Déclaration sur les parodies de procès au Congo-Brazzaville Depuis 1977, le peuple congolais continue d’attendre la manifestation de la vérité sur les affaires criminelles qui, à diverses occasions, l’ont endeuillé : – les assassinats du président Marien NGOUABI et du cardinal Emile BIAYENDA ; – l’attentat du DC10 de l’UTA ; – l’affaire des bombes du cinéma Star et de l’aéroport Maya-Maya de Brazzaville ; – le procès sur l’affaire des disparus du BEACH ; – le récent procès relatif à la tragédie du 04 mars 2012. Pendant ce temps, des criminels tapis dans les sphères du pouvoir courent toujours en attendant de commettre d’autres forfaits qu’ils imputeront à des bouc-émissaires, assurés qu’ils sont d’une totale impunité. Ces intouchables, connus du peuple congolais sont couverts par le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. A l’occasion de la présente conférence de presse, nous nous appesantirons sur le procès relatif à la tragédie du 04 mars et les rebondissements de l’affaire des disparus du BEACH de Brazzaville.
A. Du procès sur le drame du 04 mars 2012 à Brazzaville
Le 04 mars 2012, notre pays subissait d’immenses pertes matérielles et en vies humaines à la suite des explosions d’armes de destruction massive stockées au mépris de toute logique et de tout professionnalisme, dans des casernes militaires situées en plein cœur des quartiers populaires de MPILA, OUENZE, DRAGAGE, KANGA MBANZI dont les deux derniers ont été totalement rayés de la carte de Brazzaville. A l’annonce de la tenue du procès, le peuple tout entier attendait que la vérité sur ce drame soit enfin révélée, que les vrais auteurs soient identifiés, poursuivis et sanctionnés. Hélas, une fois de plus, l’espoir du peuple a été déçu. La montagne du procès a accouché d’une souris. Après un mois de procès, le peuple ne sait toujours pas qui a réellement allumé l’incendie qui a embrasé les camps militaires de MPILA à Brazzaville le 04 mars 2012, car, d’un côté, le sergent KAKOMKOUACK Blood, présenté comme le pyromane, a déclaré : « Le colonel OBARA a appelé son greffier, un certain Omer, et lui a dit : « écrivez que c’est KAKOM qui a mis le feu », de l’autre côté, les spécialistes en armement, les Colonels Jean Claude MOPITA et Fréderic INGANI ont indiqué avec force que « le feu d’une braise de charbon ne peut pas techniquement parlant, générer des explosions d’une telle violence ». Qui sont donc les vrais auteurs de la tragédie du 04 mars 2012 ? Le procès n’a apporté aucun élément de réponse tangible à cette lancinante question. Il a cependant confirmé ce que le peuple congolais savait et que l’ancien ministre à la présidence, chargé de la défense, monsieur Charles Zacharie BOWAO avait résumé par cette belle formule : « Il s’agit d’une justice injuste qui condamne les innocents et innocente les coupables ». Paroles d’un homme du sérail. Les témoignages de nombreux accusés ont fait ressortir très clairement qu’il s’agissait d’un complot fabriqué pour abattre un homme : le colonel Marcel NTSOUROU. Dans cette optique, le sergent KAKOM a indiqué que le Colonel OBOUANDE lui a proposé 50 millions de FCFA, soit environ 80 mille Euros et lui a demandé en contrepartie de désigner le Colonel Marcel NTSOUROU comme étant le commanditaire des explosions du 04 mars 2012. Le caporal-chef Rodrigue OBA, qui avait sur lui 300 mille FCFA, soit environ 200 Euros, lors de son arrestation, a rapporté qu’à la DGST des officiers lui ont demandé de dire que c’est le Colonel NTSOUROU qui lui avait donné ces 300 milles FCFA, au titre de sa participation à l’incendie des camps de MPILA. Le même Rodrigue OBA a poursuivi et déclaré : « Un jour les Colonels INGANI et OBOUANDE m’ont dit en MBOCHI dans le bureau du Colonel OBARA : tu es MBOCHI, c’est notre pouvoir, tu es notre petit. Dis-nous que c’est le Colonel NTSOUROU qui t’a remis cet argent ». Quant à l’accusé NGOLALI MISSIE, il a indiqué qu’il a été emmené deux fois au cimetière D’ITATOLO, enterré vivant jusqu’au cou et sommé de citer le Colonel NTSOUROU, OKOMBI SALISSA, Mathias DZON et Florent TSIBA comme les commanditaires