À l’occasion du 58e anniversaire de l’indépendance de notre pays, la Nation toute entière attendait du message traditionnel du 15 août une parole ; celle qui apaise, celle qui rassemble, celle qui construit des passerelles. Nous attendions de lui, qu’il parle de paix véritable, de réconciliation nationale, de sécurité individuelle et collective, de défense des droits et libertés du citoyen. Nous attendions de lui la libération de tous les prisonniers politiques qui croupissent dans les géôles du pouvoir pour n’avoir commis aucun crime si ce n’est celui d’exercer leurs droits civiques en réclamant l’alternance démocratique. Nous attendions de lui qu’il ait à coeur la principale mission d’un Chef d’État, la protection des personnes et des biens et se faisant qu’il dénonce les crimes de Chacona et tous les autres qui ont endeuillé nos familles en ordonnant la traduction devant la justice des coupables et non pas en féliciter les auteurs. Nous avions seulement eu droit à un silence éloquent qui prouve à suffisance l’échec patent du pouvoir, incapable de proposer des vraies solutions de sortie de crise. En fait, en dehors de la violence du canon, le pouvoir n’a pas de solution. Comment le pourrait-il puisqu’il est lui même le problème ? C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs, les directions politiques de la Fédération de l’Opposition Congolaise et du Collectif des Partis de l’Opposition congolaise rendent public ce jour 17 août 2018, la déclaration solennelle dont la teneur porte sur les dimensions et la voie pacifique de sortie de la grave crise que traverse notre pays. Cette crise revêt un caractère à la fois politique et sécuritaire, économique et financier, socio-culturel et moral. Sur le Plan politique et sécuritaire Force est de constater que le consensus politique national issu de la Conférence Nationale Souveraine de 1991 a commencé à se dégrader progressivement dès 1992 pour atteindre le point culminant avec le coup d’Etat de 1997. Le référendum anticonstitutionnel contesté du 25 octobre 2015 et la mascarade de l’élection présidentielle anticipée du 20 mars 2016 ont parachevé la fin de la démocratie et de l’État de droit. Depuis lors, le Congo vit sous le diktat d’un pouvoir illégal et illégitime qui s’impose par la violence des armes, en atteste la guerre du Pool orchestrée dans le seul but de conforter le holdup électoral du 04 avril 2016. Elle a causé des dégâts et matériels considérables : des milliers de disparus dont 1300 morts recensés, plus de 320 villages ravagés et pillés, environ 180 000 personnes déplacées, femmes violés et traumatisées, scolarisation des enfants fortement perturbée. Cette guerre aussi cruelle qu’inutile se termine comme elle a commencé, sans raison avouable et surtout, selon le pouvoir de Brazzaville, sans responsable et sans coupable. La situation de la force publique est préoccupante, particulièrement au sein de la police désormais détournée de ses missions traditionnelles. En effet, composée majoritairement de supplétifs recrutés et destinés à la protection des seuls intérêts des tenants du pouvoir, la police agit en toute impunité et en violation flagrante des lois et règlements de la République. C’est le règne de la terreur, en témoignent la récente rafle puis l’assassinat crapuleux de 13 jeunes lycéens, étudiants et travailleurs au commissariat de Chacona, tout comme les assassinats fréquents dans les grandes villes. Les droits civiques et politiques sont constamment violés. On assiste au quotidien à des enlèvements, tortures, arrestations arbitraires, emprisonnement des opposants et des journalistes, procès politiques staliniens et condamnations politiques sans fondement suivies de conditions carcérales moralement exécrables. La confiscation de la démocratie se traduit en outre par la volonté manifeste d’exclure du débat et du champ politique les partis de l’opposition réelle, celle qui refuse de faire allégeance au pouvoir. Pour cette opposition, tout rassemblement public et toute marche pacifique sont interdits ou réprimés dans le sang. Le régime s’est attelé à la fabrique d’une opposition choisie et sur mesure qui l’accompagne dans l’exercice du pouvoir pour faire illusion. La justice est inféodée au pouvoir exécutif qui s’en sert pour régler des comptes aux adversaires politiques. Les médias publics sont transformés en instruments de propagande et de culte de la personnalité. Les journaux indépendants sont censurés. Tout est mis en oeuvre pour empêcher l’alternance démocratique. Le pays est dans un état de siège