Congo-Brazzaville : Pourquoi ne pas envisager des états généraux de l’armée ?

De 1992 à 2011, soit dix neuf ans depuis l’avènement du processus démocratique au Congo, nous avons assisté à un coup d’Etat militaire en 1997 et à deux coups d’État aux urnes légitimés par les militaires : l’un en 2002, l’autre en 2009.

Au Congo, l’armée est devenue trop politique. Les militaires (et assurément la totalité des forces armées et de sécurité) se sont politisés, alors que la population civile, à des degrés divers, s’est militarisée. L’instabilité politique, la kleptomanie, la manipulation des clivages ethniques, le marasme économique et systémique, les abus brutaux des droits humains sont le résultat net du pouvoir des militaires. En disant cela, on peut considérer à juste titre que l’on touche là du doigt, un problème concret dans un des pays considéré par les Nations Unies comme l’un des derniers pays du monde au point de vue de l’indice de développement humain, économique, et démocratique mais où, la junte militaire issue du coup d’État du 5 juin 1997 détient encore le pouvoir et qui plus est, veut le conserver à vie.

Le danger pour le Congo est là ! Et, l’on n’a raison de s’inquiéter de l’image actuelle de la force publique dépouillée aujourd’hui de sa nature républicaine parce que l’armée s’est rangée du côté des politiques seigneurs de guerre alors que quelles que soient les situations, l’armée ne devrait pas s’éloigner de l’ensemble du peuple avec qui elle partage le même univers, les mêmes problèmes, les mêmes effets pervers de crise due à la gabegie de ceux qui s’autoproclament leader à vie du peuple congolais sur l’incertain « chemin d’avenir » qui nous emmène les Congolais et le Congo droit en enfer.  .

Au vu de la désintégration de l’armée congolaise pour qu’elle soit réellement au  service de la nation, dans l’harmonie et l’équilibre géopolitique et ethnique. Dans un continent africain en pleine mutation : la révolution de jasmin en Tunisie, la révolution en Égypte, celle en cours en Lybie, en Syrie et au Burkina-Faso … nous pensons dur comme fer que la réorganisation des forces armées congolaises fortement politisées s’impose afin d’éviter le fait que demain les militaires, puissent vouloir brandir la kalachnikov pour régler une crise nationale ou politique parce que le sommeil d’un Général a été dérangé. Et on sait ce que cela a coûté au peuple congolais ! Voilà là où se situe le débat. Or passer outre, cette réalité c’est créer d’autres problèmes inutiles.

Ces états généraux de l’armée au Congo, comme le souhaite plus d’un Congolais, seraient une véritable conférence nationale sur l’armée. Y serait traitée toute la problématique de notre armée à partir d’un thème central: « L’Armée Congolaise et la Démocratie ». Ce haut lieu tant souhaité réunirait donc les décideurs militaires et politiques, les anciens militaires (retraités), les nouvelles générations de militaires (enfants de troupes de l’EMPCR, des académiciens…), des représentants de l’Université, des représentants des Associations de défense des droits de l’Homme ; des représentants des Forces de l’ordre et de sécurité, des experts nationaux ou internationaux de l’armée, les personnalités civiles et les intellectuels congolais qui voudraient bien mener cette réflexion dans l’intérêt du pays. Au niveau des personnes ressources, il faudra sans doute associer (inviter) des personnalités qui connaissent le terrain pour avoir été acteurs de coups d’État militaires en Afrique dans leur histoire ; pour exemple : les anciens Présidents Olusegun Obasanjo du Nigéria, Jerry Rawlings du Ghana sans omettre le Président actuel du Mali : Amadou Toumani Touré (ATT) etc…

Objectif général : aboutir à des recommandations pertinentes qui permettraient de faire progresser et de consolider le processus démocratique au Congo, en faisant prendre conscience à toutes les parties prenantes de leurs responsabilités, leurs devoirs et obligations dans un cadre constitutionnel démocratique. Cet objectif général implique des objectifs spécifiques à savoir :

– Ouvrir un dialogue sincère entre les différents acteurs civils, politiques et militaires.

– Faire un diagnostic sur tous les problèmes rencontrés au cours de ces dix neuf années d’expérience démocratique en tirant des leçons de notre propre expérience, mais aussi des autres pays d’Europe et d’Afrique comme le Mali, le Ghana, la Tunisie, Égypte (où l’ancien Général Président Moubarak est poursuivi pour avoir donner l’ordre à l’armée, de tirer à balles réelles sur les manifestants qui exigeaient son départ )

– Faire des suggestions réalistes afin d’éviter la pérennité institutionnelle devenue, depuis, une constante imposée au peuple Congolais par les armes.

De ces états-généraux, sortiront certainement des décisions et recommandations qui, une fois appliquées, pourraient relancer non seulement l’armée Congolaise sur la voie de réconciliation avec le peuple mais aussi, tracer l’avenir démocratique du Congo.

