Après ses pseudos consultations, Denis Sassou Nguesso éclaire l’opinion congolaise de manière plus précise sur ses réelles intentions par cette phrase : « Tant que j’aurai un peu de force, le Congo ne tombera pas entre de mauvaises mains » tirée du dernier Jeune Afrique n°2839 du 7 au 13 juin 2015. Qu’il ait choisi cet hebdomadaire pour se dévoiler encore plus ne peut étonner le congolais averti. Mais cela peut paraître prétentieux pour un homme qui se considère « humble et investit d’une mission noble pour son peuple. »

De tels propos relèvent de la schizophrénie politique d’un dictateur aux abois qui veut considérer des Congolais comme ses sujets et non comme des citoyens jouissant de leurs droits fondamentaux garantis par la constitution de 2002 et les textes internationaux. Je dirais même que c’est la preuve de la dépersonnalisation de l’individu. En effet, « Il s’agit d’un sentiment de perte de sens de la réalité, dans lequel un individu ne possède aucun contrôle de la situation. Les patients sentent avoir changé, et leur perception de la réalité est devenue vague, floue, ou manque de sens. Cela peut être une expérience choquante pour les individus qui, comme ils le disent, vivent dans un « rêve » .Wikipédia.

Lorsqu’on atteint les cimes d’une pensée, d’une action politique (Bonne ou mauvaise) peut-on réellement encore progresser ? Surtout pour un homme dont on connaît les élans de prédateurs dangereux, par ses colères, sa révolte, par son autosuffisance extrême et son attachement immodéré de commander.

Pas besoin de philosopher, ni encore moins de torturer davantage nos méninges pour diagnostiquer les faits qui sont aujourd’hui limpides.

2016 est pour Sassou Nguesso une année cruciale, pas parce que la constitution lui interdit de briguer un troisième mandat mais surtout il doit se regarder dans un miroir et se dire qu’ai-je fais pour le Congo en 33 ans de règne ?

D’aucuns se précipiterons pour étaler les infrastructures comme les routes, les aéroports, les bâtiments administratifs pour tenter de séduire l’opinion congolaise afin de la convaincre d’accorder un sursis pour qu’il achève ce qu’il aurait déjà entamé.

Ce bienfaiteur infatigable ignore-t-il que le Congo est déjà entre les mauvaises mains depuis que le Clan et l’oligarchie « Oyochiste » se sont appropriés de tous les leviers économiques du pays ?

Le Congo n’est-il pas dans les mauvaises mains, lorsque le fils du dictateur s’érige le rôle de donateur et bienfaiteur de la nation en octroyant des bourses d’études et en offrant des soins aux plus démunis avec les deniers de l’Etat sans que cela n’émeuve personne ? Prouvant par là qu’il est plus que les ministres de l’enseignement supérieur et celui de santé. Et que son salaire de député et d’employé à la SNCP serait largement supérieur aux budgets des deux ministères cumulés.

Le Congo n’est-il pas dans de mauvaises mains lorsque la neutralité de l’armée et la force publique est remise en cause ?

Le Congo n’est-il pas dans de mauvaises mains lorsque sa jeunesse congolaise, l’avenir de demain, est livrée à un marchandage dénigrant et indigne ?

Le Congo n’est-il pas dans les mauvaises mains lorsque « La corruption au Congo-Brazzaville est un phénomène systémique ? Elle ruine l’Etat et humilie chaque citoyen. »

Le Congo n’est-il pas dans les mauvaises mains, lorsque la libre circulation de tous les acteurs politiques sur toute l’étendue du territoire national est soumise à la volonté de quelques généraux qui font régner la terreur ?

La dubilité des propos de Sassou Nguesso cités plus haut, traduit en réalité les intentions du putchiste qui ne se résigne pas à respecter la constitution du pays qui impose une limitation du nombre de mandats présidentiels et qui constitue l’essence même d’une démocratie.

aaaareve-9419083Les propos de Sassou Nguesso traduisent sa volonté indélébile de faire perdurer le PCT comme le parti dominant au Congo à travers la personnalisation du pouvoir, la confusion de l’appareil étatique, et l’incursion fréquente des membres du clan d’Oyo et de l’armée dans les affaires politiques au mépris du caractère impartial et républicain.

Sassou Nguesso qui s’est arrogé tous les pleins pouvoirs après son coup d’état d’octobre 1997, a imposé aux congolais son parti le PCT comme parti majoritaire par principe et réfractaire aux élections. Sassou et les membres de son clan n’entendent pas recevoir des critiques sur leur gestion du bien public, mais aussi ils ont peur de perdre certains privilèges.

