Dans les rues de Brazzaville on a l’impression que le pouvoir et l’Opposition se sont entendus pour flouer le peuple congolais. « Comment comprendre que certains leaders de l’Opposition congolaise dite radicale aient pactisé avec le pouvoir pour faire passer le projet de Constitution qui permettra au Président Denis Sassou-N’guesso de rempiler à la tête du Congo ? » s’interroge-t-on dans les milieux jeunes qui, selon les statistiques des institutions internationales, représentent 70% de la population congolaise.
Dans le cadre du combat que le peuple mène pour la prise en compte de ses aspirations, à travers l’alternance démocratique au sommet de l’Etat, l’Opposition radicale congolaise a donné l’impression d’être son porte-voix. C’est ainsi que des Congolais de tous les horizons se sont mobilisés pour dire « NON » à l’ancienne classe politique, en panne d’idées pour offrir de meilleures solutions à leurs problèmes existentiels. Contrairement aux idées reçues, c’est de leur propre chef que les jeunes de Sibiti se sont soulevés contre les ministres, natifs de leur département, venus battre campagne pour un « OUI massif » au projet de Constitution soumis au référendum du 25 octobre dernier. Il en est de même des jeunes qui, sans soutien aucun, ont affronté les forces de sécurité dans les quartiers sud de Brazzaville, à Pointe-Noire, à Mossendjo, à Nkayi, à Madingou, à Ouesso… Ces jeunes qui, pour la plupart, ont pris la rue le 20 octobre 2015 ne sont partisans d’aucun parti politique au Congo-Brazzaville. Comme a su le dire un observateur du landerneau politique congolais : « la mobilisation personnelle du peuple a surpassé celle de l’Opposition ».
La thèse du complot
De l’avis des observateurs de la scène politique nationale, tous ces jeunes et adultes qui se rendaient massivement dans les différents meetings de l’Opposition étaient principalement mus par l’idée d’un changement d’homme à la tête de l’Etat et non parce qu’ils étaient réellement attachés aux leaders d’une Opposition dont certaines figures ne rassuraient pas. Pour preuve, les langues se délient à présent au sein de l’Opposition congolaise. Depuis quelques temps, « Blanchard Oba et Okombi Salissa ne se parlent plus », confie une source proche de l’Opposition congolaise. Le dernier soupçonne le premier de rouler pour Sassou. La déclaration faite unilatéralement le 20 octobre 2015 par Blanchard Oba, à DRTV, parlant d’une négociation de l’opposition avec le pouvoir, l’a davantage décrédibilisé au sein de l’IDC. Elle circule également l’information selon laquelle, Mathias Dzon aurait vendu une de ses villas – 500 millions environ – située dans le quartier de la cathédrale, à Christel Sassou-N’guesso. Il paraît que le père de ce dernier aurait piqué un soleil en apprenant cette nouvelle. Il aurait formellement demandé à son fils de restituer la villa et de ne pas récupérer l’argent versé à Dzon, pour des raisons, semble-t-il, d’assistance mutuelle. Ainsi, la transaction immobilière qui, initialement, avait permis à Dzon et Kiki de se rencontrer et de discuter, s’est transformée en une « nguirisation ». Par cet acte de générosité, Sassou n’a-t-il pas saisi la balle au bond pour faire un clin d’œil à Mathias Dzon ? Dans tous les cas, en privé, Dzon confie à qui veut l’entendre que Sassou et son partenaire financier. Selon de sources concordantes, le président de l’UPRN aurait, par téléphone, demandé à ses militants de Gamboma de lever le pied sur la pédale pendant les manifestations du 20 octobre dernier. En clair, il aurait demandé à ses originaires de ne pas prendre la rue. Vrai ou faux ? Toujours est-il que la neutralité des populations de Gamboma le 20 octobre 2015 en dit long. Un autre fait, aussi troublant que les deux premiers, c’est, apprend-t-on, l’argent qui aurait circulé entre le pouvoir et certains membres de l’Opposition pendant que ceux-ci étaient sur le point de lancer une nouvelle opération de « désobéissance civile pacifique ». Chose curieuse, « c’est la police qui a appelé certains confrères de la presse nationale et internationale pour aller recueillir les propos de Guy Romain Kinfoussia, nouveau porte-parole du FROCAD, pour annuler le programme qui avait déjà été concocté à cet effet », affirme une source qui a requis l’anonymat.