prolongé qui ne dit pas son nom. Sur le plan économique et financier Comme c’est le cas pour tout pays qui n’est plus en mesure de faire face à ses engagements notamment les charges incompressibles : salaires, pensions, bourses et services de la dette extérieure et intérieure, etc., notre pays est en cessation de paiement. Le Congo est bel et bien en banqueroute. C’est une véritable faillite et les dirigeants ont dans ces conditions failli. Le gouvernement peine à conclure un programme avec le FMI depuis deux ans. En effet, si le Congo a bien obtenu le principe d’un accord technique avec le FMI lors de sa dernière revue d’Avril 2018, sa validation par le Conseil d’Administration reste conditionnée par la mise en oeuvre des réformes audacieuses et immédiates. Il s’agit principalement de la restructuration de la dette, c’est à dire sa renégociation auprès des principaux créanciers, les traders pétroliers et la Chine en vue de la rendre soutenable, de l’audit général de la gouvernance des structures clés : Société Nationale des Pétrole du Congo “SNPC”, ancienne Direction Générale des Grands Travaux “DGGT”, Trésor Public et Caisse Congolaise d’Amortissement “CCA”. La gouvernance de ce pouvoir se caractérise par une gestion scabreuse des finances publiques : détournements à grande échelle des deniers publics, enrichissement personnel illicite et appropriation privative des biens de l’État, gestion mafieuse de la SNPC et de ses filiales, opérations opaques dites des “grands travaux”. Les congolais croupissent dans une misère indescriptible tandis que les excédents budgétaires de plus de 14 mille milliards de FCFA engrangés depuis 2003 ont pris la direction des paradis fiscaux. On dénombre plus de 60 congolais membres ou associés du clan dans le scandale Panama Papers, qui du reste ne sont nullement inquiétés. En dépit de l’augmentation de la production du pétrole et du relèvement actuel du prix du baril, les conditions de vie des congolais ne changent guère, à cause d’une économie non diversifiée, de la mal gouvernance, de la corruption et d’un endettement estimé à plus de 120% du PIB auquel il faut ajouter la dette intérieure. Le pays est totalement exsangue. Par ailleurs, sa situation économique et financière catastrophique avec une illiquidité générale croissante et un épuisement quasi-total des ressources de change internationales met en danger l’ensemble de la zone CEMAC. Sur le plan socio-culturel et moral La négation des valeurs de la démocratie et des droits humains ainsi que la mauvaise gestion des ressources de l’État se traduisent par une situation sociale préoccupante. Le chômage connait une croissance vertigineuse avec la fermeture de plusieurs entreprises. La crise génère l’incertitude du lendemain et favorise l’émergence des fléaux comme le vol, l’arnaque, le banditisme, la débauche, le viol et autres formes de violence et d’insécurité sur les personnes et les biens. De même, les travailleurs des collectivités locales, de l’Université, du CHU et autres structures à budgets de transfert, les retraités accusent plusieurs mois d’arriérés de salaire et de pension. Le Congo vit un vrai paradoxe : ceux qui ont longtemps travaillé deviennent de plus en plus pauvres, tandis que certains qui n’ont presque jamais travaillé deviennent de plus en pls riches. Les étudiants de l’Université Marien Ngouabi et ceux qui sont à l’étranger cumulent plus de deux années d’arriérés de bourse. Les années académiques désarticulées. L’éducation est à l’abandon. L’école congolaise est marquée par une forte insuffisance de structures d’accueil, les classes sont surpeuplées avec des moyennes qui atteignent 100 à 150 élèves par salle. Le déficit en enseignants formés est élevé. Les enseignements sont dispensés par des “Volontaires” sans formation payés par les parents d’élèves et autres mécènes privés à des cadences aléatoires. Il s’en suit une baisse drastique du niveau général de l’enseignement. Le taux d’échec scolaire aux examens d’État ne cesse d’augmenter chaque année. L’offre du service de santé s’est dégradée. La maladie et la mort sont partout. Les structures de santé manquent de personnels qualifiés, de matériels appropriés et de médicaments de base. Pendant ce temps, les fonds publics sont détournés au profit d’initiatives privées préfigurant une dévolution monarchique du pouvoir. Les aliments de compléments conformes aux normes de l’UNICEF et de l’OMS sont essentiellement importés et inaccessibles à la plupart des ménages congolais. 