Ainsi, Denis Sassou Nguesso en s’appuyant sur un parlement monocolore acquis à sa cause, fait adopter des textes électoraux peu favorables au jeu démocratique. Les réformes constitutionnelles et institutionnelles indispensables à l’organisation d’un scrutin équitable sont donc bloquées ou faites à la mesure de la volonté de Sassou Nguesso et dans le souci de le maintenir au pouvoir. Le découpage électoral et le choix du mode de scrutin attestent l’assertion.

Ensuite, les affidés de ce pouvoir clanique incarné par Denis Sassou Nguesso par souci de conserver leur prestige et biens matériels, acquis le plus souvent frauduleusement, et dans le but d’échapper à tout verdict des congolais, font tout pour soutenir et maintenir un régime illégitime et impopulaire en instrumentalisant, à tous les niveaux, le processus électoral.

Les propos insipides de Denis Sassou Nguesso se reflètent au Congo par des découpages électoraux peu judicieux, des textes qui écartent les candidats de l’opposition les plus gênants, le refus d’enregistrer les électeurs acquis à la cause de l’opposition ou le gonflement de la liste électorale.

En vrai, au Congo, Denis Sassou Nguesso se considère comme un monarque qui a concentré sur lui tous les pouvoirs et s’approprie la démocratie électorale. Cette appropriation se traduit par les consultations politiques qu’il a imposé aux politiques et à la société civile pour faire aboutir son projet machiavélique de « changement de constitution » qui va supprimer la limitation des mandats et de l’âge pour conserver ad vitam æternam le pouvoir à la veille d’un scrutin majeur, et ceci, en fonction de ses ambitions politiques personnelles, et le temps qu’il faudra préparer Denis Christel « KIKI » à le succéder.

Denis Sassou Nguesso qui est un disciple de Edouard Ambroise Noumazalaye s’est toujours inspiré des propos tenus par son maître en 1965, six ans après les évènements de 1959. Edouard Ambroise Noumazalaye avait posé une question embarrassante à la classe politique congolaise : « Avec un Nord démographiquement faible, comment un fils du Nord peut accéder au pouvoir ? »

D’où la mise en place par Denis Sassou Nguesso, des méthodes tribales et machiavéliques de conservation du pouvoir. Ce qui justifie que Sassou Nguesso a toujours fait recours aux coups d’état et aux coups bas pour se hisser au pouvoir. Pour la conservation du pouvoir, Sassou Nguesso a toujours entretenu la fibre ethnique et tribale. A titre d’illustration, Sassou Nguesso, le 21 mars 1999 à Mikalou (Brazzaville) déclarait « … Est-ce que vous savez que le Nord a le record en effectif d’officiers ? … Je vous interpelle tous, pour notre survie, notre futur est noir… S’il m’arrivait de mourir à 11 heures, sachez qu’avant 15 heures, on ne parlera plus du nord tout entier. Tous nos villages seront brûlés, tous nos nordistes de Brazzaville comme ceux de Pointe-Noire mourront dans les 3 heures qui suivront ma mort. Donnez-moi donc vos enfants, j’ai besoin d’hommes pour assurer votre survie. Je lutterai aux côtés de mes enfants comme je l’ai toujours fait depuis juin 97. Je ne fuirai jamais, je lutterai avec vous jusqu’à ma dernière goutte de sang… »

Comme on le voit, Denis Sassou Nguesso, a toujours alimenté des esprits égarés et naïfs en se faisant passer pour un divin dans la conservation du pouvoir au Congo.

Tous les Congolais doivent cesser de penser que la diversité ethnique est un facteur de division mais plutôt comme le socle de la modernité de notre pays le Congo, car la probabilité de la remettre en cause est presque inexistante.

À rebours, tant que Denis Sassou Nguesso est décidé à rester au pouvoir, son monopole sur l’État semble souvent lui permettre de tenir le jeu politique formel et d’assurer sa réélection. D’où la manipulation de certains leaders politiques par la corruption et les manœuvres observées pour changer la constitution pour se maintenir au-delà de août 2016.

Les Congolais de tout horizon qui ont compris la schizophrénie politique, le jeu machiavélique et tribal de Denis Sassou Nguesso doivent être vigilants pour faire pérenniser les acquis de la Conférence Nationale Souveraine de 1991 à savoir le respect de la constitution de la République et l’alternance démocratique qui sont des piliers d’une démocratie.

Tous les Congolais qui aspirent au respect de la constitution et à l’alternance démocratique doivent être vent débout pour dire à Sassou Nguesso : « Tossa Mibeko…»

Jean-Claude BERI