sofitel de New York.

« Il nie ces accusations. Il est présumé innocent selon la loi », a souligné un de ses avocats, Benjamin Brafman, ajoutant que son client bénéficiait d’une « ligne de défense forte » et qu’il était « tout à fait probable qu’il soit innocenté en fin de compte ». Son épouse, l’ancienne journaliste Anne Sinclair, devait arriver lundi à New York en provenance de Paris, a indiqué Me Brafman.

« GRAND JURY »

Dominique Strauss-Kahn fait maintenant face à un long processus judiciaire. Il doit désormais attendre la décision du « Grand Jury ». Celui-ci, composé de seize à vingt-trois grand jurés tirés au sort parmi les électeurs de l’État de New York, est chargé d’examiner les éléments de preuves. S’il estime celles-ci suffisantes, c’est lui qui décide de l’inculpation formelle du suspect.

Dans ce cas, le patron du FMI comparaîtra devant la Cour suprême de l’Etat de New York pour se faire signifier officiellement son inculpation, et un juge sera chargé de composer un jury pour le procès. L’instruction continuera en parallèle, menée par le procureur, chargé avec l’aide de la police d’assembler les éléments de preuves.

© Le Monde