BRAVO CÉDRIC POUR CET HOMMAGE A MABANCKOU
Par Cédric MPINDY
Allocution de La Ballade des Idées à la rencontre avec Alain MABANCKOU,
« une fierté de notre Temps »
« Seul le prononcé fait foi »
Mesdames et Messieurs, Chers membres du Grand collège de la Ballade des Idées Distingués invités
Cher Cyr Makosso et Chers amis,
«Qu’y a-t-il de plus brillant que l’or ? La lumière. Qu’y a-t-il de plus éclatant que la lumière ? La parole échangée ».
C’est par ces mots de Johann Wolfgang Von Goethe, que je vais essayer de m’acquitter de la lourde tâche qui m’a été assignée par Cyr Makosso et Zianatv, celle de présenter une personne qui en soi, est une institution.
Qui plus est, comment parler d’une personne dont le monde est le langage ? Une personne qui est un sang mêlé, croisé portes et fenêtres sur le plan culturel, symbole d’une grande ouverture sur le monde, sans rappeler son ancrage revendiqué pour le pays qui l’a vu naître, le Congo.
Ah le Congo ! Un sacré pays qui a donné au monde de la culture et des arts, d’autres noms, Jean Malonga, Sony Labu Tansi, Tchikaya U’tamsi, Emmanuel Dongala, Maxime N’débéka, Dominique Ngoie Ngalla, Jean Baptiste Tati Loutard, Tchichellé Tchivéla, Mambou Aimée Gnali, Sylvain Mbemba, Guy Menga, Marie Léontine Tsibinda, Gabriel Okoundji Mwènè, Wilfried Nsondé, …
Faut-il rattacher notre illustre invité à cette longue lignée d’écrivains ? Sans aucun doute puisqu’il en constitue un solide maillon d’un excellent alliage, qui continue à perpétuer sur le chantier de l’écrit et de la parole, l’ouvrage commencé par ces plumes d’hier et d’aujourd’hui, avec une touche et un style particuliers.
Et lorsque les embruns et les souvenirs d’enfance de la ville Océane du Congo, viennent tarauder son esprit sous la forme insidieuse d’un spleen, cela donne :
Lumières de Pointe-Noire Verre cassé, African psycho, Mémoires de porc-épic,
Black Bazar,
Et quand certains ont succombé à l’effervescence de la passion en criant Black Blanc Beurre, lui était sous le charme de la lucidité avec la problématique de l’immigration, dans l’analyse et la dérision des belles fringues de la sape dans « Bleu Blanc Rouge ».
Et depuis qu’il a eu « vingt ans », il aime bien déguster le poisson de la ville côtière de Pointe-Noire, un bon Likoufe ou un Tchilondo braisé, le tout rehaussé par Un « Petit Piment ». Et pour repousser les limites du « Sanglot de l’homme noir », il taquine la muse en jonglant avec des Perles en vers, et le résultant est émouvant et captivant,
Au jour le jour, La Légende de l’errance, L’Usure des lendemains, Tant que les arbres s’enracineront dans la terre,
Congo, Montréal, Mémoire d’encrier,
Hélas !, il arrive parfois et un peu trop souvent dans notre monde, que « Les arbres aussi versent des larmes », mais à qui la faute ? Certainement aux « Petits-fils nègres de Vercingetorix ». Et quand on voit les dégâts causés par ces morveux, « Dieu seul sait comment » il arrive encore à dormir.
Et en attendant que « le coq annonce l’aube d’un autre jour »,
Il a planché sur un autre registre, celui de l’essai avec, « La lettre à Jimmy ». Le travail n’étant jamais achevé pour lui, il est revenu avec les « Lettres Noires : des ténèbres à la lumière ». Et dans le fond, pourquoi pas une réflexion sur « Penser et Ecrire l’Afrique aujourd’hui », puisque « l’Ecrivain est un oiseau migrateur ».
Et comme le mérite aime l’effort, son abondante production a été récompensée par une belle moisson et une kyrielle de prix,
Prix de la Société des poètes français, 1995 pour L’Usure des lendemains Grand prix littéraire d’Afrique noire, pour son premier roman, Bleu-Blanc-Rouge, 1999 Prix du roman Ouest-France–Étonnants voyageurs 2005, pour Verre cassé Prix des cinq continents de la francophonie 2005, pour Verre cassé Prix RFO du livre 2005, pour Verre cassé Prix Renaudot 2006, pour Mémoires de porc-épic Prix de La Rentrée littéraire 2006, pour Mémoires de porc-épic Prix Aliénor d’Aquitaine 2006, pour Mémoires de porc-épic Prix Créateurs Sans Frontières 2007 (Ministère français des Affaires étrangères), pour Mémoires de porc-épic Prix franco-israélien Raymond Wallier 2009 pour le roman « Verre Cassé » traduit en hébreu Prix Georges Brassens 2010, pour Demain j’aurai vingt ans Grand Prix de littérature Henri-Gal 2012, prix attribué par l’Institut de France et remis sur proposition de l’Académie française pour l’ensemble de l’œuvre. Prix Prince-Pierre-de-Monaco 2013 pour l’ensemble de l’œuvre, prix attribué par la Principauté de Monaco. Finaliste du Premio Strega Europeo 2015 Finaliste du Man Booker International Prize (en) 2015. Lauréat du prix Liste Goncourt : le choix polonais 2015, pour Petit Piment Lauréat du prix du public de l’Algue d’Or 2016, pour Petit Piment 2016 Puterbaugh Fellow Sélection au Man Booker International Prize 2017 pour Black Moses (traduction anglaise de Petit Piment)
2018 Hurston-Wright Legacy Award For Fiction
Et puisque les zéros sont mortels, mais que « les Cigognes sont immortelles », il a été élevé au rang et à la dignité :
D’Officier des Arts et des Lettres en 2016 Reçu la Médaille du Citoyen d’honneur de la ville de L’Haÿ-les-Roses, France en 2012 Fait Chevalier de la Légion d’honneur par décret du Président de la République française en 2010
Et a reçu la Médaille de citoyen d’honneur de la ville de Saint-Jean-d’Angély (Charente-Maritime, France), 2004
Certainement qu’une pause se serait imposée dans ce brillant parcours ! Mais pourquoi donc s’arrêter en chemin ? Et, en tant que porteur de lumière, celle de la raison qui éclaire l’âme et l’esprit et qui doit rayonner et illuminer les ténèbres opaques de l’obscurantisme, du fanatisme et de l’égoïsme, son cheminement on va le dire, l’ayant préparé à une entrée au Collège de France, devenant ainsi le premier écrivain à y entrer depuis sa création.