de l’incendie du 04 mars à MPILA. Les officiers supérieurs Jean François NDENGUET, Philippe OBARA, OBOUANDE, abondamment cités dans les témoignages accablants des accusés KAKOM, OBA,NGOLALI, MISSIE, OKANA et autres, ont refusé de se présenter à la barre à titre de témoins et n’ont été inquiétés le moins du monde, comme s’ils étaient au-dessus de la loi ! L’accusé NTSOUROU a déclaré dans une interview parue dans le n° 35 du journal La voix du peuple que : « le procès était un complot ourdi par la hiérarchie politique, sécuritaire et judiciaire contre sa personne ». Quelques heures après le rendu du verdict, le président de la Cour, monsieur Mathurin BAYI qui se rendait au Benin, a été débarqué manu militari de l’avion à Pointe-Noire et ramené à Brazzaville où son passeport a été confisqué à la DGST. Dans une note adressée au journal La Semaine Africaine, dans son n°3325 du 17 septembre 2013, un proche de monsieur BAYI écrit : « Cette fois, les services de la direction générale de la surveillance du territoire (DGST) ont, simplement voulu, l’empêché d’effectuer sa mission, parce qu’ils sont mécontents du sursis accordé au Colonel NTSOUROU, qui lui permet ainsi de retrouver la liberté ». Comme pour confirmer ces dires, le ministère public a interjeté appel le jeudi 12 septembre, dans le dessein d’obtenir la condamnation qu’il a prévue pour le Colonel NTSOUROU, à savoir, 10 ans de prison ferme. Au total, qu’il s’agisse de la condamnation sans preuve du Colonel NTSOUROU, alors que le procureur avait requis pour lui, un acquittement pur et simple, qu’il s’agisse des nombreuses tentatives de corruptions des accusés et des pressions exercées sur eux pour qu’ils désignent le Colonel NTSOUROU comme le commanditaire de l’incendie de MPILA, ou qu’il s’agisse de l’interpellation du président de la Cour à la DGST, ou de l’interdiction qui lui est faite de sortir du territoire national, tout indique que la justice congolaise est aux ordres du pouvoir exécutif et qu’au Congo, la séparation des pouvoirs est une fiction. La parodie de ce procès est encore révélée à travers le démantèlement des charges délibérément imputées aux accusés ainsi qu’en témoigne le verdict rendu, à savoir : 35 interpellés, 26 relaxés et 6 condamnés pour des chefs d’accusation n’ayant aucune relation avec les explosions de MPILA, tels : la détention illégale d’armes de guerre, le détournement des deniers publics, etc. … Cette parodie l’est d’autant que ledit procès n’a pas permis de prouver la nature, accidentelle ou criminelle des explosions du 4 mars 2012. Il est encore curieux de constater que le tribunal n’ait pas été capable de démontrer la responsabilité de l’Etat dès l’instant où certains membres du gouvernement, appelés à la barre, ont contredit le chef du gouvernement sur la disponibilité des fonds alloués à la délocalisation des casernes militaires. Dans ces conditions, il est aisément compréhensible que les justiciables congolais se tournent vers des juridictions étrangères plus indépendantes et guidées par le seul souci de la manifestation de la vérité. Le Collectif des partis de l’opposition congolaise condamne avec la plus grande fermeté la parodie de procès relative à la tragédie du 04 mars, procès monté de toutes pièces par le pouvoir et conduit sur la base d’une enquête préliminaire bâclée, réalisée par la DGST et délibérément orientée vers la condamnation des boucs-émissaires et l’impasse sur les vrais acteurs du drame du 04 mars. Une enquête internationale impartiale s’impose pour faire la lumière sur ce qui s’est passé réellement le 04 mars. Nous l’appelons de tous nos vœux. Le Collectif condamne par ailleurs, les violations des droits et libertés de la personne humaine, notamment les tortures barbares pratiquées dans les geôles de la DGST et au cimetière d’ITATOLO, tortures dénoncées tout le long du procès par les accusés et dont les auteurs, pourtant connus, demeurent impunis. Le Congo a ratifié la convention internationale sur la torture. Le gouvernement a l’impérieux devoir de punir sans faiblesse tous les tortionnaires, quels qu’ils soient.
