La semaine dernière, Notre site avait diffusé l’information selon laquelle la cour constitutionnelle allait se réunir en catimini à la demande du président Sassou pour statuer sur la réforme des institutions.
Au vue de la question alambiquée posée par ce président en mal de popularité et qui souhaite mourir au pouvoir, la réponse apportée par la cour constitutionnelle composée de corrompus et d’affidés du pouvoir est du même tonneau. On a l’impression d’assister à un dialogue de sourds.
Mal inspiré et complètement hors sujet, le Président Sassou se base sur l’article 110 qui stipule : « Le parlement a l’initiative législative et vote seul la loi. Il consent l’impôt, vote le budget de l’État et en contrôle l’exécution. Il est saisi du projet de loi de finances dès l’ouverture de la session d’Octobre.
Il a l’initiative des référendums, concurremment avec le Président de la République » pour réaliser son referendum et valider son coup d’État constitutionnel alors que l’organisation du referendum, en ce qui concerne le président, ne peut pas s’écarter du champ référendaire défini dans l’article 86 qui stipule : « Le Président de la République peut, après consultation des Présidents des deux chambres du Parlement, soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, les garanties des droits et libertés fondamentaux, l’action économique et sociale de l’Etat ou tendant à autoriser la ratification d’un traité. Avant de soumettre le projet au référendum, le Président de la République recueille l’avis de la cour constitutionnelle sur sa conformité à la constitution. En cas de non-conformité à la constitution, il ne peut être procédé au Referendum. La cour constitutionnelle veille à la régularité des opérations de referendum. Lorsque le referendum a conclu à l’adoption du projet, la loi est promulguée dans les conditions prévues à l’article 83 alinéa 2. »
Pourquoi ne pose-t-il pas ouvertement la question du changement ou non de la constitution à la cour constitutionnelle ?
Quoi qu’il en soit, ce président isolé sur le plan national et international et qui n’a plus d’alliés politiques, n’a aucune marge de manœuvre pour réaliser son rêve de faire du Congo une monarchie. Le peuple congolais l’attend au tournant.
Analyse de l’avis rendu par la cour constitutionnelle le 17 septembre 2015 (1)
Dans sa lettre de saisine de la cour suprême, le Président de la République déclare en substance « L’article 110 dernier alinéa de la constitution dispose : II (le parlement) a l’initiative des referendums, concurremment avec le Président de la République.
Serais-je en droit de prendre appui sur le dernier alinéa de l’article 110 de la constitution pour consulter le peuple, par voix de referendum, sur l’évolution des institutions de la Républiques … »
Telle est la teneur de la demande d’avis sur laquelle a délibéré la cour constitutionnelle.
La cour constitutionnelle a, naturellement, rendu un avis favorable en déclarant : « Que le président de la République est, sur le fondement de l’article 110 alinéa 3 de la constitution du 20 janvier 2002, en droit de consulter le peuple, par voix référendum, sur l’évolution des institutions de la République ».
Cet avis appelle quelques observations :
1- S’agissant de la saisine, celle-ci soulève aucune question. En effet, le Président de la République fait partie des autorités qualifiées pour saisir la Cour Constitutionnelle par voix consultative ; c’est ce qui ressort de l’article 148 de la constitution. C’est sur ce fondement que la Cour a déclaré recevable la lettre de saisine du Président de la République en d’autres termes, cette saisine est régulière ;
2- S’agissant de l’avis rendu, il sied de noter qu’une seule question posée à la Cour, à savoir si le Président de la République pouvait se basé de l’article 110 alinéa 3 consulter le peuple par Referendum sur l’évolution des institutions ; répondant à cette question, la cour reconnu que sur le fondement de l’article invoqué, le Président de la République pouvait consulter le peuple par voix de Referendum.
C’est sur cette unique question que la cour s’est prononcée, et la réponse y relative ne devait porter que sur cette question sans extrapolation.
Cependant, nonobstant ce qui vient d’être dit, il convient néanmoins de s’interroger sur le sens de cette décision :
1- Pourquoi le Président dont les compétences en matière de référendum sont contenues dans le Titre V (du pouvoir exécutif) et particulièrement à l’article 86, va invoquer une disposition qui réglemente les attributions d’une autre institution ; autrement dit, pourquoi le Président de la République a-t-il préféré s’appuyer sur l’article 110 qui est relatif au pouvoir législatif au lieu de l’article 86 qui détermine les matières sur lesquelles il peut recourir au Referendum.
Par ailleurs, il faut rappeler que cet article 110 réaffirme simplement un principe, à savoir, la compétence du parlement en matière référendaire ; que cet article ne peut servir de fondement à l’exercice d’une quelconque compétence par le Président de la République.
2- La Cour Constitutionnelle dans ses considérants procède à la définition de plusieurs expressions utilisées par le Président de la République notamment les termes référendum, initiative et concurremment.
Pourquoi est-elle passée sous silence le terme « évolution des institutions », ce silence peut prêter à controverse, d’autant plus que ce même terme a fait l’objet d’une autre interprétation lors du dialogue de Sibiti qui l’a assimilé au changement de constitution. La cour aurait mieux fait, dans cette démarche pédagogique, de définir aussi ce terme pour éviter toute ambiguïté.
3- Que signifie en réalité évolution des institutions ? Il faut se référer à l’article 86 pour trouver un élément de réponse. En effet cet article dispose pour trouver un élément de réponses. En effet, cet article dispose à son alinéa 1er : que le Président de la République, peut soumettre, après consultation des Présidents des deux chambres du Parlement tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics …
En clair, la constitution confère au Président de la République la compétence de consulter le peuple pour moderniser ou rationaliser par exemple le fonctionnement de telle ou telle institution par le biais du Referendum. Cette opération aboutit à la révision de la constitution.
L’évolution des institutions doit s’appréhender dans le cadre de l’article 86, et non sur une autre disposition, puisque en effet, quelles que soient les innovations institutionnelles à apporter, celles-ci intègrent forcement la constitution en vigueur. Cette expression ne peut donc pas servir de fondement à un changement de constitution. En d’autres termes, le terme évolution des institutions ne saurait être assimilé au changement de la constitution. Il s’agit de deux notions distinctes.
© Marcel ITOUA
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(1)- Confidentiel: En exclusivité, l’avis de la Cour Constitutionnelle