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Question : Professeur Charles Zacharie Bowao, que pensez-vous des propos du Premier Ministre Clément Mouamba qui invite l’Opposition radicale à mettre un peu d’eau dans son verre et à prendre part sans tabou au dialogue politique dans le cadre du concept vivre ensemble qu’il a initié, dans la régularité des Institutions et de la Constitution actuelle ?

Réponse du Professeur Charles Zacharie Bowao : Nous ne sommes pas une Opposition radicale, mais une Opposition républicaine, pacifique et responsable. La Constitution du 25 octobre 2015, imposée par les armes, pose problème car les congolais ne l’acceptent pas. Le vivre ensemble ne saurait se résoudre en un cocktail de quelques heures, autour de deux personnalités de la mouvance présidentielle, en l’occurrence le Maire de Brazzaville et le Premier Ministre. Ils procèdent à un échange d’amabilité devant des spectateurs qui eux, médusés, n’ont rien à dire. Cela s’appelle ne pas savoir vivre ensemble. Encore que je n’ai lu nulle part un argumentaire « gouvernemental » ou « municipal » en faveur du vivre ensemble comme fondement du dialogue politique. Si M. Clément Mouamba en parle, c’est qu’il y a un déficit dialogique. Et voilà la convivialité républicaine remise au goût du jour unilatéralement. En fait, les propos du Premier Ministre du pouvoir illégitime de Brazzaville reflètent à bon escient la confusion politique et l’insalubrité publique que vit notre pays. Lors de son séjour privé à Paris, M. Clément Mouamba reconnait sans tabou que le Pays est bloqué. Royalement, Il ne dit rien des causes de ce blocage. Les raisons de ce blocage sont le coup d’Etat anticonstitutionnel du 25 octobre 2015, le holdup électoral consécutif au scrutin du 20 mars 2016, la mauvaise gestion des finances publiques et, de plus en plus, le mépris des revendications syndicales. La crise politique, économico-financière et sociale est là. Le refus d’anticipation responsable empire la situation. L’implosion sociétale s’annonce. Le réalisme politique dont se prévaut M. Clément Mouamba avec une pointe d’humour, ne saurait le nier. Ne jouons pas à l’autruche avec le pays !

Allons-y plutôt avec courage et en toute humilité au dialogue politique inclusif pour négocier un compromis historique sur la dimension politique de la crise, et anticiper les solutions appropriées aux aspects financiers et socio-économiques. Faisons le dans l’intérêt général de ce pays dont la voix raisonne de plus en plus faux dans le concert des Nations. Dialoguer sans tabou, c’est ne mystifier aucune question. Peut-on aller à une gouvernance électorale crédible sans tirer résolument les leçons politiques, institutionnelles et techniques de la désorganisation par le Gouvernement de M. Denis Sassou Nguesso, des scrutins « référendaire » et « présidentiel anticipé » ? Le seul préalable, valable aussi bien pour le pouvoir de fait de Brazzaville que pour l’Opposition républicaine dont l’épicentre référentiel est la coalition FROCAD-IDC-CJ3M, reste la mise en place consensuelle d’un cadre préparatoire à ce dialogue sans tabou. Oui, ce n’est pas un tabou que ce dialogue inclusif soit placé sous l’égide de la communauté internationale, car il s’agit de nos partenaires habituels dont la mission est de faciliter le rapprochement des points de vue au regard de la crise de confiance entres les acteurs politiques congolais. Encore que nous aurons besoin d’eux demain, pour renégocier la dette avec les bailleurs de fonds internationaux. Le Congo l’a fait par le passé, même s’il a aujourd’hui perdu son leadership sur les questions de paix et de sécurité collective en Afrique. Dommage !

C’est à M. Clément Mouamba de mettre de l’eau potable dans le verre du régime, non pas en confortant allègrement la logique des armes, mais en engageant le pouvoir illégitime de Brazzaville dans la voie de la décrispation politique, économique et sociale. N’attendons pas l’implosion pour dialoguer sans tabou. Dialoguons sans tabou pour éviter l’implosion. C’est bien d’en prendre conscience en ce jour où l’humanité célèbre la Journée Internationale de la Démocratie.

Brazzaville, le 15 septembre 2016 (Propos recueillis par P.E.M.)