B. De l’affaire des disparus du BEACH de Brazzaville en mai 1999
Comme chacun le sait, le 17 août 2005, la Cour criminelle de Brazzaville chargée de « l’affaire des 353 disparus du Beach», prononçait l’acquittement pur et simple des 14 accusés et condamnait l’Etat congolais, reconnu civilement responsable, à verser 10 millions de FCFA, soit 15 mille Euros à chaque famille parmi les 86 disparitions forcées agrées par le Tribunal de grande instance de Brazzaville. Quant aux auteurs de ces disparitions forcées, ils n’ont jamais été identifiés. En somme, il y a eu des massacres sans auteurs. Mécontentes de ce verdict manifestement manipulé, certaines familles éplorées avaient porté plainte contre les 14 accusés auprès du Tribunal de grande instance de Paris, en France, en vertu de la compétence universelle reconnue à ce tribunal par des juridictions internationales. A la suite de cette plainte, les14 accusés acquittés au procès de Brazzaville avaient été mis en examen et un mandat d’arrêt international avait été lancé contre chacun d’eux. Dans ce cadre, le général Norbert DABIRA avait fait l’objet d’une première interpellation à Meaux par le procureur du tribunal de cette ville, procureur que le président congolais avait qualifié à cette époque de « petit juge de Meaux ». Après lui, c’était au tour du général Jean François NDENGUET d’être arrêté et écroué à la prison de la santé à Paris, puis relaxé un dimanche à 2 heures du matin sur l’intervention personnelle du chef de l’Etat congolais auprès de son collègue français monsieur Jacques Chirac. Croyant sans doute que cette libération du général Jean François NDENGUET avait annulé la procédure en cours, les faucons du pouvoir, le PCT et les autres partis de la mouvance présidentielle, dans l’hystérie collective qui les a toujours caractérisés en pareilles circonstances, viennent une fois de plus de s’en prendre à la justice française, à travers déclarations et meetings, suite à l’interpellation le 22 août 2013 à Paris, du général Norbert DABIRA, pour son implication présumée dans l’affaire des disparus du BEACH de Brazzaville, affaire dont la procédure est pendante au tribunal de grande instance de Paris depuis 2007. La fébrilité du gouvernement congolais, du PCT et des autres partis de la mouvance présidentielle est d’autant plus surprenante que le pouvoir et ces partis s’appuient sur deux très mauvais arguments : l’autorité de la chose jugée et l’ingérence française dans les affaires intérieures du Congo.
• A propos de l’autorité de la chose jugée
Pour rappel, en réponse à une requête en annulation de la procédure judiciaire ouverte en France sur l’affaire des disparus du BEACH de Brazzaville, requête introduite auprès d’elle par le gouvernement congolais, la Cour internationale de la HAYE, avait, par un arrêt du 17 juin 2003, débouté le gouvernement congolais, autorisant du coup la justice française à poursuivre ses investigations sur cette affaire. De même, en 2007, la Cour de cassation de Paris avait retoqué une autre tentative du gouvernement congolais de faire annuler la procédure ouverte en France sur l’affaire des disparus du BEACH. C’est dire que cette procédure est non seulement conforme aux dispositions du droit international, mais aussi, qu’elle est pendante depuis 2007, et le pouvoir congolais le sait très bien. Du reste, en 2011, à la demande du gouvernement congolais, une mission des Nations Unies avait travaillé avec les autorités congolaises sur le problème des disparitions forcées. Cette mission avait recommandé, en ce qui concerne l’affaire des disparus du BEACH de Brazzaville, la poursuite des investigations jusqu’à l’établissement des responsabilités collectives et individuelles. Cette recommandation montre clairement que l’affaire des disparus du BEACH n’est pas close. Il n’est donc pas étonnant que le Tribunal de grande instance de Paris poursuive ses investigations sur cette affaire. D’où vient que le ministère congolais de la justice oppose à la justice française l’argument de l’autorité de la chose jugée et accuse la France d’acharnement contre le Congo ?
