A une année de la fin du règne de Sassou, si il est un homme qui donne des frissons ou des insomnies au locataire du Palais du peuple, c’est bien André Okombi Salissa, puisqu’au-delà des erreurs stratégiques commises par les services de police pour freiner son élan, l’opinion publique a remarqué que le président de la CADD monte en puissance ; l’homme fascine et semble avoir redonné espoir à ses fidèles. Mais la grande question est : jusqu’où peut aller André Okombi Salissa ?
« Adepte du jusqu’au boutisme politique », ainsi que le définissent ses affidés, le fantôme d’Okombi Salissa, ancien homme de main de Sassou et président de la CADD, hante le Palais du peuple. Depuis son retour de Paris, où il était en exil volontaire, André Okombi Salissa alias « Tout bouge », pour les intimes, ferait–il peur au régime de Brazzaville ? On n’est pas loin du fantôme de Sassou qui hantait le Palais présidentiel de Lissouba dans les années 90. La suite est connue.
En ce qui concerne Okombi, qui est par ailleurs membre du Bureau politique du PCT, son retour a été suivi de près par les services de sécurité. « N’eussent été les instructions de ce dernier à ses militants restés au pays, argumente un proche du président de la CADD, la mobilisation eût été d’une grandeur nature, un peu à l’image de l’accueil qui fut réservé à Sassou à son retour d’exil volontaire en 96 ».
Nonobstant la frayeur suscitée, ce jour là, par le zèle de certains officiers de la sécurité, « l’enfant terrible de Lékana », ainsi que l’acclament ses militants, n’a pas cédé à la provocation.
Au fil du temps, Okombi se révèle désormais comme un homme d’Etat. Prudent comme un chat, il n’apparait qu’épisodiquement et stratégiquement en public, comme lors de son one man show à la rentrée parlementaire 2015 ou pendant la clôture du dialogue national alternatif convoqué par l’Opposition congolaise. Ceux qui le prenaient pour une taupe politique au service de Sassou ont fini par se ramollir.
Selon certaines indiscrétions, André Okombi Salissa aurait même poliment refusé de répondre, favorablement, à une invitation (nocturne ?) que lui aurait adressée Denis Sassou-N’guesso. Ce geste courageux a très vite été interprété, par ses adversaires politiques, comme une irrévérence à l’égard de son parrain politique. « C’est un renégat très ingrat », ont-ils lâché.
A l’observation, le député de Lékana semble avoir pris ses distances avec le pouvoir. Lors du dernier dialogue tenu à Sibiti, Isidore Mvouba, qui a voulu jouer les médiateurs, a manifesté le désir de l’y emmener. Peine perdue ! Il s’est heurté à une fin de non-recevoir de son ami et camarade du Bureau politique. Il n’en fallait pas plus pour que des boutefeux du pouvoir mettent désormais le député de Lékana dans leur ligne de mire. Il semblerait d’ailleurs que l’attention des services à l’égard de Mathias Dzon, Clément Mierassa, Martin Mbemba…, se serait déteinte pour mieux se focaliser sur Okombi, considéré, apprend-on, comme l’opposant « le plus récalcitrant et dangereux ».
Les services de sécurité sont sur les dents
A l’occasion d’une rencontre des « amis d’Okombi », en juillet dernier, Patrice Laganny et ses compères sont interpellés par les forces de sécurité. La nouvelle se répand telle une traînée de poudre dans la capitale congolaise. Certains inconditionnels d’Okombi se résolvent alors à se constituer prisonniers illico presto. Des centaines de jeunes – des quartiers nord comme des quartiers sud – sont sur le point d’en faire autant, lorsque les « amis d’Okombi » sont libérés par le colonel Thomas Bakala Mayinda, qui aurait agi sur instruction de sa hiérarchie.
Selon les hommes liges du président de la CADD, « un plan visant à mettre sous clé leur chef aurait été concocté par les services ». Il s’agit, poursuivent-ils, « de présenter André Okombi Salissa comme propriétaire des armes qui seraient dissimulées dans certaines parties de la République ». Selon la rumeur brazzavilloise, le nom du district de Lékana, d’où est originaire le président de la CADD, circulerait avec insistance comme lieu où auraient été entreposées des armes. Vrai ou faux ? Toujours est-il que dans certains milieux du pouvoir, l’on chercherait à museler celui que l’on présente désormais comme le Macky Sall congolais. « Nous ne pouvons pas aller au référendum avec un André Okombi Salissa, réputé dangereux. Il faut qu’on l’arrête ou que l’on le pousse sur le chemin de l’exil », s’est confié à La Trompette, sous couvert d’anonymat, un éminent membre de la majorité au pouvoir. De leur côté, les proches d’Okombi n’entendent pas faire baisser la tension tant que « la Constitution n’est pas respectée ».
L’effet okombimania
Les agissements douteux de certaines autorités au pouvoir ont fini par créer une sympathie gratuite à l’égard du président de la CADD. Dans les administrations publiques, les services de sécurité voire diplomatiques, certains cadres sont maladroitement indexés comme des pro-Okombi. C’est le cas d’un diplomate congolais affecté dans une chancellerie x, qui a été accusé, du fait de son appartenance ethnique, de rouler pour Okombi. Selon certaines indiscrétions, des fiches de renseignement atterriraient sur la table de certains officiers pour présenter certaines personnes comme sympathisants de la CADD. On est exactement dans le même cas de figure que celui qui avait précédé la chute de Pascal Lissouba, où le seul fait d’appartenir à la même région que Sassou ou Kolelas vous envoyait à la géhenne. Les mêmes causes vont-elles produire les mêmes effets ?
Guy Milex Mbondzi