Bouboutou, Mpouelé et Kinfoussia seraient aussi passés à la caisse
Last but no least, la rumeur brazzavilloise raconte par ailleurs que c’est dans les laboratoires de la police qu’a été rédigé le communiqué de l’IDC, lu par maître Bouboutou, avec à l’arrière-plan des hommes en treillis. Communiqué de suspension de la désobéissance civile par cette plateforme politique. Là aussi, des spéculations vont bon train, il paraîtrait que cela aurait été fait contre espèces sonnantes et trébuchantes, que l’on évalueraient à des centaines de millions de FCFA et, en sus, « un couteau sous la gorge ». Tout comme la richesse ostentatoire et inopinée du Coordonnateur et ex porte-parole du FROCAD, Paul Marie Mpouelé, qui aurait acheté et réfectionné à la vitesse chinoise et au prix fort de 50 millions de FCFA (40 millions la propriété et 10 millions environ les travaux d’aménagement), une villa dans son fief de Mfilou. Le fait que cette acquisition coïncide avec la sollicitude de certains membres du gouvernement, nguris en main, pour corrompre les opposants, laisse penser que Mpouelé serait passé à la caisse. Simple spéculation ou information vraie ? Toujours est-il que Paul Marie Mpouelé aurait été suspendu par les instances dirigeantes du FROCAD, comme porte-parole de ce mouvement, pour, spécule-t-on, ses fréquentations jugées incestueuses avec une autorité des renseignements généraux. Comment quelqu’un qui participe à l’élaboration des stratégies les plus secrètes de l’opposition peut-il à longueur de journée fricoter avec les services ? S’en plaint un membre de l’opposition congolaise, et non des moindres, qui a requis l’anonymat. D’après une source bien introduite au FROCAD, une réunion, au cours de laquelle Paul Marie Mpouelé devrait être viré de la coordination de cette plateforme, était en vue. Pour échapper à l’humiliation, Paul Marie Mpouelé a choisi de démissionner après avoir différé cette réunion à maintes reprises. Selon certaines indiscrétions, pendant la période de braise, des échanges téléphoniques auraient également eu lieu entre Sassou et certains opposants, notamment, Mathias Dzon et Guy Romain Kinfoussia pour calmer le jeu. Dieu seul sait ce que Sassou les a promis.
Il est vrai que certains noms ne ressortent pas dans cette mafia politico-financière. C’est le cas de Claudine Munari, de Clément Mierassa, de Tsaty Mabiala, d’André Okombi Salissa, de Guy Brice Parfait Kolelas, de Marion Mandzimba Ehouango, de Rigobert Ngouolali, de Paulin Makaya, du colonel Bongouandza… Mais, pour combien de temps tiendront-ils en résistant de passer eux aussi à la caisse ? Tenez, selon ce qui se dit, pour obtenir ce qu’ils souhaitaient, c’est-à-dire, la levée du siège de leurs domiciles par la police, Parfait Kolelas et Okombi Salissa auraient été contraints à faire de nombreuses compromissions. Entre autres, ne plus tenir des manifestations publiques et, surtout, ne plus appeler le peuple à se soulever, de privilégier le dialogue entre l’Opposition et le pouvoir sous l’égide du PNUD… Vrai ou faux ? Mais, entres-nous soit dit, quelle incidence aura réellement une négociation avec le pouvoir en termes de maintien de l’ordre constitutionnel au Congo-Brazzaville et de retrait des résultats du référendum ? Cette question, nombreux se la posent tout autant. D’autant que la communauté internationale a presque déjà tourné la page de la Constitution du 20 janvier 2002 en recommandant à l’Opposition de batailler désormais sur la transparence du scrutin présidentiel à venir, sous-entendu, sous la houlette de la nouvelle Constitution ? La Chine à saluer les résultats du référendum, la Russie vient de le faire, la France n’est pas claire, tout au moins, sa véritable position semble être celle qu’elle a eue au début lorsqu’elle affirmait que Sassou avait le droit de consulter son peuple… que reste-t-il alors à l’Opposition en termes de soutien international dans son combat pour le respect de l’ordre constitutionnel ? Les Américains, même s’ils veulent se positionner au Congo, savent pertinemment que ce pays est avant tout un pré carré français.
