Alors que les autorités congolaises promettent d’y envoyer sous peu une mission humanitaire, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer le « huis clos » dans lequel se déroulent les opérations militaires et policières lancées dans le département du Pool, dans le sud du Congo, il y a plus d’une semaine. Les autorités assurent qu’il s’agit d’opérations ciblées, qui ne visent que des « centres de commandement » du pasteur Ntumi. Mais des témoins évoquent des écoles détruites et des victimes civiles.
Aucun bilan n’a été fourni par les autorités pour le moment dans le Pool, et quasiment personne n’a accès aux sites concernés par les bombardements pour constater ce qu’il s’y passe réellement. Mardi soir, le gouvernement congolais a promis qu’une mission humanitaire gouvernementale se rendrait prochainement sur place, menée conjointement avec l’organisation Caritas.
L’ONG Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH) réclame de son côté la mise en place d’une commission d’enquête indépendante. Son directeur exécutif n’a pas peur des mots. Pour Trésor Nzila, un véritable huis clos se joue dans le département à l’heure actuelle. Le défenseur des droits de l’homme est pourtant l’une des rares personnes à avoir pu se rendre à Kinkala, la capitale du Pool, ainsi qu’à Soumouna.
Mais une fois sur place, impossible de rejoindre les lieux des bombardements, jalousement gardés par la police, raconte-t-il : « Je suis allé personnellement à Soumouna. Tout le village est désert. Le village a trouvé refuge à Kinkala, mais la police sécurise l’endroit qui a été bombardé et l’accès n’est pas possible. Donc, je n’ai pas été en mesure de faire un constat réel sur les dégâts », relate Trésor Nzila.
La réponse du gouvernement congolais
Impossible également de se rendre dans les autres localités où des tirs d’hélicoptères de combat ont été signalés – Vindza, Goma Tsé-Tsé ou Mayama… Les gendarmes n’empêchent pas formellement le passage, mais le déconseillent fortement pour des raisons de sécurité, raconte-t-il. Plusieurs journalistes congolais s’y sont également essayés, avant de devoir renoncer.
Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les opérations en cours et les conséquences potentiellement dramatiques pour les civils des bombardements, le ministre congolais de la Communication Thierry Moungalla a tenu à faire une mise au point. Il parle bien, cette fois-ci, d’une opération conjointe police-armée, mais répète qu’il s’agit de bombardements « ciblés » et « proportionnés » à la menace dans le cadre de la traque du pasteur Ntumi, dont les ex-rebelles ninjas se réclament, et qui est accusé par le gouvernement d’être responsable des attaques de Brazzaville, ce qu’il dément. « Les bombardements dont on parle, il s’agit simplement d’opérations de destruction ciblée, qui concernent les centres de commandement du pasteur Ntumi. Le pasteur Ntumi ne s’est jamais mêlé aux populations. Il est quelque part peu sociable et il est toujours situé en marge des grandes localités des districts concernés et en marge des populations… Maintenant, malheureusement, les populations qui ont subi la guerre dite du Pool à l’époque, sont traumatisées, et dès qu’elles voient passer un engin, elles peuvent à bon droit se dire : » Nous risquons ceci ou cela. » Donc, il y a eu une psychose et les populations se sont éparpillées », considère M. Moungalla.
Les Nations unies guère plus éclairées
RFI a indiqué au ministre congolais de la Communication que plusieurs témoignages évoquaient le bombardement d’au moins une école à Vindza, mais aussi qu’une église du pasteur avait été ciblée à Soumouna selon les mêmes témoignages, ainsi que des habitations où résident des villageois. « Je n’ai pas d’informations précises sur ces allégations, donc je ne peux pas ni confirmer, ni démentir », répond Thierry Moungalla
Pour Trésor Nzila, Soumouna « n’est pas un site militaire. Là se trouvait l’église de M. Ntumi et les habitations autour. Ce n’est pas un site militaire ! On a aussi constaté, quand on était à Kinkala, une vague d’arrestations systématiques contre les jeunes qui sont [désignés] comme étant des anciens ninjas. »
Il y a plusieurs jours, les Nations unies ont demandé aux autorités que l’accès aux zones d’opération leur soit facilité. Mais l’ONU n’a pas reçu de réponse positive pour l’instant. « Nous travaillons à l’aveugle », déplore un diplomate. Pour le moment, même la Croix-Rouge internationale ne s’est pas rendue sur les lieux. Les autorités, de leur côté, précisent que l’opération se poursuivra jusqu’à ce que l’objectif soit atteint. Pour le moment, le pasteur Ntumi est toujours recherché, assurent-elles.
RFI.