L’unité de l’opposition du Congo-Brazzaville avait volé en éclats au lendemain de la proclamation des résultats de l’élection présidentielle du 20 mars 2016 par la Cour constitutionnelle. C’est un secret de polichinelle. La mort dans l’âme, une frange de l’Opposition a vite fait de reconnaître la victoire de Denis Sassou Nguesso. L’autre frange continue de dénoncer le hold-up électoral du khalife D’Oyo. Au lendemain de la présidentielle du 20 mars 2016 remportée frauduleusement par Denis Sassou Nguesso, des peaux de banane, des chausse-trappes et des petits cailloux ont été semés sur le chemin « D’avenir » des uns et des autres, provoquant l’inertie de l’alliance.

Autant dire que l’appel à la mobilisation du 10 juillet 2017 lancé par Claudine Munari Mabondzo, Clément Miérassa et Charles Zacharie Bowao vaut valeur de test. C’est aussi un dilemme pour Sassou. Osera-t-il tirer sur la foule sans s’exposer au risque de gâcher ses législatives six jours plus tard ?

Cela dit, le moins qu’on puisse dire c’est qu’aucune action d’envergure n’a pu être menée depuis le mois d’avril 2015. Face au Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir) et ses alliés, l’Opposition congolaise peine depuis plusieurs mois à adopter une stratégie commune de combat. Adieu le bloc formé autour de ses cinq candidats à la présidentielle de mars 2016 ! Pour le premier tour des législatives prévu le 16 juillet 2017, c’est désormais le « chacun pour soi  », chacun sa position.

De l’eau a coulé sous le pont. L’époque est révolue où, l’oiseau de Minerve (l’autre nom du philosophe chez les grecs), Charles Zacharie Bowao déclarait : «  La  position de leadership de Parfait Kolélas est un atout qu’il faut savoir 

conserver  ». Place désormais à des philippiques.

Dans un entretien avec la presse, Charles Zacharie Bowao se lance : « Je ne parle pas de l’Opposition collaborationniste ou « constitutionnelle  » qui s’est inclinée, par dépit ou par hypocrisie, devant le coup d’Etat anticonstitutionnel et le holdup présidentiel. Cette Opposition-là se dit prête à participer à la mascarade électorale annoncée. En vérité, il s’agit d’une Opposition du pouvoir. Devant l’insalubrité publique ambiante, le refus de mettre en place une Commission électorale véritablement indépendante et la guerre du Pool, la Fédération FROCAD-IDC-CJ3M, refuse l’organisation d’une élection qui ne sera ni libre, ni transparente, ni régulière. Dans la logique du coup de force permanent et du clientélisme clanique, celle qu’affectionne M. Denis Sassou Nguesso, nous assistons à une atteinte en règle à la cohésion républicaine et à un recul du sentiment de solidarité nationale. C’est un acte obligé, un de plus, dans le spectacle affligeant du Coup d’Etat anticonstitutionnel. Un pas qui nous éloigne de l’apaisement politique et social. Si tant est que nous avons besoin d’un tout petit peu d’éthique en politique, alors nous refusons de cautionner ce retour vicieux à ce que la Conférence Nationale Souveraine de 1991 avait refoulé en proclamant solennellement : « Plus jamais ça ! ». C’est pourquoi à travers la Déclaration N°005 du 26 mai 2017, le Conseil Fédéral FROCAD-IDC-CJ3M dénonce la convocation des élections législatives et locales comme atteinte à la solidarité nationale et à la cohésion républicaine et exige la tenue d’un dialogue inclusif sous l’égide de la communauté internationale en vue de sortir le pays de la crise actuelle » (Entrecongolais, 6 juillet 2017).

Charles Zacharie Bowao, qui connaît le sens des mots, n’y va pas par quatre chemins. Il tape fort. Charles Zacharie Bowao regrette la « mésintelligence historique » des opposants qui ont choisi de participer aux élections à venir. 
Dans le viseur de l’ancien ministre de la Défense : Guy Brice Parfait Kolelas et Pascal Tsaty Mabiala.

