Agé de 72 ans, Denis Sassou Nguesso, qui cumule plus de 30 ans au pouvoir en République du Congo, a annoncé le 22 septembre son intention de soumettre à référendum sous peu un projet de nouvelle Constitution pour se maintenir au pouvoir.

Au moment où le président congolais Denis Sassou Nguesso est lancé dans une véritable campagne électorale alors que la Constitution du Congo-Brazzaville lui interdit de briguer un nouveau mandat en 2016, les juges français chargés de l’enquête sur l’affaire dite des «biens mal acquis» ont saisi plusieurs propriétés qui appartiendraient à ses proches.

L’association Transparency International soupçonne, rappelle-t-on, le président congolais d’avoir détourné à son profit et à celui de ses proches une partie substantielle de la rente pétrolière de son pays. Après un long travail d’enquête, la justice française aurait fini par trouver des liens financiers entre la famille Sassou-Nguesso et les biens saisis. Il s’agit des premières saisies immobilières visant la famille Sassou Nguesso dans l’affaire des «biens mal acquis».

C’est notamment sur des signalements de la cellule anti-blanchiment du ministère français des Finances, Tracfin, que s’appuient les juges d’instruction. C’est ce qui s’était produit en février dernier, lorsqu’ils avaient saisi une quinzaine de voitures de luxe à Neuilly-sur-Seine, près de Paris, chez des membres de la famille Sassou-Nguesso. Parmi les biens saisis, mentionne l’information rapportée mardi par RFI, figure une luxueuse villa de 500 m2 au Vésinet, banlieue cossue de la capitale française.

Cette villa aurait été achetée, en 1983, 450 000 euros par Valentin Ambendet, frère du président congolais, décédé en 2004. Pour William Bourdon, avocat de l’association Transparency International France, «les investigations ont mis en évidence des circuits de financement frauduleux. L’enquête sur le clan Sassou-Nguesso va maintenant s’accélérer». L’autre chef d’Etat africain à avoir fait les frais de la justice française dans le cadre des «biens mal acquis» est celui de la Guinée équatoriale, Teodorin Obiang Nguema. En 2012, la justice française avait saisi plus de 600 millions d’euros de biens à sa famille. Un moment, le clan Bango avait été aussi inquiété.

Verrou constitutionnel

Agé de 72 ans, Denis Sassou-Nguesso, qui cumule plus de 30 ans au pouvoir en République du Congo, a annoncé le 22 septembre son intention de soumettre à référendum sous peu un projet de nouvelle Constitution qui ferait sauter les deux verrous l’empêchant de se représenter : la limitation à deux du nombre de mandats que peut exercer un chef de l’Etat, et l’âge maximal de 70 ans imposé aux candidats à la magistrature suprême.

Dimanche, l’opposition a mobilisé en masse contre ce qu’elle considère comme un «coup d’Etat constitutionnel», organisant sa plus grande manifestation depuis le retour au pouvoir de M. Sassou-Nguesso en 1997, à l’issue d’une violente guerre civile. Avant cela, il avait dirigé le Congo à l’époque du parti unique, de 1979 jusqu’aux élections pluralistes de 1992, qu’il avait perdues. M. Sassou-Nguesso n’a jamais dit publiquement qu’il souhaitait un nouveau bail à la tête de l’Etat et laisse le gouvernement ou les hauts cadres de sa formation, le Parti congolais du travail (PCT) plaider pour son maintien au pouvoir… ou affirmer que la question n’est pas à l’ordre du jour.

C’est d’ailleurs le procédé utilisé par tous les Présidents africains qui ont voulu se maintenir au pouvoir. Mais avec l’évolution que connaît l’affaire des «biens mal acquis», il se peut que Sassou-Nguesso ne réalisera jamais son fantasme de mourir sur son trône. C’est le début de sa chute.

A. Z.

Source El Watan.com

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N.D.L.R. : Le 15 août, les juges Roger Le Loire et René Grouman ont ordonné la saisie pénale de deux biens immobiliers acquis puis entretenus à grands frais, avec des fonds qu’ils supposent issus du détournement de l’argent du pétrole. Le premier est un appartement luxueux à Courbevoie (Hauts-de-Seine), acquis en 2000 par le couple présidentiel et rénové pour 3 millions d’euros de travaux entre 2002 et 2005. Le second est une villa de 500 m2 au Vésinet (Yvelines), achetée en 1983 par feu le frère aîné du président congolais, et enjolivée par près de 4 millions d’euros de travaux.

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Biens mal acquis : la justice cible « Willy » Nguesso, neveu du président congolais


Après trente et un ans à la tête de l’Etat congolais, Denis Sassou Nguesso voit s’ouvrir davantage de fronts que ne l’aurait sans doute souhaité cet homme de 72 ans, revenu au pouvoir en 1997 au terme d’une guerre civile et gouvernant désormais sans partage son pays pétrolier. A Brazzaville, dimanche 27 septembre, des manifestants ont protesté contre le projet de référendum sur une nouvelle Constitution qui permettrait au président de briguer un troisième mandat en 2016. « Sassouffit », clamaient les opposants.

