« Une vérité nue est toujours meilleure qu’un mensonge habillé. »  Ann Landers

La phrase est lâchée… Celle dont l’accusation sonne comme un coup de tonnerre. D’autant plus, elle mérite d’être prise au sérieux car elle sort de la bouche d’un des anciens éléments du cercle rapproché du clan Sassou : « Il est constant dans le fonctionnement de ces personnes citées de cloisonner les actions et d’agir en secte tribale à l’insu des autres membres du groupe » in « La lettre du colonel Marcel Ntsourou, désigne les donneurs d’ordre sur l’incendie de la poudrière de P/Noire et les disparus du Beach de Brazzaville. »

L’auteur de ces propos veut-il s’émanciper en vain d’une ignoble tutelle, le clan Sassou, dont il a été pendant des années la main noire ? Ou, s’agit-il, comme il est de coutume cynique au Congo, de la perpétuation du mensonge d’État pour préserver à jamais un pouvoir discrédité et aux abois ?

Le mensonge organisé du clan Sassou

Au Congo-Brazzaville, les dizaines de milliers de morts depuis près de 40 ans seraient, dans des proportions écrasantes, dues aux exactions politiques dans l’optique de la préservation du pouvoir par un clan. (1)

Est-ce que le poids de l’histoire est devenu un fardeau, et qui pousse actuellement ceux-là même qui y ont été de près ou de loin des commanditaires ou des auteurs à délier leurs langues ?

Depuis plus de trois mois, la population congolaise vit au rythme des faits accusateurs qui ébranlent les autorités rattrapées par l’histoire. Les officines de presse croupissent sous le poids de plusieurs lettres dénonciatrices dont certaines sont anonymes, d’autres portent la signature des personnalités ayant occupé une place de premier ordre dans la vie politique congolaise.

Les assassinats ou disparitions inexpliquées de plusieurs compatriotes, y seraient répertoriés mais surtout décrits avec une certaine limpidité qui ne laisse aucune place au moindre soupçon ou doute possible.Toutes ces dénonciations accuseraient un groupe bien distinct pour certains, et parfois, d’autres sont nommément cités.

Pourquoi ces « vérités » longtemps enfouies et cachées aux congolais resurgissent-elles présentement des bas fonds ?

Doit-on accorder un quelconque crédit à toutes ces révélations qui suscitent l’émoi, le dégoût, la colère, l’indignation et le regain de sentiment d’être gouverné par un groupement en bande organisée dans l’assassinat, destruction de biens de l’Etat, trafic de fausses monnaies ?

Nous sommes à la croisée des vérités comme à chaque fois que notre société fait face à un éventuel bouleversement politique. On accuse les uns et on blanchit les autres. Le spectacle récurrent que livrent les acteurs politiques congolais depuis plus de 40 ans est un scénario où tout est voué au changement et à la disparition.

Qui a tué le Commandant Marien Ngouabi ? Qui a tué Alphonse Massamba-DEBAT ? Qui a tué KIKADIDI ?  Qui a tué le capitaine Pierre Anga dans son maquis d’Ikongono ? Qui a tué le capitaine Kimbouala-NKAYA ? Qui a tué le cardinal Emile Biayenda ? Qui a empoisonné le capitaine Xavier KATALI ? Qui est responsable des exécutions « au petit matin » ? Qui a empoisonné Auxence Ikonga ? Qui a emprisonné durant 11 ans le Général Joachim YHOMBI OPANGO et pourquoi ? Qui est responsable de ce qu’on appelle aujourd’hui « l’affaire des disparus du BEACH de Brazzaville» ? Qui a provoqué l’explosion de la poudrière de Pointe-Noire ? Qui est responsable du drame le plus sanglant qu’est connu notre pays, survenu le 4 mars 2012, avec l’explosion des dépôts d’armes de M’pila ?

La liste des frères et sœurs disparus est tellement longue qu’il nous faut des centaines de pages pour coucher les noms de tous ces illustres compatriotes assassinés par la bêtise humaine, l’égoïsme inouï de conservation du pouvoir par des méthodes barbares, cyniques, sataniques et des crimes rituels. L’organisation des crimes rituels dits « Kata-Kata » à Ouesso par des notables politiques en est une parfaite illustration.

