La police congolaise a fait usage de gaz lacrymogène pour disperser jeudi après-midi des centaines des sinistrés qui manifestaient au centre-ville de Brazzaville pour exprimer leur mécontentement face à la lenteur et à des mauvaises pratiques observées dans le paiement de leurs indemnités de relogement,
a constaté un correspondant de Xinhua sur place.
Selon des témoignages recueillis sur place, les manifestants dénoncent le non-respect du calendrier de paiement, la présence de noms fictifs dans certaines listes, ainsi que des actes de corruption.
« On nous exige maintenant de verser une somme de 100.000 F CFA, pour pouvoir avoir droit à l’indemnité de 3 millions de F CFA », a déclaré un manifestant, soulignant que si cette pratique continue « nous allons organiser une marche jusqu’au palais présidentiel pour exprimer notre ras-le-bol de cette situation qui n’a que trop durer ».
Débutée la semaine dernière, le paiement des indemnités d’ urgence de relogement des 14.000 sinistrés du 4 mars dernier est répartie sur deux sites pour une gestion plus efficiente d’une part des propriétaires de parcelles endommagées ou détruites, et de l’autre, des milliers de locataires.
Malgré des poussées de tentions observées ces derniers jours du côté des bénéficiaires en raison de quelques difficultés d’ordre organisationnel, le paiement des indemnités d’urgence se poursuit normalement dans les deux sites concernés.
© Chine Nouvelle (Xinhua)
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La généralisation de la corruption et de la fraude est une réalité au Congo
La catastrophe dont ont été victimes les habitants de Mpila et de Ouenzé, le 4 mars, a révélé – tout le monde en a conscience – de lourds dysfonctionnements dans la machine administrative congolaise. Un lecteur nous a écrit. Il parle de l’incurie, selon lui, développée dans les services publics et les cabinets ministériels, dans la gestion des ressources financières, notamment les crédits alloués. Alors, il se pose beaucoup de questions: «Combien d’écoles ont été construites chaque année? Combien d’hôpitaux ont été équipés? Combien d’établissements publics ont été réhabilités dans tous les secteurs de la vie publique? Que fait la cour des comptes? Que fait l’inspection générale d’Etat?». A l’opposé, il relève que «des maisons et autres immeubles grand standing poussent dans nos villes comme des champignons. Qui en sont les propriétaires et avec quels moyens ou quels salaires les construisent-ils?». Pour notre lecteur, la «Commission nationale de la lutte contre la corruption et la fraude devrait monter au créneau… Mais comment, quand et avec quels cadres… vaccinés contre le fléau…?». Une interrogation qui sonne comme un défi lancé à cette commission. A elle de le relever.
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Ce que le peuple aurait aimé entendre de son gouvernement
Le drame de Mpila a laissé paraître au grand jour, les erreurs du gouvernement en matière de communication. N’eut été la montée au créneau du président de la République, lui-même, la colère de l’opinion, particulièrement les populations directement victimes de la catastrophe, aurait donné une autre tournure à la suite des événements. En effet, l’après-midi même du dimanche 4 mars, le chef de l’Etat avait eu la modestie de reconnaître qu’il n’y avait rien à cacher que les explosions du camp du régiment blindé ne feront pas moins d’une centaine de morts. La triste réalité est bien celle-là.
Or, la volonté de certains membres du gouvernement, de ne pas traduire, dans le discours livré à la population meurtrie, la réalité qui venait de se produire comportait le risque de voir une opinion en colère, se retourner contre les pouvoirs publics. D’ailleurs, les officiels ont, eux-mêmes, vécu la sérieuse menace de la colère populaire, le jour des obsèques des victimes du drame de Mpila, le dimanche 11 mars.
Le paradoxe est que c’est du gouvernement que vient aussi la sagesse du type de discours que le peuple aurait aimé entendre, en ces moments difficiles. En effet, s’exprimant au nom du pôle de la souveraineté qu’il coordonne, le ministre d’Etat Aimé Emmanuel Yoka se distingue par un énoncé qui non seulement se manifeste par la sagesse des propos face à la douleur du peuple, mais encore, se signale par le courage d’aborder la vérité. Dans son hommage à «tous nos morts du 4 mars 2012» Maître Yoka écrit: «Puis, cette vérité qui tardait à montrer son visage, afin de nous faire croire que les dégâts n’étaient que matériels. Mais, il apparaît, clairement, que le diable était dans le détail. Sous les décombres, gisaient les corps de nos frères et sœurs. La fatalité nous a ri au nez, comme elle le fait dans toutes les nations du monde» (1).
Membre du gouvernement, il prend ses distances par rapport au discours gouvernemental sur la cause du drame: «Puis, vient cette interrogation dans les conversations: pourquoi cela s’est-il produit? Un incident, un court-circuit dans une réserve d’armes du régiment blindé de Mpila, dit-on, en guise de réponse» (2).
Enfin, le ministre d’Etat est de ceux qui pensent que ce drame induit une certaine remise en cause de notre mode de gouvernance (Gouverner, c’est prévoir): «Nous pleurons vos pertes qui sont les nôtres, celles de notre nation. Nos frères et sœurs sont, aujourd’hui, des martyrs et ils sont aussi les initiateurs involontaires de nouvelles réflexions sur les moyens à mettre en œuvre, pour éviter des effets désastreux et repenser à une formulation du principe de précaution et de prévention» (3).
Fidèle à sa logique d’être proche du malheur du peuple, Aimé Emmanuel Yoka a, dans une déclaration face à la presse, levé un coin du voile sur l’enquête, en donnant un détail extrêmement important. Il a indiqué, en effet, que selon les probabilités de l’expertise internationale, le drame de Mpila est du fait de l’homme pour 28%, contre 6% seulement du fait d’un court circuit. Cette vérité décapante, qui épouse le sentiment général de la population qu’il y a «une main noire» dans les explosions de Mpila, donne une nouvelle tournure au drame du 4 mars 2012.
Mais, le ministre d’Etat Yoka n’a parlé qu’au nom de son pôle. Il reste à savoir si le gouvernement tout entier aura le courage de le suivre dans la révélation de cette redoutable vérité qui, assurément, n’épargnera pas ceux qui ont voulu, jusque-là, la dissimuler. L’exigence éthique de devoir la vérité à son peuple, lorsqu’on est appelé à servir la République dans les hautes fonctions, les contraint à en tirer les leçons. Dans les responsabilités publiques, ce ne sont pas les avantages matériels et autres qui comptent, plutôt, l’honneur du devoir et la légitime fierté de servir son peuple. Lorsque cet honneur et cette légitime fierté n’y sont plus… Il faut reconnaître à Aimé Emmaneul Yoka, la vertu de dire ce que le peuple voudrait entendre de son gouvernement, pendant ce moment de malheur.
© Joachim MBANZA
Note:
1-Voir texte: «Hommage du pôle de la souveraineté à nos compatriotes, à tous nos morts du 4 mars 2012» in La Semaine Africaine n°3176 du vendredi 16 Mars 2012. Page 6.
2 et 3: idem.