Mohsen Hojeij est-il sur le point de porter l’estocade à l’Etat Congolais et, par extension, à Denis Sassou Nguesso ? Alors qu’il réclame depuis plusieurs années le règlement d’une créance record de 1.1 milliard de dollars, l’homme d’affaire britannique vient d’engranger plusieurs victoires judiciaires à Paris et aux Etats-Unis. Explications.

Saisies validées. Le long combat de Mohsen Hojeij pour recouvrer sa créance irrévocable née du non-paiement de contrats réalisés dans les années 90 par sa société de BTP Commisimpex vient d’être renforcé par la Cour de cassation (France). Dans un arrêt du 13 mai jusque-là passé inaperçu, la plus haute juridiction française est allée à l’encontre d’une décision de la cour d’appel de Versailles qui avait annulé une saisie effectuée en 2011 sur les comptes de l’ambassade du Congo-Brazzaville à paris en règlement de cette créance.

A cette époque défenseur du Congo-Brazza, le cabinet Cleary Gottlieb avait brandi l’immunité diplomatique et avait été suivi. Mais la Cour de cassation vient de rejeter cet argument estimant que Brazzaville avait renoncé à faire jouer toute immunité dans ce contentieux dans une lettre d’engagement signée le 3 mars 1993 par le régime de Pascal Lissouba.

Ce verrou levé, les avocats de Mohsen Hojeij devraient se démener dans les prochaines semaines. Saisies d’immeubles diplomatiques en France, de cargaisons pétrolières, d’actifs financiers… : les jeux sont ouverts.

Ces menaces sont prises d’autant plus au sérieux à la résidence de Mpila que, sans attendre la décision de la Cour de cassation, le cabinet d’avocats parisien Archipel a procédé en mai à une vague de saisies visant de nouveau l’ambassade parisienne. Plusieurs millions d’euros déposés sur onze comptes ont été bloqués, pénalisant gravement le fonctionnement de la chancellerie dirigée par Henri Lopès.

Washington s’aligne. Ce contexte a amené Sassou Nguesso à demander l’intervention de la France lors de son entretien avec François Hollande début juillet 2015. En vain. Signe de fébrilité, le président congolais, qui craint désormais une saisie de son Falcom 7X, a remercié Cleary Gottlieb.

Une nouvelle équipe d’avocats, parmi lesquels figure le spécialiste de l’arbitrage Kevin Grossmann, a été chargée d’établir une autre stratégie. Pour ces robes noires, les devoirs de vacances ne manqueront pas. Car d’autres décisions confortant Mohsen Hojeij sont venues entre-temps s’ajouter à celle de la Cour de cassation.

Le 16 juillet, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la position du Congo-Brazza qui refuse d’acquitter la créance au motif que Commisimpex a été déclarée en faillite par les tribunaux de Brazzaville en 2014.

Auparavant, le 6 juillet, la cour du district de Columbia (Etats-Unis) avait aussi rejeté le caractère légal de cette liquidation, en invoquant la partialité des décisions émanant des juridictions d’un pays réputé pour sa mauvaise gouvernance.

Créancier sulfureux, Etat délictueux. Au-delà de leurs aspects strictement juridiques, les rebondissements du dossier Commisimpex illustrent les méandres de l’Etat congolais empêtré dans les amitiés sulfureuses de son chef.

Le combat acharné de Denis Sassou Nguesso, arrivé au pouvoir en 1979, livre depuis près de trente ans à Mohsen Hojeij a laissé prospérer une créance dont le montant représente désormais 18% du PIB du pays. Une broutille !

Aucune négociation n’est venue stopper cette procédure infernale. Pour leur défense, les avocats du Congo-Brazzaville s’attardent désormais sur la personnalité de l’homme d’affaires, lequel a su habilement profiter des largesses de son ex-protecteur.

Outre ces contrats sujets à caution, ce dernier avait réussi comme par magie à renégocier sa créance – en la quintuplant ! – au terme d’un protocole d’entente signé en 2003.

Mais cela ne suffit pas à convaincre les juges.

L.C du 29 juillet 2015, N° 711