Congo-Brazzaville : L’opposition face au défi de l’alternance

Quelle est la stratégie politique que l’opposition doit adopter dans un pays comme le nôtre, le Congo, qui est béni par la nature, mais un paradis dans un océan de misère sociale ?

La situation politique, économique et socio-culturelle continue à s’enliser tous les jours. Face aux signaux négatifs et au délabrement du tissu social, le PCT jubile peut-être à Oyo mais perd pieds de plus en plus à l’intérieur du pays. Et ce, malgré les milliards des congolais qu’il distille à travers le continent africain. Il doit se rendre à l’évidence, à l’intérieur du Congo, on ne veut plus en entendre parler de Sassou Nguesso ou d’un autre membre de son clan…

C’est un cri de colère et un appel d’urgence au respect de  la constitution que les Congolais lui lancent. Une fois de plus, ils transforment une visite de travail en une brutale séance d’ovation comme les adeptes du PCT (Justin Koumba, Isidore Mvouba et Pierre Mabiala)  adorent se prévaloir. Ce constat vient du plus profond des couches sociales congolaises. Il est clairement établi que tant Sassou et ses proches seront libres de leurs mouvements et disposeront de leurs faramineux avoirs financiers illicites, le peuple Congolais ne connaîtra jamais la démocratie et le développement.

Cette contestation est comme une lame de fond, qui, partie de Dolisie progresse lentement  et finira par engloutir les plus grandes et les plus symboliques villes du Congo, comme Brazzaville et Pointe-Noire. Les litanies de mensonges et de corruption  qui constituent le maillage, le fer de lance de la politique sassouiste s’effondrent une à une devant le réveil des consciences du peuple congolais…

Il ne se passe plus un jour sans qu’une fronde de la population des régions visitées se mobilise pour apporter les démentis les plus cinglantes sur une volonté populaire venue d’en bas pour démentir celui qui cristallise leurs esprits : Denis Sassou Nguesso, l’homme qui fait peur.

Pour autant, notre action doit se concentrer sur la politique du gouvernement qui est largement déficiente et discriminatoire.  Tout confirme qu’à moins de faire le choix d’une unité de l’opposition (radicale, modérée, jeunes et vieux) et d’une rupture entre le pouvoir clanique et les citoyens, le choix d’une alternance démocratique  s’impose. Tout artifice, tout changement de tête sans rupture avec les politiques longtemps décriées pour ne rien changer, sera interprété comme un mépris.

Les voix se lèvent au sein de la communauté dite d’opposition pour réclamer cette association des idées, un programme et une plateforme de rassemblement pour accentuer cette détermination et cet engouement pour l’alternance démocratique. « L’urgence nationale commande la formation d’un « Front Uni de toute l’Opposition congolaise »… Plus de diversions autour des clivages « jeunes », «vieux »… Plus de diversions autour de la sémantique «opposition modéré», «opposition radicale »… Plus de distinction entre «résistants», «opposants ».  La situation est suffisamment grave pour justifier que toutes ces considérations soient reléguées en arrière plan afin d’éviter que celui qui prétendait être revenu au pouvoir (par la violence) pour « défendre » la constitution, ne la viole à son tour pour préparer une succession monarchique à la tête de notre pays. » Ces propos pleins de bon sens sont ceux de notre compatriote Marion Michel Madzimba Ehouango qui incite les congolais au ressaisissement.

Une idée que partage beaucoup de congolais tant le combat futur demande plus d’intelligence, de sagesse et de mobilisation populaire. Nous l’avons suffisamment dit que « La recherche de la démocratie est aussi un état d’esprit sain, de sagesse, de paix le tout couronné par un objectif final la recherche d’une alternance dans l’unité. » (1)

L’opposition congolaise évolue encore dans un champ ruineux d’idées et couvert de gravats. C’est dire que l’opposition congolaise patauge encore dans la braise dès lors que chacune des formations s’autoproclamant de l’opposition fait sa petite sauce dans son coin.

A défaut de prendre le taureau par les cornes, elle serait simplement amenée à lui titiller la queue avec des propositions dont elle s’auto-organise à discréditer. Dialogue national inclusif, concertation nationale, états généraux de la nation nous dit-on ! La tiédeur que montre l’enthousiasme des congolais face à ces propositions témoigne du peu d’imagination d’une opposition écartelée et en panne d’idées. Si le diagnostic et la solution préconisée peuvent être compréhensibles, on ne voit pas comment ces requêtes pourront être mises en route sans le consentement et la participation active d’une société congolaise qui peine à donner son blanc-seing. C’est du déjà vu, dit-elle. Une fausse bonne proposition qui a peu de chance d’être entendue.