Toutes ces questions dont certaines ont été débattues lors de la grande messe de février 1991 à la Conférence  Nationale Souveraine (CNS) et les réponses apportées à l’époque faisaient pourtant office d’un début de vérité. Pourquoi cette recrudescence de la recherche de la vérité actuellement ? Pourquoi, ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui ? Pourquoi, ce qui était en deçà de BOKO peut-être erreur au delà ? C’est dire combien la vérité est un phénomène si fragile, si ténu que sitôt qu’on l’a saisi, il se volatilise pour ne laisser derrière lui que des impressions vagues qui tendent plus vers le faux que vers le vrai. Parce que la quête de la vraie vérité n’a jamais été assouvie, livrée aux congolais, pensent certains.  Et d’autres, de rajouter tant que nous aurions les mêmes dirigeants qui inoculent le poison du fanatisme aveugle,  qui ont plongé les mains dans le cambouis de la politique politicienne, du mensonge et liée par des accords « fétichico-mysticiques » qui scellent leur parole, leur vérité ne sera que la vérité qui ressemble au « baiser de judas ».

L’on peut se permettre de se poser les questions suivantes : Pourquoi Justin Lekoundzou-Itihi-Ossetoumba aurait-il dit la vérité maintenant (s’il s’avère qu’il aurait parlé), qu’il ne l’avait pas fait hier ? Pourquoi Jean-Jacques Yhombi Opangho qui avait promis de dire toute la vérité sur la mort du Président Marien Ngouabi ne nous a nourris que d’inepties ? Pourquoi Marcel Ntsourou dit sa part de vérité maintenant qu’il est emprisonné ? La vérité de notre histoire trouble est sujette aux circonstances existentielles de ceux qui la détiennent ?

Comment dénouer le vrai du faux devant cette prolifération de « lettres vérités » qui envahissent nos boîtes aux lettres, mails, la presse congolaise et internationale ?  Pourquoi la presse d’État n’en parle-t-il pas ? Pourquoi les journaux locaux privés qui en fait leurs choux gras sont-ils suspendus par le gouvernement ?

Tant que cette quête de la vérité de notre histoire ne sera pas assouvie, notre démocratie se cherchera toujours sous «  les démocratures » de pseudos monarques inamovibles régnant sur des foules aux ventres creux. Comment en sommes-nous arrivés là ? A en croire la plupart des congolais, ce serait la faute aux politiciens et militaires.  Chacun a son bouc émissaire.  Mais tout le monde sait que la réponse n’ est que  notre incurie et notre impéritie.  Certes, la classe politique a beaucoup menti en nous faisant croire que nous allions vers le changement, ce qui ne fut pas le cas. Seulement nous sommes restés dans notre bulle en cultivant le déni des réalités. Nous avons cultivés le nombrilisme alors que le pays est dans le fossé. Cette perte d’ambition collective montre aussi la faillite des élites qui pour beaucoup ont accompagné l’enfumage général du peuple. Quand on en aura tous pris conscience, les yeux se dessilleront pour voir autre chose que l’état actuel. Comment peut-on apporter du neuf aujourd’hui alors qu’on a été incapable de le faire pendant près de trente-quatre ans ? Le clan Sassou en faisant suspendre ces journaux locaux privés, prouve-t-il son désir manifeste de maintenir la chape de plomb indestructible ?

La propagande des membres du clan Sassou pour diluer dans l’inconscience des Congolais ces « lettres vérités » est à l’évidence truquée dans les grandes largeurs en proférant des mensonges les plus incroyables. Cette propagande entend faire des incitations à la haine tribale, ethnique et régionale, des présentations simplistes, des déformations et des appels à l’émotion. Les médias d’Etat ont reçu consigne d’agir comme un rouleau compresseur, pour imposer aux Congolais une version officielle mensongère et rendre inaudible tout point relatif à ces « lettres vérités » en les déformant, en les caricaturant et en faisant passer sous silence des témoignages qui crédibilisent les faits énoncés. Ces médias sont, de ce fait, une simple courroie de transmission mensongère gouvernementale.

Pour le clan Sassou, la vérité n’est qu’un débat truqué, tronqué

Tous habitués que nous soyons – les Congolais – aux mensonges de la version officielle, à la violence verbale (en nous traitant de rats et souris) et physique des membres du clan Sassou; il est flagrant et curieux de voir à quel point le clou de l’aréopage de ce clan doté d’un cynisme inégalé, d’une perversité assez extraordinaire était capable de pousser la mascarade, les mensonges et les amalgames.

L’on ne peut oublier que le peuple congolais a subi et continue à subir les châtiments barbares et les plaisirs sadiques d’un clan, qui pour conserver le pouvoir, n’a ni cœur ni miséricorde.

Ce dilemme retranscris ici en questionnement est à mon sens l’’effet d’une justice mal rendue, qui nie et falsifie depuis plus de trente ans  la vérité. « Seule la vérité peut affronter l’injustice. La vérité, ou bien l’amour. »  Albert Camus.

Y’aurait-il pas suffisamment de preuve étayant la culpabilité de tous ceux qui ont commis ces assassinats, empoisonnements, meurtres, et explosions touchant les populations civiles et militaires?  Pourquoi, devons-nous attendre une vérité sortie des politiciens dont beaucoup sont aussi coupables ?