• A propos de l’ingérence de la France dans les affaires intérieures du Congo
Il y a dans l’argumentaire du pouvoir congolais un paradoxe entre, d’une part, la critique d’ingérence dans les affaires intérieures du Congo, formulée par le pouvoir congolais à l’encontre de la justice française, lorsqu’il s’agit de la manifestation de la vérité sur l’affaire des disparus du BEACH et sur l’affaire des Biens Mal Acquis, portées devant les tribunaux français, et d’autre part, les recours introduits par le même pouvoir congolais auprès de la même justice française, notamment en 2007 (pourvoi en cassation de la procédure sur l’affaire des disparus du BEACH) et en 2013 (pourvoi en cassation en préparation sur l’affaire du rapatriement des restes de Pierre SAVORGNAN De Brazza en Italie). Sur cette dernière affaire, nous dénonçons l’instrumentalisation, par le pouvoir, de la reine NGALIFOUROU qui n’était pas partie au contrat signé entre l’Etat congolais et la famille De Brazza.Qu’est-ce que la reine NGALIFOUROU vient faire là-dedans ? Et quel objectif poursuit le gouvernement congolais en la mettant en première ligne dans sa défense, surtout que les engagements pris au nom de l’Etat n’ont pas été respectés ? Quant au PCT et aux autres partis de la mouvance présidentielle qui organisent des meetings pour empêcher la manifestation de la vérité sur les massacres du BEACH de Brazzaville, ils se font complices des crimes contre l’humanité. Les membres de la majorité présidentielle ne se rendent pas compte que défendre la justice, les droits et libertés est un devoir citoyen. Il n’y a aucun patriotisme à faire l’apologie du crime. Défendre la justice, les droits et libertés n’est pas synonyme de « prendre le parti de l’étranger » comme l’indiquent ceux qui se sont inscrits dans le « parti du crime ». Dans le même esprit, en assimilant abusivement à un procès contre le Congo et son peuple, l’information judiciaire ouverte en France, à titre individuel contre le président Denis SASSOU-NGUESSO et sa famille pour des biens qu’ils ont acquis sur le territoire français, le PCT et les autres partis de la mouvance présidentielle, non seulement entretiennent sciemment la confusion pour mystifier les Congolais, mais encore et surtout, se font complices des crimes économiques commis par la famille régnante en détournant à son profit les deniers publics. Ils se posent en défenseurs du crime et des criminels. De quel droit le gouvernement congolais, le PCT et les autres partis de la mouvance présidentielle peuvent-ils prétendre refuser à monsieur TOUANGA, (Congolais de souche qui détient des preuves palpables que son fils a été froidement exécuté, alors qu’il était sorti sain et sauf du BEACH de Brazzaville et embarqué dans une direction inconnue), de quel droit, disions-nous, peuvent-ils lui refuser le droit d’ester auprès d’une juridiction indépendante et dotée d’une compétence universelle, tel le Tribunal de grande instance de Paris ? Après le général DABIRA qui s’est présenté spontanément à la justice française, un autre accusé de la tragédie des disparus du BEACH s’est déclaré prêt à répondre aux convocations du Tribunal de grande instance de Paris en l’occurrence le Colonel Marcel NTSOUROU. Honneur à eux ! Nous souhaitons que leur exemple soit suivi par les autres accusés de l’affaire des disparus du BEACH, afin de faire définitivement la lumière sur ce crime contre l’humanité. Le Congo en sortira grandi. Le Collectif des partis de l’opposition congolaise encourage le Tribunal de grande instance de Paris à poursuivre ses investigations sur l’affaire des disparus du BEACH et sur l’affaire des biens mal acquis. Il dénonce avec la dernière énergie les acteurs politiques congolais qui choisissent de défendre le crime. Un tel choix est une incitation à la perpétuation de l’impunité qui ne peut être que l’apanage des Etats voyous et des régimes criminels. Le Collectif rappelle que face aux multiples tragédies qui ont endeuillé le Congo et déchiré son tissus social, seules la manifestation de la vérité et la pratique réelle d’une justice égale pour tous, peuvent contribuer à la réconciliation nationale et à une paix véritable dans notre pays. Fait à Brazzaville, le 25 septembre 2013
Le Collectif des partis de l’opposition congolaise