Guy-Brice Parfait Kolélas est le député de Kinkala, dans le Pool. Arrivé deuxième lors de la présidentielle de mars 2016, le fils de l’ancien Premier ministre Bernard Kolélas et leader du mouvement Union des démocrates humanistes Yuki ne compte pas pratiquer la politique de la chaise vide, quand bien-même il soit habitué de poser son cul entre deux chaises.

« C’est ce que lui a conseillé le représentant du secrétaire général de l’ONU [le Guinéen François Louncény Fall] lors de sa dernière visite au pays  » souffle le député Médard Moussodia, très proche de Guy-Brice Parfait Kolélas, qui va lui-même tenter de conserver son siège dans la 1ère circonscription de Moungali, à Brazzaville, une circonscription que visait également le candidat indépendant André Bénamio dit Ya Pif.

Moussodia s’est fendu d’un oxymore : participer aux élections vous donne la crédibilité de contester les résultats.
Pour Moussodia, le débat sur le « hold-up électoral  » de 2016 est aujourd’hui « révolu  ». « Sur le plan international, c’est Denis Sassou Nguesso qui est reconnu comme le Président du Congo-Brazzaville », justifie-t-il, dénonçant l’incohérence de ceux qui estiment que le chef de l’État est «  illégitime  » mais qui « n’hésitent à pas demander de dialoguer avec la même personne ». Justement, rusé comme un serpent, Sassou sait qu’accepter le dialogue c’est signer son arrêt de mort politique.

« Nous, nous avons décidé de participer aux élections parce que cela nous donnera demain la légitimité de contester les résultats, si nous nous estimons lésés  », renchérit le député.

Bel euphémisme !

Mais, qu’est devenue la plainte déposée auprès de la Cour Constitutionnelle africaine par Guy Brice Parfait Kolélas après la victoire controversée de Denis Sassou Nguesso ?

Même son de cloche ou presque du côté de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS). Autrefois l’une de principales forces politiques du Frocad, le parti conduit par Pascal Tsaty Mabiala bat campagne pour les législatives du 16 juillet 2017. « Nous sommes un parti de gouvernement, nous ne sommes pas pour une opposition de rue, parce que nous avons un projet alternatif pour le Congo à défendre  », explique son porte-parole, Honoré Sayi (Jeune Afrique, 5 juillet 2017).

Le Leader de l’UDH Youki joue gros. Guy Brice Parfait Kolelas doit à la fois guerroyer contre son frère de lait Euloge Landry Kolelas et Pascal Tsaty Mabiala.

D’abord, contre Pascal Tsaty Mabiala à l’occasion des législatives et des locales du 16 juillet 2017. Entre les deux, une course à l’échalote est engagée pour le leadership de l’Opposition. A qui va échoir le statut du chef de l’opposition et les avantages y afférant ? Ensuite, contre Euloge Landry Kolelas du MCDDI. Un match, arbitré par Denis Sassou Nguesso, se joue dans l’hémicycle entre les deux frères. Qui obtiendra le plus grand nombre de députés ? Denis Sassou Nguesso saura-t-il récompenser ses serviteurs les plus zélés ?

Les deux camps de l’opposition ont des arguments à faire valoir. Denis Sassou Nguesso n’a fait aucune concession et déroule son calendrier. Devrait-on participer à des élections dont les dés sont pipés et les résultats connus d’avance ? Devrait-on faire fonctionner un parti politique sans élus et donc sans argent ? Des formations politiques privées de représentants dans les différentes structures politiques et administratives peuvent-elles être considérées comme des coquilles vides ?

Sassou aura-t-il la magnanimité de nommer un nombre suffisant de députés Youki pour former un groupe parlementaire ? On craint que non. Dans ce cas s’il y va ce serait pour un plat de lentilles.

Même privés d’élus et de fonds, l’UDH Youki et l’UPADS resteront les plus grands pourvoyeurs de militants et sympathisants. Ces deux formations politiques brillent par leur capacité de mobilisation et de nuisance aussi. La politique de la chaise vide peut se révéler comme un couteau à double tranchant. La stratégie du béni oui oui devrait être utilisée à bon escient avec cette crainte que Sassou ne prenne toute l’Opposition pour du pain bénit.  

Benjamin BILOMBOT BITADYS