Directeur de rédaction de «Jeune Afrique», François Soudan s’est fendu d’une analyse prospective de la situation politique congolaise. Dans l’édition du 23 u 29 août 2015, il affirme, sans ambages : «Que Sassou-Nguesso ait l’intention de se représenter ne souffre guère de doute. Même si l’intéressé ne se déclarera vraisemblablement pas avant d’aborder la dernière ligne droite, au second trimestre de 2016, aucun Congolais ne pense qu’il envisage de jeter l’éponge».

A ses yeux, les leaders de l’opposition ont un handicap: «Nombre d’entre eux se sont déjà assis à la table du banquet, même si leur tour est sans doute passé trop vite à leur goût».

Les atouts du président actuel? «L’animal politique qu’est Sassou-Nguesso a tissé de multiples alliances, diurnes et nocturnes, dans tous les départements du pays, pratiquant avec subtilité l’art de la séduction», écrit le journaliste français qui dévoile qu’il y a aura un changement de la Constitution: «Un projet de nouvelle Constitution, habilement confectionné, car incontestablement plus démocratique que la précédente, devrait être soumis aux Congolais, dans le cadre de ce que l’on présente à Brazzaville comme l’acmé de l’expression souveraine du peuple: un référendum d’ici à la fin 2015». François Soudan dévoile-t-il la feuille de route du président congolais? En tout cas, le directeur de rédaction de «Jeune Afrique» semble avoir de bonnes sources qui remontent jusqu’à la présidence congolaise. Il a mis au grand jour ce que les leaders de l’opposition soupçonnaient, jusque-là, non sans certitude. Il est dans les secrets des dieux! Son analyse ne manquera sans doute pas de relancer le débat politique dans le pays, dans la perspective de l’élection présidentielle de juillet 2016.

Pour l’instant, au Congo, le président Sassou-Nguesso a choisi de calmer le jeu. Alors que certains responsables de son parti, le P.c.t, attendaient qu’il annonce, dans son discours sur l’état de la Nation, l’organisation d’un référendum sur la Constitution, il n’en a pipé mot. Au point de susciter une grande déception, alors que dans l’opinion, on s’est félicité de son attitude de sagesse et de responsabilité. Mais, les partisans du référendum n’ont pas perdu espoir et l’analyse de François Soudan les conforte dans leur prévision.

Cependant, comment le président Sassou-Nguesso pourra-t-il se lancer dans une telle aventure, sans une machine politique cohérente et puissante? Son propre parti, le P.c.t, fait face à une fronde interne dont le professeur Charles Zacharie Bowao, l’un des concepteurs de la refondation, est devenu la figure emblématique et déterminée. Après l’échec de la création du R.m.p (Rassemblement de la majorité présidentielle), la majorité présidentielle n’a pas réussi à surmonter les clivages sur la question de la Constitution. Les partis bien implantés dans la partie méridionale du pays, comme le R.d.p.s, le M.a.r, la D.r.d, le P.s.v.r, le M.c.d.d.i, le R.c, etc, ne sont pas acquis à l’idée du changement de la Constitution. D’autres comme le R.d.d, le M.s.d, le M.d.p, etc, s’y montrent réfractaires. Comment le président Sassou-Nguesso va-t-il y parvenir, sans s’assurer le soutien de ces alliés qui ont largement contribué à son élection en 2002 et en 2009? Comment va-t-il faire pour retourner en sa faveur, une opinion tentée par l’idée d’alternance, en raison des récriminations à l’endroit du pouvoir.

Quant à l’opposition, elle s’est mise en ordre de bataille face à la perspective éventuelle du changement de la Constitution, en établissant un accord de partenariat entre le Frocad (Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique) et l’I.d.c (Initiative pour la démocratie au Congo). Les deux plateformes envisagent de se lancer dans une campagne de manifestations populaires destinées à s’opposer à la réforme de l’ordre constitutionnel, afin de «garantir une alternance pacifique» dans le pays. Elles comptent sur le soutien d’une communauté internationale attachée au respect des principes démocratiques. Les transfuges du pouvoir sont les plus déterminés à faire barrage à l’idée de voir le président Sassou-Nguesso se remettre dans la course présidentielle en 2016. Simple façon, pour eux, de monter les enchères? Difficile de le dire. L’absurdité étant la chose la mieux partagée de la scène politique nationale.

Le président Denis Sassou-Nguesso dispose certes d’atouts indéniables comme François Soudan l’a démontré, mais c’est un défi de taille que cette histoire de Constitution. La tenue du dialogue national sans exclusive de Sibiti, qui a dégagé trois tendances, et du dialogue alternatif de l’opposition, qui s’est attaché au respect de l’ordre constitutionnel, prouve que les positions sont tranchées. Impossible de dégager le consensus tant recherché. L’on comprend que trancher un tel débat est chose complexe. Un référendum consultatif peut-il faire l’affaire? S’il faut bien en finir avec ce débat, pourquoi pas! De la sorte, on saura la tendance majoritaire dans le pays: celle du changement de la Constitution ou du maintien de l’ordre constitutionnel?

Joël NSONI

© La Semaine Africaine