De l’avis de nombreux observateurs, le retrait des résultats du référendum aurait pu être rendu possible grâce à un rapport de force sur le terrain. La négociation avec le pouvoir sur les bases actuelles, on sait fort bien comment elle finie : l’octroie sous des bases floues, des postes au gouvernement ou dans l’administration, mais aussi par la corruption des leaders. Or, que signifient l’acceptation des résultats du référendum et le changement de Constitution en réalité ? Ils signifient : la monarchisation du pays, l’impunité quelle que soient les crimes politiques, économiques et humains commis dans l’exercice des fonctions d’Etat, le maintien à la Maison d’Arrêt des prisonniers politiques, le chômage, la misère… et ce, pendant une durée encore inconnue !
Le 20 octobre les manifestants étaient abandonnés à eux-mêmes
Qui plus est, les jeunes reprochent aux leaders de l’Opposition leur manque de courage. En effet, en dehors de Paulin Makaya qui a drainé une foule immense de Madibou au pont du Djoué, le 20 octobre dernier, tous les autres membres de l’Opposition ont été incapables de braver la furie des hommes en armes. Si toutes les accusations qui pèsent sur certains membres de l’Opposition congolaise venaient à s’avérer, il va sans dire que « le coup d’Etat constitutionnel » dont-ils accusent le pouvoir s’est mué en une honteuse trahison dont certains parmi eux ne s’en remettront plus pour délit d’arrangement nocturne avec le pouvoir. Par ce fait, Mathias Dzon, Paul Marie Mpouelé, Guy Romain Kinfoussia, Blanchard Oba… risquent de se disqualifier en s’auto-effaçant définitivement de la scène politique nationale. A moins qu’ils soient victimes d’une cabale ourdie par les laboratoires du PCT qui veulent lézarder l’édifice de l’Opposition radicale. Tant il est vrai que le parti dominant au pouvoir sait distiller de fausses informations pour jeter l’opprobre sur ses adversaires politiques. A preuve, pendant que flambaient les rues des quartiers sud, le 20 octobre dernier, quelques pions du pouvoir soufflaient à l’oreille des jeunes révoltés que « vous vous battez pour rien ici. En ce moment, Okombi et Kolelas sont en train de déjeuner avec Sassou dans le but de négocier avec lui ». Il appartient donc aux incriminés de faire feu de tout bois pour battre en brèche les accusations qui pèsent sur eux devant le tribunal du peuple. Un tribunal incorruptible et impitoyable.
Le pouvoir sacrifie la jeunesse
A l’approche du 20 octobre dernier, le pouvoir s’est ingénié à retourner les choses en sa faveur. Des billets de banque sont sortis du Trésor public pour décourager certains jeunes des quartiers nord à ne pas se joindre aux manifestations de l’Opposition. Pire, le PCT a excellé dans sa pratique d’extrapolation et de machiavélisme politique en régionalisant le débat sur le changement de Constitution. « Attention, les gens du sud veulent nous prendre le pouvoir ! », c’est ainsi que certains malins politiques du PCT, originaires du septentrion, ont présenté le grondement des rues de la partie sud du pays. Selon nos informations, c’est la coupure des réseaux sociaux par les pouvoirs publics qui n’a pas permis le meilleur relai de l’information pour que la mayonnaise prenne. Pour que les jeunes des quartiers nord n’entrent pas dans la danse, les Jean Jacques Bouya, Gilbert Ondongo, Christel Sassou, Claudia Sassou… auraient mis la main à la poche pour tempérer, momentanément, la révolte des jeunes congolais des quartiers nord qui éprouvent les mêmes problèmes existentiels que ceux de leurs compatriotes de la partie sud. Ce que certaines autorités politiques qui gèrent notre pays oublient est que les 10.000 frs ou 20.000 frs qu’elles partagent à ces jeunes, en guise de tais-toi, ne résolvent pas les problèmes de chômage et de misère sociale auxquels ils sont confrontés. Qui ne se souvient pas de la révolte de janvier dernier, lorsque des milliers de jeunes, sous le fallacieux prétexte des matchs de football des Diables Rouges, sont descendus dans la rue pour crier leur ras-le-bol ? Le maquillage des problèmes sociaux des Congolais par une générosité spontanée de certains hommes politiques expose le pays tout entier à un Tsunami devant lequel il n’y aura, ni opposant compromis et corrompus, ni société civile compromise, ni force de sécurité équipée, ni politiques au pouvoir, pour résister.
Par Guy Miles MBONDZI