Congo-Brazzaville : Le mirage de l’élection présidentielle de 2021
Par Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA
C’est l’art de mettre la charrue avant les bœufs. Ainsi le vainqueur rafle toute la mise avec des dés pipés et des règles déjà établies à l’avance. Avions-nous encore besoin de parler de cette parodie ?
Alors que l’horizon est toujours sombre pour les Congolais, à juste titre ou pas, certains d’entre nous de l’opposition congolaise sont sur les starting-blocks de ce non événement savamment orchestré par la dictature pour faire diversion. N’oublions pas et jamais que dans une tyrannie, c’est toujours le tyran qui gagne les élections qu’il organise et ici en l’occurrence Sassou ; Telle est sa devise. Comme une cellule cancéreuse dont aucun traitement ne viendra à bout, il a décidé de polluer notre existence jusqu’à la fin des temps.
Pour rappel, Sassou est toujours l’unique indéboulonnable et indémontable candidat du pouvoir militaire en place à défaut d’avoir pu régler dans la sérénité sa succession monarchique, afin de s’assurer une retraite paisible. Mais qu’il se rassure que tout système a une fin, et comme à son habitude il assumera toute sa forfaiture.
La cohérence de la pensée et de l’action est un élément essentiel du discours politique. Le combat de l’opposition est celui de la ré-instauration d’un État démocratique qui a été fauché dans la fleur de l’âge, avant son éclosion, le 05 juin 1997 par une terrible guerre civile dont il nous faudra revenir froidement sur la genèse. En somme, les nouveaux maîtres éblouis par les fastes du pouvoir voulurent mettre au pas les anciens caciques tout en oubliant l’essentiel de leur mission qu’ils avaient reçu de tout le peuple congolais. Une élection dans l’allégresse se transforma en une chasse aux sorcières. Ainsi, germa les graines de la division, de la mésentente, du tribalisme, du régionalisme qui nous gangrènent aujourd’hui.
La plateforme de l’opposition congolaise, notamment le Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (FROCAD), ne devra pas mourir devant nos ambitions égoïstes pour l’élection présidentielle de 2021.
Aurions-nous renoncé à nos idéaux pour succomber aux sirènes d’une pseudo-élection présidentielle pour laquelle les barons du PCT (Parti congolais du travail) agitent la peur de ne point la gagner en 2021 ? Mais de qui se moque-t-on ? L’heure du débauchage politique ou de la transhumance a commencé avec à la clé de la monnaie sonnante et trébuchante pendant que le peuple crie famine.
Le seul but de cette mascarade est d’attirer les opposants en mal de notoriété dans ce cirque politique afin de légitimer encore et encore un pouvoir dont l’existence ne dépend que de la frange militaire tribale solidement ancrée dans notre armée congolaise tel un abcès. Ne pas le crever signera notre échec.
Avions-nous oublié nos martyrs partis très tôt ou récemment pour nous lancer dans des aventures politiques hasardeuses ? Certains d’entre nous encore vivants vivent le martyr dans les geôles de notre pays qui est une prison à ciel ouvert. Le Congo-Brazzaville a sombré dans les oubliettes des nations civilisées. Le rôle de notre Président ne se résume plus qu’à parrainer des cérémonies funèbres et funestes tant le sort de la nation congolaise lui est dorénavant indifférent.
Je vois d’ici poindre du coin de l’œil les larmes de tristesse de nos compagnons de lutte, prisonniers politiques, qui se sentent abandonnés par nos jeux politiques mesquins. Ceux qui hier dégustaient avec nous le champagne à l’abri du regard du peuple, se voient aujourd’hui délaissés.
Il est plus que temps que nous nous ressaisissions et accordions nos violons afin de poursuivre la finalité, à défaut le but de notre combat d’un Congo-Brazzaville libre dans lequel il fait bon vivre et s’exprimer sans contrainte aucune. Voilà le sens de notre combat. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, et les mêmes erreurs les mêmes résultats. Il est plus qu’urgent de revoir notre stratégie politique.