En 2016, Il s’est vu confier la première chaire de création artistique du Collège de France. Et sa majestueuse leçon inaugurale « Lettres noires : des ténèbres à la lumière » prononcée le 17 mars 2016, a été suivie d’une série de cours et de séminaires sur la littérature d’expression française d’Afrique noire, caribéenne et afro-américaine.
Là où, d’autres auraient couru avec frénésie pour s’abriter sous les ors de la république, auréolés de la proximité et du prestige que confèrent une mission confiée par un chef d’Etat et pas des moindres, avec l’élégance d’esprit qui le caractérise, il a su dire Non.
Toutefois, se contenter de présenter ses thématiques de prédilection, qui collent au réel, en épousant la langue du petit peuple et celle des enfants, par la mise en relief de leur vécu et de leur imaginaire ou de ses personnages parfois attachants à l’instar de Roger le franco-ivoirien, Vladimir le camerounais, de Papa Roger et Maman Pauline, ou de ce Bar atypique « Le crédit a voyagé », mieux, de cette mise en chair et en structure de ceux-ci, qui émeut ; ferait que ce tableau, manquerait un peu de luminosité et d’éclat.
En effet, notre invité est aussi celui qui milite pour une francophonie débarrassée des colifichets et des pesanteurs qui la minent et surtout du parfum sulfureux de certains personnages un peu trop encombrants et permanents qui se prennent hélas pour des éternels indispensables, oubliant qu’ils ne sont que des mornes passagers sur cette terre des hommes.
Cependant, même avec la plume de la raison comme moyen, les idées et les arguments en guise de munitions, on ne s’attaque pas impunément aux Danubes de la pensée des Tropiques sans susciter leur courroux ou faire le choix de l’Exil ou la tombe. Mais cet engagement est assumé avec brio, comme auparavant par, Victor Hugo, Vladimir Nabokov, Thomas Mann, Ahmadou Kourouma, Sadamba Tcha-Koura, dit Sami Tchak et bien d’autres.
C’est donc entre Paris et Les Etats-Unis que réside notre invité, où il est professeur titulaire de littérature francophone à l’université de Californie à Los Angeles.
Mesdames et Messieurs, distingués invités, chers amis, j’ai hésité à le nommer par son patronyme pour ne pas le faire rougir, mais sa notoriété qui le précède et vous l’avez compris, l’a donc trahi, puisqu’il s’agit, d’Alain Mabanckou Romancier, poète et essayiste, et j’ose dire, « une fierté de notre temps ».
Cher Alain, permets qu’au nom de Cyr Makosso et de l’ensemble de l’équipe de Zianatv, de Tous tes invités et du Grand Collège de La Ballade des Idées, que je te dise trois fois de manière symbolique Merci.
Tout d’abord, pour ton immense contribution à la culture universelle, car tu n’es plus l’écrivain d’un pays, tes œuvres étant traduites dans plus de quinze langues à travers le monde.
Ensuite, une deuxième fois Matondo na Losakô, comme on le dit du côté de Pointe-Noire et de Brazzaville, pour la passion suscitée chez tes nombreux lecteurs, car d’une part, l’Homme qui lit atteint l’universel. Il n’incarne plus un seul groupe, des intérêts précis, une classe sociale, un étage de la société, non, il transcende les définitions et ne connaît plus rien d’étranger.
D’autre part, Il épouse le multiple dans sa complexité. Et je vais me permettre une incise sur ce goût de la littérature que tu as su faire naître chez certains qui se reconnaîtront. Aimer la littérature, disait Eric-Emmanuel Schmitt, « c’est devenir russe en lisant Dostoïevski, japonais avec Mishima, italien avec Moravia, allemand avec Mann, égyptien avec Mahfouz. Car la littérature enjambe même les frontières du temps puisqu’elle nous permet de vivre au Ve siècle av. J.-C. avec Sophocle ou à la renaissance avec Shakespeare et Cervantes. »
Enfin, Muito Obrigado selon la formule consacrée de « la Ballade des idées », cette merveilleuse odyssée lyrique, littéraire et culturelle où s’échangent entre internautes des émotions, des convictions et des nobles ambitions de faire de l’univers, un temple où l’on contemple le beau et le bien.
Gageons que demain, non pas que tu vas de nouveau avoir vingt-ans, puisque c’est irréversible, mais que les portes de l’académie française s’ouvrent devant toi, pour y siéger aux côtés de ton ami et frère Dany Laferrière et d’autres académiciens, car ton monde est aussi notre langage à Tous.
Mesdames et Messieurs, Alain MABANCKOU.
Cédric MPINDY