Depuis quelques semaines nous constatons une montée de la contestation tant au niveau de la Diaspora de France: Vers un coup d’état constitutionnel au Congo par le pouvoir clanique, tribal et archaïque de M. Sassou Nguesso (2) animée par J.Ouabari Mariotti ou de l’opposition dite radicale par Mathias Dzon: « Pas de listes fiables, pas d’élections au Congo» ! (3)

Pourtant toute cette phraséologie politique abondamment utilisée pour convaincre une population qui, malgré les brimades et le dénuement, hésite toujours de se souder à une opposition qui prétend rassembler tout en se préservant de cavaler seule a du mal à séduire. Les congolais manifestent jour après jour leur opposition à cet amateurisme gouvernemental, à cette incroyable cacophonie dont on a le spectacle depuis des mois et des années sur les résultats du recensement et sur la modification de la constitution.

Ils veulent du professionnalisme, un gouvernement expérimenté, et ils veulent des résultats, un changement profond avec des professionnels car on ne s’improvise pas homme politique. Il faut de la cohésion. Prendre le temps et déployer l’énergie nécessaire pour gérer ces questions, est un investissement largement rentabilisé pour la réussite du changement voulu. Il faut commencer à  éviter que le flou, le brouillard, l’à peu près ne contaminent le reste des masses qui tentent de se mobiliser. Il serait préjudiciable de pousser aveuglement le peuple vers un affrontement contre le régime actuel sans le prémunir d’un minimum d’encadrement, de formation, de leviers pour discerner les raisons valables du pourquoi doit-il réagir ? C’est en cela que « L’urgence nationale commande la formation d’un «Front Uni de toute l’Opposition congolaise » aura tout son effet.

« Le Congo serait-il farci de hauts personnages incompétents, menteurs et corrompus, de notables pontifiants et polycumulards pour lesquels la politique est une manière d’obtenir du pouvoir, de s’offrir l’opulence, de jouer les importants, de passer à la télé « Nkombo », de voir les citoyens ordinaires se prosterner devant eux, d’avoir toutes les femmes que leur physique ingrat leur interdirait en temps normal, sans oublier un salaire élevé de ministre, député, sénateur… et plusieurs voitures avec chauffeurs qui grillent les feux rouges ? Certains ministres continuent de se faire appeler cyniquement « député de telle circonscription » et perçoivent les émoluments y afférents alors que cela est incompatible du fait de la loi. » (4)

L’impératif qui doit habiter tout homme qui se reconnaît de l’opposition doit être axée vers une démarche cohérente d’ensemble, la recherche d’un leadership crédible, la modernisation du cadre électoral, la libération des énergies militantes, la pérennité des sources de financement, l’amélioration du mode de communication et surtout la visibilité et l’acceptation  par le peuple d’un projet de société les impliquant  sont autant d’enjeux qui doivent interpeller l’opposition congolaise et toutes les forces du changement. Même le seul fait de vouloir le départ de Sassou Nguesso doit-être pris sous un angle de réflexion approfondie.

« Ce changement appellera forcément à une recomposition du paysage politique congolais. Les autorités congolaises actuelles déshumanisées refusent de suivre le cours des flots alors que la population leur montre la chute qui se profile à l’horizon. Ce manque de cohérence issue d’un mutisme politique est suicidaire. Les exemples n’en manquent pas de nos jours pour l’étayer. Il apparaît de plus en plus évident que le changement se fera sans eux. Le danger qui guette le pouvoir actuel, en raison de l’attitude de son obscurantisme, est justement de rester aveugle aux bouleversements sociaux et ainsi ne pas être en mesure d’affronter les crises. Car aujourd’hui, il ne faut plus chercher à contraindre l’incertitude ni encore à la réduire en silence, mais plutôt il faut apprendre à l’intégrer dans le processus évolutif des mentalités. Ceci en fournissant aux Congolais les moyens d’en réduire les effets sur leur insécurité. Cela passe par une libéralisation de la presse, l’adoption des mesures économiques et sociales équitables. Encore faut-il, pour ce faire, que les autorités aient affronté leur propre insécurité résultant du contexte actuel plutôt que de se réfugier derrière les paradigmes traditionnels, claniques et mercantiles qui dépravent leur vision. Nous croyons fortement que le mal congolais sera traité par la conscientisation de nos citoyens à ne promouvoir que l’excellence et les idées novatrices tournées vers le développement. Si chaque région trouve son élan dans la concrétisation de son plein développement économique, le Congo entier sortira grandit de ces épreuves. » (5)

Jean-claude BERI

(1): Pourquoi la mayonnaise du duo infernal DZON-OKOMBI a un goût de vinaigre?

(2) Le nouveau et dernier coup d’état constitutionnel de Sassou : le peuple s’y oppose partout au Congo !

(3) Dzon : « Pas de listes fiables, pas d’élections au Congo» !

(4) et (5)  Congo, les raisons d’une démobilisation populaire

***

Source LA LETTRE DU CONTINENT, N° 679 du 26 mars 2014