Entre autres décisions et recommandations figureraient d’une façon claire et sans ambiguïté :

– l’impérative nécessité de jeter les bases d’une démocratie véritable fondée sur la primauté du pouvoir civil et la subordination de l’armée;

– La diffusion de la constitution et des textes fondamentaux dans les unités militaires ;

– La diffusion des textes régissant l’armée dans la société ;

– l’organisation de journées portes ouvertes sur l’armée ; afin que les jeunes congolais aient un contact avec l’armée ;

– la diffusion de la constitution par les partis politiques à leurs militants ;

– Redynamiser l’instruction civique dans la formation militaire et en milieu scolaire, en insistant sur les comportements démocratiques et le respect des droits et devoirs de chacun afin de garantir les libertés fondamentales;

– Vulgariser la constitution et les textes fondamentaux à l’ensemble des couches de la population ;

Partant du constat que la politisation des corps d’armée est source d’exclusion et d’instabilité, les Etats généraux de l’armée pourront recommander la mise en place d’une loi, notamment en ce qui concerne les recrutements, les nominations et le respect scrupuleux du statut de l’armée en matière de gestion des carrières.

Les États généraux de l’armée se devront aussi, de recommander : la clarification des missions incombant à l’armée dans un contexte démocratique et républicain et lui donner les moyens de les accomplir :

L’insuffisance de la culture démocratique des populations civiles et des militaires constitue l’une des raisons endogènes des coups d’Etat et des crises institutionnelles au Congo. En perspectives : le gouvernement se devra de faire des efforts de formation intensive, en matière de sensibilisation, d’alphabétisation de la population congolaise, aux rapports civilo-militaires et à l’application stricte de la constitution dans tous les cas, en choisissant les partenaires les plus aptes à mener ce travail, c’est-à-dire les organisations non gouvernementales qui sont un puissant relais entre les populations civiles, militaires et le Gouvernement.

Le but final ici, est de mener des actions concrètes en vue de l’enracinement de la culture démocratique au Congo; en organisant pour exemples :

– Des séminaires de formation à toutes les couches sociales (syndicats, administration, forces de l’ordre et de sécurité, chefs traditionnels, agriculteurs, éleveurs etc…),

– Initiation de l’enseignement de la constitution congolaise et des droits de l’Homme en milieu scolaire. Ce qui fondamentalement permettra à la longue, de régler plusieurs problèmes dont l’analphabétisme des populations. Chacun sait qu’il est plus difficile de transformer les mentalités après 45 ans. Ainsi, l’enracinement de la culture démocratique se fait plus vite, bien, à moindre frais chez les jeunes ; que chez les vieux. Représentant de l’avenir, c’est cette jeunesse congolaise qui doit décider du sort de notre pays demain. Nous avons, par conséquent, la responsabilité de les préparer, afin que son comportement naturel puisse être le respect de la loi et des institutions républicaines qu’ils soient civils ou militaires.

L’Etat (l’Ecole) et les ONG de défense des droits de l’homme ne pouvant tout faire, il reviendra aussi aux partis politiques, dans le cadre de la promotion de la démocratie au Congo, de former leurs militants aux exigences de l’État de droit, à la bonne gouvernance, à la citoyenneté, et placer les intérêts du pays, avant tout intérêt partisan et individuel.

Du côté de l’armée congolaise, le grand danger est la culture de l’impunité qui règne jusqu’à ce jour. Si l’on accepte au Congo que chacun vienne faire son « coup d’État » et s’en aille ou s’accroche au pouvoir à vie,  il y a le risque, à la longue, que l’on ne devienne militaire au Congo que dans la perspective de faire un coup d’État. Dans cette dynamique, les crises institutionnelles ne peuvent qu’être permanentes au Congo Brazzaville. Il faudrait et il faut sanctionner et mettre fin à l’impunité des militaires comme en Égypte ou en Tunisie.

L’Armée congolaise a un problème avec la Démocratie au Congo. Il faut avoir le courage de le dire et en même temps, il faut lui faire comprendre, qu’elle est au cœur du changement et de l’avenir du Congo. Aussi, nous considérons que la création d’un code de conduite pour les forces armées congolaises pourrait contribuer à l’enracinement de la culture démocratique au Congo.

Par ailleurs, nous nous permettons de conclure à la nécessité impérative de faire de l’enseignement de la constitution congolaise et des droits de l’Homme en milieu scolaire une voie incontournable pour généraliser et instaurer la culture démocratique au sein des populations car, il est indispensable que tout détenteur du pouvoir militaire ou civil au Congo, fasse de la tolérance, de la sagesse et de l’amour du Congo un devoir quotidien ; c’est là les piliers de la culture démocratique, l’axe principal de conduite.

« Le chemin de l’avenir » de la Démocratie au Congo est bien du côté de ceux qui peuvent décider de tels états généraux.

Wallys KIMBATSA, www.dac-presse.com