La seule vérité qui tient lieu, celle qui est vraie pour nous peuple congolais, est que ces crimes cités ci-haut ne seront ni enterrés définitivement, ni dilués dans l’oubli de l’histoire du Congo-Brazzaville, quelle que soit la date à laquelle ils ont été commis.  Les coupables devront répondre de leurs actes. Ils prennent ainsi le risque de se rendre complices de crimes contre l’humanité. (2)

Le peuple congolais « a finalement compris les dangers que représente tout système de pensée organisée, elle a compris que le passage du mensonge à la vérité est tributaire d’une simple prise de conscience de sa valeur intrinsèque, de ses potentialités inépuisables. A la voir maintenant courtisée, adulée par les pouvoirs et par les systèmes politiques, on réalise avec énormément de regret les temps qu’on a perdus quand on accordait une foi aveugle en ces dirigeants dérisoires qui nous gavaient de mots doux et mensongers indigestes, alors qu’on n’avait qu’à regarder dans le fonds de nous-mêmes pour déterrer cette vérité qui est l’unique garantie de notre salut. » Ne dit-on pas que « …Si tu améliores le présent, ce qui viendra ensuite sera également meilleur.» Ann Landers.

A chaque fois que les congolais veulent se réconcilier avec eux-mêmes, surtout à l’approche des événements qui marquent son histoire, comme celui de lavement des mains du 10 juin, ils se laissent émouvoir par de multitudes de vérités fictives : « Youlou a tout volé », « Massamba-Debat, un bandit de grand chemin », « Marien Ngouabi ou l’utopie du socialisme scientifique », « Yhombi a pillé les caisses publiques pour un lit à 3200 euros », « Pascal Lissouba, ma science na ma technologie pour faire du Congo une petite Suisse. »

De toutes ces pseudos vérités livrées ici et là pour diviser les congolais, un groupe de malfaiteurs tirent les ficelles. Ce groupe règne en maître absolu en falsifiant la vérité. Il ne fait aucun doute que le mensonge, lorsqu’il est organisé de façon systématique et systémique, constitue une arme politique extrêmement efficace.

On a pu observer que les services de sécurité dirigés par des parents ou autres sbires, souvent, se livraient entre eux à des « compétitions » pour savoir lequel était capable d’atteindre le plus haut degré de cruauté dans la torture.

On oublie parfois de se poser la question, si la taupe n’est-elle pas le complice de ceux qu’il croit trahir?  « Il n’est rien de plus profitable qu’un mensonge habillé. » Ann Landers.

Un peuple ne peut être libre que s’il sait s’approprier son destin. Ceci ne peut être possible qu’en se débarrassant d’un système qui a pour fonction essentielle de le broyer en le privant de liberté. Un système politique est toujours nuisible pour celui qui cherche à être lui-même, car quand on y est, on est plus soi-même, mais on devient le reflet de ce système dont on est chargé de véhiculer les mensonges.

Voilà pourquoi, nous subissons toutes les vérités car nous refusons de voir pourtant celle qui est en face de nous. Celle qui est pourtant si visible, mais nous refusons de la voir. On préfère une vérité qui vient d’ailleurs, dénuée de toute sa substance. Or, si un peuple construit sa propre vérité, elle échappe de ce fait à la main mise de tout système aussi structuré soit-il.

C’est en considérant la question sous cette optique qu’on peut comprendre pourquoi et comment La vérité appartient au peuple. Car il s’applique à entendre les battements de son cœur sans calcul mesquin, les vibrations de son corps dans tous ses états naturels, et tant que notre cœur et notre corps sont à l’abri des pressions extérieures,  ni accessible à toutes manifestations d’une vérité qui vous endorme,  celle-là ne peut être tronquée.

Le mensonge lamentable sans fin qu’incarne le clan Sassou, avouons-le, est un échec complètement destructeur pour le Congo. Notre beau pays que nous aimons tous, ne doit plus être une arène de lutte politicienne dans des intérêts sans consistance pour le destin économique et social du peuple Congolais. Les Congolais doivent entrer dans une aire de paix, de liberté et de concorde nationale assumée en toute responsabilité. Les Congolais doivent bannir la politique au sens piteux.

Sachons-nous remémorer les récits des évènements passés pour reconstruire un Congo en paix dans la vérité, la vraie surtout pas celle issue des calculs politiciens, mais,  la perspective offrant des meilleures garanties pour notre avenir.

Jean-Claude BERI, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

(1)   – CONGO-BRAZZAVILLE : Après Justin Lékoundzou Itihi Ossetoumba, le Général Norbert Dabira sort la vérité sur Sassou Nguesso et son régime de sang

(2)   – CONGO: La marche vers la vérité sur les grands assassinats politiques