En France, la justice qui enquête depuis 2007 sur les millions d’euros dépensés par ses proches poursuit ses investigations, au risque de refroidir les relations diplomatiques entre les deux pays. Comme la famille Obiang en Guinée équatoriale et la famille Bongo au Gabon, les Nguesso sont soupçonnés d’avoir dépensé des millions d’euros et réalisé des acquisitions immobilières en France via des sociétés écrans, pour dissimuler des détournements de fonds publics.

Le 15 août, les juges Roger Le Loire et René Grouman ont ordonné la saisie pénale de deux biens immobiliers acquis puis entretenus à grands frais, avec des fonds qu’ils supposent issus du détournement de l’argent du pétrole. Le premier est un appartement luxueux à Courbevoie (Hauts-de-Seine), acquis en 2000 par le couple présidentiel et rénové pour 3 millions d’euros de travaux entre 2002 et 2005. Le second est une villa de 500 m2 au Vésinet (Yvelines), achetée en 1983 par feu le frère aîné du président congolais, et enjolivée par près de 4 millions d’euros de travaux.

Des circuits de financement « sophistiqués »

Ces deux propriétés sont détenues par des sociétés civiles immobilières (SCI) de droit luxembourgeois qui mènent à un même homme : Wilfrid Nguesso, 49 ans, neveu du président, surnommé « Willy », à la tête de la Société congolaise de transports maritimes (Socotram), détenue à 45 % par l’Etat congolais, et de la Société de gestion des services portuaires. C’est lui qui récolte les millions d’euros de taxes et droits maritimes prélevés sur les chargements de pétrole exporté du Congo, pays où la moitié de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté.

« C’est de l’ingérence pure et simple dans les affaires d’un Etat souverain »

Derrière un entrelacs de sociétés écrans, SCI, comptes jugés douteux à la banque Belgolaise, et autres entités offshore domiciliées aux Bahamas, au Luxembourg et au Liechtenstein, « Willy » s’effacerait presque. Sauf que lors d’une perquisition à son domicile, à Courbevoie, les policiers ont retrouvé des éléments qui caractériseraient ce qu’ils qualifient d’« habillage juridique destiné à opacifier le système de blanchiment mis en place [pour] dissimuler l’origine des fonds […] provenant de taxes étatiques ayant servi à la réalisation de travaux ».

Selon Jean-Pierre Versini-Campinchi, avocat français de la République du Congo, « c’est de l’ingérence pure et simple dans les affaires d’un Etat souverain. Le droit français ne permet pas de poursuivre de présumés détournements de fonds publics d’un Etat étranger. Ou alors il faut dire qu’on considère encore le Congo comme une colonie. »

« Les juges ont pris du temps car les moyens utilisés pour masquer les circuits de financement sont sophistiqués », explique William Bourdon, avocat de Transparency International France, à l’origine de la plainte ayant déclenché l’ouverture de cette procédure. « Maintenant, les masques sont tombés. »

« Un mode de financement atypique »

Le 11 août, les magistrats ont décidé de clôturer le volet équato-guinéen de l’enquête dite des « biens mal acquis » portant sur la famille du président Obiang et plus précisément sur son fils Téodorin, vice-président. Ses dépenses somptuaires en immobilier, voitures et produits de luxe qui se comptent en centaines de millions d’euros et dont la justice soupçonne l’origine frauduleuse lui ont valu d’être mis en examen en mars 2014.

Quant au volet gabonais, il suit son cours. Le 25 juin, la police judiciaire chiffrait au minimum à 33 millions d’euros les sommes ayant transité entre 2000 et 2007 par une société française de décoration, Atelier 74, depuis sa structure gabonaise, elle-même alimentée par des espèces déposés par des hommes de confiance de l’ancien président Omar Bongo dans le but d’acquérir des biens immobiliers. « Un mode de financement atypique », avaient alors noté les enquêteurs. La police tente par ailleurs de lever l’opacité qui entoure de nombreux flux d’argent provenant de l’entourage de l’actuel président Ali Bongo. Son directeur de cabinet Maixent Accrombessi pourrait en outre avoir à apporter des explications sur différents montages financiers où son nom apparaît.

Depuis plus de cinq ans, ces multiples fronts judiciaires empoisonnent les relations diplomatiques entre la France et ces Etats pétroliers d’Afrique centrale. Lors de sa dernière visite officielle en France, le 14 septembre, Ali Bongo n’a pas caché son irritation à l’égard des enquêtes en cours. Egalement médiateur de la crise centrafricaine, Denis Sassou Nguesso est lui aussi un allié incontournable de la France dans la région. A tel point que les services secrets français suivent de près ces dossiers diplomatico-judiciaires. Le 30 janvier, un émissaire de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) se renseignait par téléphone auprès du directeur de la police judiciaire parisienne d’alors, Bernard Petit, sur une éventuelle « perquisition au domicile parisien de Willy ». La demande restera vaine.

Par Simon Piel et Joan Tilouine

Source Le mondeAfrique.fr