88% des ménages sont ainsi en insécurité alimentaire modérée ou sévère, ce qui se traduit par la malnutrition de 90% des enfants en bas âges. La situation nutritionnelle est particulièrement grave chez les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes et allaitantes. Les taux de morbidité et de mortalité ne cessent d’augmenter dans toutes les classes d’âges. Un État qui ne respecte pas les règles démocratiques et qui reste insensible à l’humain est voué à l’échec et vit dans une totale immoralité. Un pouvoir qui a fait des antivaleurs un mode de gouvernance ne peut se prévaloir de la moralisation de la vie publique. Les incantations, même à répétition n’y suffiront pas. Fort de tout ce qui précède, convenons que le Congo, notre pays est totalement bloqué. Comment sortir alors de cette crise multidimensionnelle ? Pour les deux principales composantes de l’Opposition congolaise, la tenue consensuelle d’un dialogue politique inclusif avec la facilitation de la Communauté internationale, est la seule et unique solution pacifique de sortie de crise. Cette démarche concertée nécessite l’identification des forces en présence, la mise en place d’un comité préparatoire paritaire et la définition du contenu du dialogue envisagé. En ce qui concerne les forces en présence, il s’agit d’un côté, des tenant de la mouvance présidentielle et ses alliés et de l’autre côté, toutes les forces citoyennes engagées dans le combat de libération du pays en vue de la restauration de la démocratie et de l’État de droit. La mouvance présidentielle et ses alliés entendus comme :
- les entrepreneurs politiques du PCT et leurs alliés qui ont coûte que coûte soutenu le changement de la Constitution du 20 janvier 2002 pour permettre au Président sortant de briguer de nouveaux mandats :
- les acteurs politiques qui ont pris acte des résultats de la mascarade de l’élection présidentielle anticipée de mars 2016 et qui accompagnent actuellement le pouvoir sous le couvert d’une opposition constitutionnelle.
Les tenants de l’Oppositions réelle qui comprennent :
- La Fédération de l’Opposition congolaise et le Collectif des partis de l’Opposition congolaise ;
- toutes les forces politiques et sociales qui contestent le changement de Constitution à des fins personnelles, condamnent le holdup de l’élection présidentielle anticipée de mars 2016, la guerre du Pool et exigent la libération de tous les prisonniers politiques, dont deux anciens candidats à la dernière élection présidentielle. Dans un souci d’apaisement politique, de consensus républicain et de responsabilité partagée, une concertation restreinte des représentants des deux forces politiques en présence s’impose pour mettre en place un Comité préparatoire paritaire facilité par un groupe de contact constitué par la Communauté internationale.
Ainsi constitué, ce Comité préparatoire devrait être présidé par une personnalité nationale de notoriété et de probité reconnues par tous, ou co-présidé par les représentants des deux parties sous le parrainage du groupe de contract international. Il aurait pour missions de définir les critères de participation, le projet d’ordre du jour, le calendrier des travaux. Le dialogue politique inclusif devrait essentiellement porter sur les problèmes de gouvernance institutionnelle et politique, électorale, économique, financière, le traitement des questions sociales, sécuritaires et la garantie des libertés fondamentales. Il devrait nécessairement aboutir à un compromis politique. Les conclusion du dialogue seraient mises en oeuvre par un gouvernement et un parlement de transition mis en place de commun accord entre les parties. En résumé, les deux composantes de l’Opposition congolaise en appellent au sursaut national et patriotique pour faire aboutir la démarche pacifique de sortie de crise, afin que notre pays retrouve la voie de la démocratie, de la paix, de la prospérité et sa crédibilité dans le concert des Nations. Dans cet élan, elles refusent toute participation ou implication dans la mise en place des institutions aussi bien illégales qu’illégitimes résultant d’une constitution contestée, qui par ailleurs, n’a jamais fait l’objet d’un débat public. Le Collectif des partis de l’Opposition congolaise et la Fédération de l’Opposition congolaise invitent la Communauté Internationale à se mobiliser pour aider au sauvetage du Congo. En effet la situation est alarmante, ne rien faire est synonyme de non assistance à un peuple en danger. Fait à Brazzaville, le 17 aôut 2017 Pour la Fédération, La présidente Claudine Munari Pour le Collectif Le Président Mathias Dzon