Denis Sassou Nguesso devant la panne prolongée de l’ascenseur social au Congo

Depuis octobre 1997, notre pays le Congo-Brazzaville ressemble fort malheureusement à un Titanic dont l’équipage, l’autocrate Denis Sassou Nguesso et son clan, irait droit vers l’iceberg, le sachant et le voyant mais ne trouvant rien pour l’empêcher. Corruption, malversation des finances publiques, gaspillage de toute sorte, absence de vision à long terme, tribalisme et régionalisme accentué, pauvreté, misère économique et sociale, dépravation des mœurs, crise culturelle, etc…

Les crises s’accumulent dans une confusion du sens et une perte de repère dont aucune force ne semble capable de dénouer les fils, à l’exception des tenants de la régression la plus obscure vers le plaisir d’embourgeoisement et d’enrichissement illicite dont le pacte ethnique et régional veut conserver le pouvoir en usant des méthodes machiavéliques.

Tous les gouvernements successifs incarnés par l’autocrate congolais Denis Sassou Nguesso (depuis plus de 30 ans) font nettement apparaître des inégalités intergénérationnelles au détriment des nouvelles générations qui subissent une remise en cause de la dynamique d’ascension sociale. (1)

De par sa durabilité, cette panne de l’ascenseur social induit dans la société congolaise une fragilisation de fond, et de fortes incertitudes qui ne se résorberont pas spontanément. Ce qui a long terme nuira gravement au décollage économique tant souhaité.

Cette panne de l’ascenseur social engendre une période de chômage de masse puisque les emplois ne sont pas libérés ou créés. De ce fait, les jeunes générations connaissent des fractures générationnelles qui sont caractérisées par la remise en cause de leur position économique relative, des déclassements sociaux plus fréquents et une marginalisation dans l’accès au politique.

A – La Classe politique des « quinquas », un mal profond de la société congolaise

Denis Sassou Nguesso est passé « Président papa Bonheur » à un maître des entourloupes  tout azimut au Congo à travers des discours creux de la « nouvelle espérance » et du « chemin d’avenir » qui sont des clés qui expliquent l’enlisement de la société congolaise dans la morosité actuelle. Si le Congo n’avait pas de pétrole, l’économie congolaise serait au fond du gouffre. Le classement du Congo en 2013 dans le tableau « doing business » est un portrait expressif d’un pays qui a du mal à innover et à porter un regard neuf et rafraîchissant en refusant de se projeter dans l’avenir, en se cramponnant sur des recettes politiques, économiques et sociales dépassées, décriées pour un pays dont la quête est de devenir émergent en 2025.

L’un des freins de l’enlisement du Congo est la panne prolongée de l’ascenseur social.

Au Congo, la réussite sociale ne dépend nullement des fondements de notre pacte républicain. Elle dépend des clivages ethniques, régionaux et politiques. Un système instauré par les ténors du clanisme qui broient sévèrement toute volonté de remise en cause statut quo.

Une photographie exhaustive des membres du gouvernement et des hauts cadres de notre pays fait apparaître que l’éducation, traditionnellement considérée comme un pilier de l’ascenseur social, ne convainc plus les congolais. Elle conclue à un renforcement des inégalités et du bourbier commun. Le pouvoir détourne les aspirations profondes de notre tradition, par l’intermédiaire des « rencontre des sages »,  en des messes mystiques  à la gloire de Sassou.

Le maintien en place de cette classe politique dont nombreux ont dépassé l’âge de la retraite et d’autres ayant suffisamment apporté la preuve de leur inefficacité, brillé par le gaspillage et les détournements des fonds publics est une des plaies qui gangrène la société congolaise.

Une illustration cinglante pour justifier nos propos. Les  hommes politiques tels que: André Obami Itou (né le 26 septembre 1940 à Epouéné près de Gamboma, 74 ans) président du Sénat et membre du bureau politique du PCT; Henri Lopes (77 ans) l’actuel Ambassadeur du Congo en France depuis plus de16 ans, est depuis 46 ans dans les affaires au Congo. Louis Sylvain Goma, ambassadeur du Congo au Brésil, ancien général à la retraite et homme politique congolais (République du Congo), né le 24 juin 1941 à Pointe-Noire. Il a été Premier Ministre de 1975 à 1984 et en 1991 en présidant le présidium provisoire des travaux de la conférence nationale au point de la rendre souveraine. Claude Ernest Ndalla alias Graille (77ans) Conseiller politique du Président Denis Sassou Nguesso a fait de la politique sa carrière qui a débuté dans les années 1960 est toujours présent aux affaires depuis quatre ou cinq décennies au grand dam des jeunes qui piaffent d’impatience pour les remplacer.

Le renouvellement de la classe politique au Congo est-elle à l’ordre du jour ?

Le « Chemin d’Avenir », programme politique de Denis Sassou Nguesso ne laisse que peu de place aux jeunes talents de s’exprimer. Sassou Nguesso aime travailler avec les caciques dociles et serviables à merci. Pire depuis des décennies, on observe un recyclage des retraités comme Hilaire Moutault (Médiateur de la république), Placide Lenga (Président de la cour suprême), Aimé Emmanuel Yoka (Ministre de la justice), Justin Koumba (président de l’assemblée), Lambert Réné Ndouane (vice-président du sénat), Jean-Marie Tassoua (président du Conseil économique et social), Rodolphe Adada (Ministre des transports et de la marine marchande), Marie Jeanne Dambenzet (Vice-président du conseil économique et social), Albert Ngondo (TPG- Trésorier payeur général), Mamadou Dékamo (Ambassadeur du Congo en Italie), Jean Alfred Onanga (DG des Douanes) et bien d’autres…

Le recyclage des retraités n’est pas seulement l’apanage des fonctionnaires civils, il concerne également des fonctionnaires retraités de la force publique, à l’instar de : Florent Tsiba (Ministre de la sécurité sociale), Pierre Oba (ministre des mines), Jean-Dominique Okemba (Conseil National de Sécurité), Jean François Ndenguet (Directeur de la Police), Bonaventure Engobo (colonel à la retraite, vice-président du Conseil National de Sécurité en remplacement du Colonel Marcel Ntsourou), Théophile Ilobakima (colonel à la retraite, ancien Directeur Régional de la Police au Kouilou, présentement représentant du Conseil National de Sécurité au Kouilou), Lambert François Elenga-Onimba alias Emerson (colonel à la retraite, ancien directeur régional de la police au Kouilou, présentement représentant du Conseil National de Sécurité au Niari), Philippe Longonda (général à la retraite, Ex-DG de l’équipement de l’armée, évincé en 2000 pour des présumées malversations lors d’achats de tenues militaires, est un homme d’affaires très actif, nommé conseiller aux affaires stratégiques du ministre des affaires étrangères Basile Ikouébé), Albert Otina (colonel à la retraite actuellement recyclé en qualité de directeur de la CREF)…

Cette liste n’est pas exhaustive, car on ne peut citer tous les ministres, les hauts fonctionnaires militaires et civils recyclés par ce pouvoir moribond, vieillissant  et dont la parité à sens unique est le leitmotiv gouvernemental.

Du moment où partout au monde on parle du renouvellement  de la classe politique et des élites, au Congo, on continue toujours avec les mêmes qui n’ont brillé que dans la médiocrité, l’immobilisme et l’inaction.

La frilosité au renouvellement des élites au Congo, impose aux Congolais à n’être dirigés que par des vieux qui sont déphasés de 180° de la modernité, qui ne sont plus en phase avec les logiciels actuels  qui prônent le changement et le développement pour que le Congo puisse devenir émergent dans les décennies à venir.
La moyenne d’âge de la classe politique Congolaise étant de 50 ans et la majorité des postes de responsabilité dans l’administration sont occupés par des « quinquas ».

En sanctuarisant ainsi ces postes, le pouvoir abandonne à elle-même la jeunesse Congolaise.  Le Pays ne forme plus les cadres, l’élite congolaise est à l’étranger, le refus d’aller en retraite de tous ces quinquas entraîne des dysfonctionnements volontairement instaurés et une paralyse totale dans le processus de développement du pays. On ne le dira jamais assez, Il est temps qu’une nouvelle classe politique, du pouvoir à l’opposition, émerge au Congo et aspire à présider dans les jours à venir au destin du  pays.

B –  Les jeunes congolais ne croient plus à l’ascenseur social

Notre pays, le Congo, peut-il se moderniser si le critère sociétal de sélection qui inspire Denis Sassou Nguesso est le maintient de cette classe politique vieillissante à des postes clefs de la gouvernance? Serait-ce un choix responsable ou un acte délibéré pour maintenir le Congo dans les bas fonds de la misère pour avoir une main mise sur tout objectif visant l’alternance?

Depuis plus de 30 ans, nous avons les mêmes acteurs politiques qui sont incapables d’apporter le moindre changement dans le pays. On continue à vivre les mêmes injustices,  rien ne prédit qu’une amélioration se profilera dans un avenir proche. Au lieu de laisser la place à la jeunesse, ils continuent à s’incruster et à faire plonger le pays dans l’abîme. La longévité des hommes politiques du Congo souvent due à la cooptation, au tribalisme et au régionalisme n’est plébiscitée que par les partisans qui prônent le recul, l’oisiveté, la médiocrité, l’immoralité au sommet de l’état.

Patrick M. 28 ans, habitant à Poto-Poto exprime sa colère et son dégoût en ces termes : « Ils sont en poste, aux affaires avant ma naissance et, ils sont toujours là. Qu’est-ce que ces hommes et ces femmes politiques donnent au président Sassou Nguesso pour qu’ils les maintiennent si longtemps à leurs postes ? »

Jean Paul S. 21 ans, étudiant à l’université Marien Ngouabi ne comprend pas que « ces papis qui ont, pour certains mis en faillite le système scolaire et les entreprises d’état qui florissaient soient pris pour des modèles et continuent à servir aux hauts postes de notre pays ? » D’autres personnalités malades, fatiquées ont des difficultés même à se lever le matin pour rejoindre de manière effective leur poste de travail renchérit-il.

Serge K. 36 ans en chômage, a du mal à comprendre qu’une personnalité comme Louis Bakabadio qui a participé à la rédaction du plan quinquennal 1982-1986 et qui a lamentablement échoué faisant du Congo, un pays pauvre très endetté (PPTE) soit toujours conseiller spécial du chef de l’Etat. Si ce n’est pas une ascension par la médiocrité, j’aimerai bien qu’on m’explique.

C’est sans équivoque que le vrai responsable de tout ce désordre sociétal est Denis Sassou Nguesso qui a refusé de procéder au renouvellement du personnel politique à des fins égoïstes. Il est impensable qu’une personnalité décide elle-même de rester longtemps à son poste. Mais c’est le président de la République qui maintient des femmes et hommes,  parfois contre leur gré comme on l’a vu dans certains cas, dont il est convaincu de leur serviabilité sans faille pour garantir  ses intérêts.

Au regard des faits illustrés, l’on comprend que la réussite sociale, le bien-être des Congolais et l’émergence économique et sociale du Congo en 2025 soient une illusion, une utopie. Une vue de l’esprit des quinquas qui s’abordent l’avenir de la jeunesse congolaise.

Entre ce qu’il est habituel d’appeler la « panne de l’ascenseur social » et les difficultés des « nouvelles générations », en particulier les risques croissants de déclassements qui lui sont spécifiques à cette classe de dirigeants qui ne veulent pas partir à la retraite et qui pensent toujours qu’ils détiennent des recettes miracles qui sortiraient le Congo de la misère et la pauvreté, le peuple continue à subir de plein fouet les affres des inégalités sociales.

Tout observateur de la vie politique, économique et sociale du Congo, ne peut plus faire confiance à cette génération « en creux » de baby-boomers, faute d’espoirs communs, de projets, de visions d’avenir, de structuration, et d’unité. Cette génération cramponnée au tribalisme, à la corruption et à l’enrichissement personnel est culturellement sans homogénéité objective. Elle est en même temps profondément révélatrice de la crise de transition profonde que traverse la société congolaise, marquée par l’échec de l’idée de progrès, le déferlement des incertitudes et une fragmentation nouvelle.

Les élections de 2016 devront constituer une charnière pour rompre avec cette vision personnelle et égoïste de la société congolaise. 2016 doit être un appel au sursaut afin de trouer l’épais brouillard qui, aujourd’hui, voile l’espérance de la jeunesse et du Congo. Le peuple congolais doit dire massivement non à ces quinquas pour inventer un avenir merveilleux.

D’où l’émergence d’une « nouvelle génération » doit apparaître et prendre en main les destinées du Congo pour promouvoir un dynamisme économique et social afin de rompre avec l’assistanat, la misère et la pauvreté.

En 2016, toute cette génération située sur la crête du tribalisme, la pauvreté et la misère au Congo doit être mise définitivement à la retraite.

Un travail d’information et de pédagogie doit se faire envers les Congolais pour qu’ils s’attendent à l’avènement de nouvelles générations marquées par des caractéristiques différentes. Il est nécessaire qu’un travail de fond doive se faire pour préparer cette révolution. Il ne s’agit pas non plus de se surestimer ni encore moins de barder de complexe.

Nous devons anticiper tout en se gardant d’enthousiasmes prématurés. Les espoirs issus des nouveaux champs pétroliers (Moho Bilondo Nord), des gisements minéraliers (Mayoko, Zanaga, Ouesso),  des nouvelles technologies et concept futuriste (les produits high tech qui vont révolutionner notre vie quotidienne dans les prochaines décennies) sont des indices édifiants à un retour de la croissance, pour avoir un impact véritable, pouvant s’inscrire sur le long terme. Il faut également intégrer les aspects tout à la fois relatifs et absolus du développement du Congo. (2)

La nouvelle génération devra éviter les erreurs du passé dans la redistribution des produits de la croissance. Selon le rythme de la croissance réelle, la taille de la part de gâteau qui reviendra à chaque région pour l’acquisition et le développement des infrastructures. Cette redistribution devra être équitable pour chaque congolais. Un rebond durable de la croissance offrirait aux générations à venir des conditions meilleures de mobilité sociale ascendante en termes absolus, tout à la fois par rapport aux parents et par rapport au diplôme pour qui les conditions d’insertion soient attrayantes.

Le président Alphonse Massamba-Débat, cet homme d’état visionnaire, avait réussi à changer le secteur économique et social en peu d’années de gouvernance. La nouvelle génération de Congolais, en 2016 et au-delà devra s’en inspirer, pourquoi ne pas faire mieux.

Chris Abela, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

(1) –  L’ascenseur social est une métaphore qui permet d’expliquer au grand public la mobilité sociale, c’est-à-dire le changement de statut social des individus ou de groupes sociaux au cours du temps. Pitrim Sorokin est un sociologue américain qui a défini la mobilité sociale comme « le phénomène du déplacement d’individus dans l’espace social ». Il est le pionner de la sociologie de la mobilité sociale. Ce terme est surtout employé pour parler de l’ascension sociale.

(2) – Congo-Brazzaville : Un bilan en trompe œil 2 : Quelle politique de redistribution sociale des richesses ?

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Source Lettre du Continent N° 678 du 12 mars 2014