Aux yeux de l’opinion Africaine et de tous ceux qui suivent les questions africaines, le président François Hollande apparaissait, notamment depuis son discours de Dakar de novembre 2014, comme le président français qui manquerait pas d’entrer dans l’histoire franco-africaine, mais aujourd’hui la question se pose désormais après ses revirements sur le Congo-Brazzaville tant il avait l’air sincère. Revenons sur les faits : – Dakar, le 29 novembre 2014, du haut de la tribune de la francophonie, François Hollande déclarait : « Là où les règles constitutionnelles sont malmenées, là où la liberté est bafouée, là où l’alternance est empêchée, j’affirme ici que les citoyens de ces pays sauront toujours trouver dans l’espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le droit et la démocratie ». – A Paris, le 7 juillet 2015, le général Denis Sassou-Nguesso est reçu à l’Elysée. Celui-ci manifeste malgré tout sa volonté de modifier la Constitution afin de briguer un autre mandat présidentiel. A l’issu des entretiens, le président Hollande déclare via un communiqué qu’il est attaché au fait que « les réformes constitutionnelles soient fondées sur un consensus ». Le général Denis Sassou-Nguesso repart à Brazzaville pour afficher les preuves d’un « consensus » national autour de son référendum : il organise, pour ce faire, un dialogue de Sibiti, malheureusement pour lui, l’opposition va lui couper l’herbe sous le pied en organisant en parallèle un dialogue dit alternatif à Diata-Brazzaville. De fait, il n’y aura pas « consensus » pour un référendum au Congo, comme le prouvent les faits. D’ailleurs, le ministre de l’information de Sassou-Nguesso, Thierry Moungalla, est obligé de le reconnaitre sur RFI, « il n’y a pas consensus », dira-t-il. Ce qui n’empêche pas le général Sassou-Nguesso de proclamer, à la télévision, un référendum pour le 25 octobre 2015, en niant allègrement l’existence du dialogue de Diata qui a scellé l’absence de consensus. En réaction, les Congolais décrètent la désobéissance civile, un droit constitutionnel en vigueur depuis la Conférence nationale souveraine de 1991. Les populations civiles manifestent pacifiquement à Brazzaville, à Pointe-Noire et dans plusieurs autres localités du pays. L’armée et la police tirent sur les populations sans arme faisant de nombreux morts et blessés. – A Paris, le 22 octobre 2015, François Hollande déclare : « Le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit, et le peuple doit répondre », et ajoute immédiatement, « ensuite, une fois que le peuple aura été consulté, cela vaut d’ailleurs pour tous les chefs d’Etat de la planète, il faut toujours veiller à rassembler, et à respecter et à apaiser. » « Nous respectons les choix, toujours, des autorités légitimes ». Tiens, c’est du Chirac et du Sarkozy ! Ces déclarations du président François Hollande est en nette contradiction avec celles de Dakar, mais aussi avec celles de ses propres service de l’Elysée et de son parti, le Parti socialiste qui stipulaient : pour l’Elysée (22/10/2015), « le président Hollande rappelle qu’il avait souhaité à Dakar que les Constitutions soient respectées et que les consultations électorales se tiennent dans les conditions de transparence incontestable » ou le Parti socialiste (24/09/2015) qui « appelle les Nations Unies et l’Union européenne à agir pour empêcher la tenue de ce référendum et faire respecter l’ordre constitutionnel et le calendrier électoral de 2016 ». La démarche de François Hollande tranche littéralement avec celui de son homologue américain, Barack Obama, qui comme lui fustigeait les changements de Constitution du haut de la tribune de l’Union Africaine en juillet 2015. Il n’y a pas eu de revirements, puisque le département d’Etat va abonder dans le même sens que le président Obama, dans un communiqué du 20 octobre 2015 : « nous croyons en une alternance pacifique, libre et transparente. Le respect de la limitation de mandat existant est essentiel pour le développement démocratique et la stabilité à long terme. Nous appelons le président Sassou à retirer son projet de référendum afin de désamorcer la situation actuelle et permettre le dialogue et la discussion ».
Question : Compte tenu de ce revirement spectaculaire, quelle crédibilité accordée désormais au président François Hollande ?
Pour le quotidien burkinabé L’Observateur Paalga, « il y a des revirements qui donnent le tournis et vous donnent l’envie de vomir tripes et boyaux ». Pour leur part, les Congolais ne se laissent pas abattre devant ce qui ressemble à une trahison, d’autant qu’ils n’attendaient du président François Hollande ni soutien matériel ni soutien militaire, mais un peu d’humanisme. Les faits montrent que les Congolais n’ont pas attendu François Hollande pour mettre en place des plateformes comme le FROCAD, l’IDC, la rencontre de Diata, les méga-meetings de Pointe-Noire et de Brazzaville, les manifestations pacifiques à Paris, la désobéissance civile partout sur le territoire national, etc. On le voit, les Congolais sont en ordre de marche pour le changement. Cela va continuer et s’amplifier, d’autant que depuis 1997, date du dernier coup d’Etat du général Denis Sassou-Nguesso contre le président Lissouba – après ceux de 1977 contre le président Marien Ngouabi et de 1979 contre le président Joachim Yhombi-Opangault –, les Congolais disposent désormais de moyens nouveaux de lutte, tels que du tribunal pénal international, les médias indépendant du régime, Internet, des téléphones portables et des réseaux sociaux pour court-circuiter le contrôle de l’information, d’une diaspora importante à l’étranger susceptibles de prolonger la lutte à l’extérieur lutter contre le musellement des citoyens, d’une jeunesse très dynamique qui n’adhère pas aux manipulations de Sassou-Nguesso. Enfin, les Congolais sont plus unis que jamais dans l’action, le sacrifice, l’espérance et la lutte contre une présidence à vie du général Denis Sassou-Nguesso va continuer avec la même détermination.
Le Congo n’est pas seul ! Il n’est pas seul ! Il a le soutien de son peuple, de l’ensemble des africains, des Etats- Unis, du président Obama, des Nations Unis, de l’Union Européenne et d’autres nombreux soutiens, y compris en France, qui s’expriment déjà et dont certains ne manqueront pas de s’exprimer publiquement le moment opportun, mais dans un premier temps, il appartient aux Congolais eux-mêmes de construire et conduire le changement dans leur pays. C’est de cette façon que tous les pays du monde libre ont recouvré leur liberté.
Par : Jean Saturnin Boungou