Au Congo-Brazzaville pour le moment, les conditions d’une expression démocratique ne sont pas encore réunies. Toute tentative solitaire à l’élection présidentielle de 2021 ne saurait recueillir l’assentiment du peuple congolais épris de démocratie et d’un bon nombre de démocrates, tant qu’il y aura des prisonniers politiques au Congo et que la liberté n’y régnerait pas. Cela reviendrait à proposer une course entre un âne de l’opposition et un cheval dopé. Dans les deux cas, tant pour l’âne que le cheval dopé, l’image est désastreuse pour notre pays. Nous avons besoin d’un Etat sain et transparent.
Nos exigences vis-à-vis de ce pouvoir qui pille et terrorise le peuple congolais demeurent intactes à savoir :
- La libération de tous les prisonniers politiques,
- Un dialogue national inclusif à l’instar de la Conférence nationale souveraine de 1991 avec cette fois-ci des décisions politiques et non religieuses.
Au grand printemps, le grand nettoyage des écuries d’Augias.
Quant à monsieur Sassou, selon le camp dans lequel on se trouve, après des bons ou mauvais, loyaux ou déloyaux services, il est temps pour vous de tirer votre révérence. Car à travers vous, c’est tout le peuple congolais qui est humilié dans le monde. Tout ceci ne nous fait plus sourire ni rire. Nul n’est indispensable dans ce monde surtout lorsque l’on a brillamment échoué et que l’on est tristement célèbre. Dans un sursaut d’orgueil, mettez fin à cette tragédie qui peine même vos proches.
Pour les mites, les jusqu’au-boutistes d’une candidature à l’élection présidentielle en 2021, ce qui est leur droit le plus absolu, toute comparaison avec la situation en RDC (République démocratique du Congo) serait inopportune. Sassou est toujours l’inamovible candidat et la communauté internationale, notamment la France qui détient des droits de propriété sur le Congo, ne se soucie guère du sort des populations noires congolaises tant que l’or noir et les autres minerais leur sont bradés pour le bien des Gilets jaunes. L’ironie de notre histoire, c’est que ce sont des pauvres qui nourrissent d’autres pauvres ; Seuls diffèrent les continents.
Levons-nous et faisons tomber le mur de la peur. Le salut du peuple congolais ne viendra que des Congolais eux-mêmes, car qui bien que nous-mêmes connaissons nos besoins ? Nous pouvons sauver le Congo-Brazzaville si nous le voulons. Un Congo uni, je sais que nous pouvons le faire.
Comme dans toute chose en santé publique et maintenant en santé politique, mieux vaut prévenir que courir le risque de ne point guérir.
Une hirondelle, l’élection résidentielle de 2021 à laquelle Sassou rafle toujours la mise, ne fera toujours pas le bonheur des Congolais. Nous savons tous que l’essentiel est ailleurs.
Pour changer, il faut changer l’image. Nous autres ne sommes pas obligés de nous installer au pouvoir. Mais nous sommes obligés de préparer le futur pour nos enfants.
Pour l’opposition congolaise, ne pas participer à l’élection présidentielle de 2021 dans l’état actuel des choses au Congo-Brazzaville ne serait pas un boycott mais une question de bon sens, de dignité et de respect pour nos engagements et nos morts tombés sous les balles de la dictature.
Nous devrions rester au dessus de la mêlée et laisser ce pouvoir se désagréger tout seul. Ne perdons pas notre âme pour des subsides. La méfiance de notre peuple à notre égard grandit et cette désorganisation se traduit par notre manque d’efficacité dans nos actions. Une campagne d’explication de nos actions est plus que souhaitable pour clarifier notre ligne qui se perd dans cette nébuleuse cacophonie. Approprions-nous les thématiques chères à nos compatriotes pour lesquelles nous brillons par notre silence de cathédrale.
Nos échecs successifs sont dus au mode de fonctionnement de notre mouvement animé par un petit groupe de personnes difficilement identifiables avec ses thuriféraires. Être responsables, c’est rendre des comptes.
C’est Albert Einstein qui disait : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »
Le peuple congolais vaut mieux !
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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA