Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude : Des révélations troublantes sur la gestion des structures enquêtées

lamyr-nguele-300x202-3875279Par  : Pascal-Azad DOKO.

Le président de la Commission nationale de lutte contre la corruption, la concussion et la fraude, Lamyr Nguele, a animé vendredi 22 Décembre 2017, au siège de ladite commission à Brazzaville, une conférence de presse. Il y a rendu publics les résultats des enquêtes et investigations menées par la Commission ces deux dernières années dans certaines structures du pays et à l’étranger.

Notamment au Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU-B), au ministère de l’Enseignement supérieur, pour le paiement des bourses, au ministère de la Santé, pour la gestion des fonds liés à l’achat des antirétroviraux et autres médicaments de la gratuité, à la CRF (Caisse de retraite des fonctionnaires), pour le paiement des pension et retraites, et enfin à la douane, pour de fausses déclarations en douane.

Le président de la Commission a rappelé les dysfonctionnements relevés et les recommandations faites aux administrations visées. Mais ces dossiers d’enquête ont été remis à un huissier, afin de les transmettre au procureur de la République pour des poursuites judiciaires.

S’agissant du CHU-B, au cours des exercices 2013, 2014, 2015, 2016, notamment dans les services des ressources humaines, de la comptabilité et des marchés publics, la mission d’enquête a permis d’établir des faits troublants et presque délictueux, en commençant par la gouvernance administrative. Le rapport d’audit pratique du CHU-B réalisé par le bureau de la représentation pour le Congo de l’Organisation mondiale de la santé du 15 octobre au 2 novembre 2016 a fait le constat que «le mode de gouvernance et d’organisation du CHU-B est de type administratif centralisé et non entrepreneurial, sans véritable plan stratégique, ni outil de gestion performant, l’absence de priorisation et de l’utilisation transparente de la subvention et des recettes, un approvisionnement en médicaments et consommables erratiques, des outils de gestion souvent archaïques, le CHU-B dans ce contexte n’offre pas la base minimale requise de soins de qualité. Dans cet hôpital, une partie importante de la charge financière (coût des médicaments, des diagnostics et des soins) reposent sur le malade».

L’enquête a relevé que les gestionnaires du CHU-B manquaient réellement de plans stratégiques cohérents, ils n’ont pas la maîtrise des internes qui assurent les prestations médicales. La violation des dispositions de la convention collective de 2010 sur le recrutement des agents et la mise en stage à l’étranger occasionnent de nombreuses désertions. Les différents prestataires qui assurent l’entretien des espaces verts font souvent le même travail.

Toujours dans cet établissement résolument emblématique de la gabegie relevée, la commission a par exemple noté que sur près de 5 milliards (4 milliards 800 millions) annuels de budget, seuls 19 millions sont alloués à l’achat de médicaments. Or les soins et les médications des malades sont la raison d’être d’un hôpital.

A propos du paiement des bourses des étudiants en formation à l’extérieur du pays par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé et de la population, l’enquête a permis d’établir que 40% du montant des bourses sont engagés au titre de frais annexes destinés, semble-t-il, à couvrir les besoins de services chargés de la gestion de ces bourses. Cela semble avoir justifié le prélèvement de 40 % sur une longue période. «La commission a cherché à comprendre le fondement de ce prélèvement de 40% malheureusement aucun texte ne nous a été produit, et la commission a constaté que c’était une illégalité», a indiqué Lamyr Nguele.

Non-tenue de commissions des ressources humaines, paiement de bourses par des organismes non-mandatés. Résultat: l’OGES à Paris n’a pas été en mesure de fournir à la mission de la commission des informations sur les bourses payées et non payées pour les années académiques 2014-2015, 2015-2016. L’organisme ne tient d’ailleurs pas un fichier exhaustif des étudiants qu’il est appelé à gérer. Des étudiants totalisent parfois jusqu’à quatre trimestres de bourses sans qu’ils ne viennent les percevoir. Cette situation a permis à la Paierie du Congo de  disposer au moment où la mission se trouvait à Paris de disposer d’un reliquat de près de 31 millions de bourses non payées pour l’année académique 2014-2015. «Il pourrait s’agir probablement d’étudiants fictifs», a relevé le conférencier.

S’agissant de la Caisse de retraite des fonctionnaires (CFR), la Commission nationale a formulé une recommandation à l’endroit du Premier ministre, en vue de faire initier une réflexion sur le financement de cette institution afin de garantir les payes de 26810 personnes et la prise en charge de 4.333 autres en attente de programmation ainsi que de ceux dont les dossiers sont en cours de traitement pour pouvoir toucher leurs retraites. La Commission a recommandé au ministère en charge de la Sécurité sociale de faire un recensement des 633 agents inscrits au fichier de son personnel afin de résoudre sa situation de pléthore et assainir sa gestion; revoir le système informatique qui présente des défaillances, étudier les conditions d’apurement des créances vis-à-vis des organismes assimilés, qui s’élèvent à 5.630993.084 francs CFA.

Pascal-Azad DOKO

http://www.lasemaineafricaine.net/index.php/national/15271-commission-nationale-de-lutte-contre-la-corruption-la-concussion-et-la-fraude-des-revelations-troublantes-sur-la-gestion-des-structures-enquetees