Réunis le 5 février 2015, à l’hôtel Saphir, les partis politiques, mouvements, plateformes associations et personnalités opposés au changement de la Constitution du 20 janvier 2002 ont mis en place une plateforme dénommée: Frocad (Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et pour l’alternance démocratique), dont Paul-Marie Mpouélé est le coordonnateur.
Vendredi 27 février dernier, il s’est prêté à nos questions, pour parler de l’avenir politique de cette plateforme, du débat sur la Constitution, du dialogue et de la stratégie à adopter pour l’élection présidentielle de 2016. Pour lui, «on ne peut pas aller à l’alternance en rangs dispersés». En ce qui concerne la Constitution, il est contre son changement, mais ouvert à sa révision. Interview exclusive!
* Monsieur le coordonnateur du Frocad, quel est l’avenir de votre plateforme? Est-elle créée juste pour faire respecter l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique dans le pays ou aviez-vous d’autres ambitions, par exemple, celle de présenter un candidat à l’élection présidentielle de 2016?
** Comme un enfant qui naît, le Frocad est promis à une longue existence. Un enfant, pour reprendre cette image, naît, grandit, vieillit même et meurt, le plus tard possible, tant que ses parents prennent soin de lui. Nous essayerons de prendre soin du Frocad, pour aller le plus loin possible, avec cet instrument de rassemblement. Quant au candidat unique possible, je crois que tous les acteurs politiques congolais doivent tirer les leçons de ce qui se passe au Togo, mais qui s’est déjà passé aussi dans notre pays. On ne peut pas aller à l’alternance en rangs dispersés, c’est l’échec programmé. Il nous faudra faire preuve d’humilité et de grande responsabilité, pour accéder à ce souhait évident de tous les Congolais qui attendent le changement et la rupture.
* Puisque vous n’allez pas en rangs dispersés, comment allez-vous faire alors pour choisir votre candidat?
** Comme je viens de le dire, c’est un souhait du peuple que nous soumettrons, en temps opportun, au débat. Je ne peux, donc, vous dire, maintenant, comment nous procéderons. Il est évident que la voie la plus démocratique, c’est celle de s’adresser aux militants et sympathisants, dans le cadre, par exemple, des primaires, si vous avez plusieurs prétendants. Mais tout cela n’est que supputations, puisque nous avons encore un grand combat devant nous, celui de faire respecter l’ordre constitutionnel et d’obtenir des élections libres, équitables, justes et transparentes.
* Comme vous êtes opposés à la réforme constitutionnelle, êtes-vous conscients que si votre candidat est élu président de la République en 2016, il va devoir cohabiter avec le P.c.t et ses alliés qui détiennent la majorité à l’assemblée nationale et au sénat? Qu’entendez-vous faire?
** Il faut arrêter de jouer à se faire peur. Cette Constitution a prévu des mécanismes, même en cas de cohabitation. Le président de la République peut, aisément, légiférer par ordonnance, il suffira qu’il demande l’avis de conformité à la Constitution aux institutions habilitées: la Cour constitutionnelle ou la Cour suprême, selon les cas. La cohabitation se passera donc très bien et en 2017, les choses entreront dans l’ordre, puisque je ne pense pas que sans son système de fraude actuel, le P.c.t se taille encore une quelconque majorité dans ce pays.
* Concernant la Constitution, quelle serait votre attitude, au cas où le gouvernement organise un référendum constitutionnel, pour permettre au peuple de trancher le débat actuel où deux positions s’affrontent, à savoir: les antis et les pros changement constitutionnel?
** Je pense que le président de la République est un homme d’honneur. Cela a, d’ailleurs, fait l’objet d’un livre le concernant. Et cet homme d’honneur, qui est un soldat, donc qui a prêté serment sous le drapeau, connaît ce que c’est la valeur d’un serment. Je crois, donc, qu’il ne commettra pas le parjure que ses laudateurs veulent qu’il commette. Le parjure, il le connaît comme soldat, mais aussi comme initié, donc il ne le commettra pas. Maintenant, si par malheur, il accède à cet appel de bas niveau, nous nous opposerons, énergiquement, car il s’agira d’un coup d’Etat constitutionnel que personne ne peut accepter. D’ailleurs, pour aider le président de la République à sortir par la grande porte, comme le souhaitent la majorité des Congolais, nous lui proposons de convoquer une rencontre de la classe politique, la société civile et de l’administration, pour qu’ensemble, nous étudions les mécanismes d’une nouvelle gouvernance électorale, qui redonne à notre pays ses lettres de noblesse en matière de préparation et d’organisation des élections. C’est si urgent que nous n’accepterons pas que le temps passe inexorablement. Ce mois de mars doit être consacré à cela, pour redonner confiance à tout le monde et apaiser le climat qui se tend inutilement. Il n’y a pas de pro changement de Constitution, ce sont des putschistes et des anarchistes qui n’ont pas leur place dans une République. La démocratie suppose le respect des lois et la place de ceux qui ne respectent pas les lois, c’est la prison. Alors, qu’on arrête de nous divertir par des propos qui frisent le ridicule. Toutes les réformes recensées par le P.c.t pour justifier un coup d’Etat constitutionnel trouvent leurs résolutions dans la révision de notre Constitution, nous sommes disposés à aller à cette révision, comme l’indique l’article 86 de la loi fondamentale.
Notre peuple sait que le P.c.t se débine et se délite, chaque fois qu’il est devant un tournant important de notre histoire. Il se réfugie derrière le chiffon rouge de la menace de la paix, des complots imaginaires, prenant ainsi en otage Denis Sassou-Nguesso, qui est censé être le président de tous les Congolais et non du P.c.t. Les faux sages, les députés, les ministres qui font l’apologie du changement de la Constitution, comme s’ils avaient la primeur de tracer les contours de notre vivre-ensemble, sont des vrais perturbateurs de la paix que le président de la République doit sanctionner, en sa qualité de défenseur de la République et de sa Constitution.
Propos recueillis par Cyr Armel YABBAT-NGO
Source La Semaine Africaine