Exhortation au dépassement de soi en donnant la priorité au Congo Brazzaville

jm-bitoulou-300x292-5260722 Jean Marie BITOULOU

Par  :  JEAN MARIE BITOULOU

  IL y a 58 ans, le CONGO-BRAZZAVILLE accédait à la souveraineté nationale et internationale par une indépendance nominale .Deux ans auparavant c’est à dire le 28 novembre 1958, le CONGO avait été érigé en REPUBLIQUE bénéficiant d’une autonomie relative  dans le cadre de la communauté avec la France. Déjà entre 1954 et 1956 avec la loi « Gaston Deferre », le CONGO est en effervescence. Le mouvement socialiste africain(MSA), le parti progressiste congolais  et plus tard, l’union démocratique pour la défense  des intérêts africains (UDDIA)  vont se « disputer » l’espace politique ainsi ouvert : le problème de l’alternance dans le cadre des frémissements de la démocratie prend souvent une tournure d’un pugilat à POINTE NOIRE, capitale du MOYEN-CONGO où siégeait l’assemblée territoriale. La majorité, dans cette assemblée, ne tenait qu’à une voix. C’est pourquoi, une première fois, lorsque Mr NARDON, députe de l’UDDIA fait défection et rejoint l’autre camp, le MSA devient majoritaire ; quelque temps après, Mr YAMBOT quitte Le MSA et regagne l’UDDIA, la majorité rebascule ; Le leader du MSA le prend mal et des échauffourées éclatent et culminent avec la guerre civile de 1959. La République proclamée en 1958, qui peut être considérée comme une transition systémique, aurait dû  être une préparation à la gestion de la cité pour les congolais, a accouché des casseroles, qui depuis lors, n’ont pas cessé de faire du bruit, un bruit qui traverse les 58 ans d’indépendance .Des altercations devenaient de plus en plus fréquentes au point où F. YOULOU déplaça la capitale de POINTE NOIRE à BRAZZAVILLE. La perte du pouvoir ou l’échec à une élection est vécue comme une défaite personnelle et non comme un ordre normal des choses induit du jeu démocratique. D’où un cycle de violences qui émaillent l’histoire politique du CONGO.

Dressés comme les « chiens » de PAVLOV, les hommes politiques trouvent toujours prétexte à tout pour réclamer la mise en place d’un gouvernement  d’union nationale :accident ferroviaire, match de football qui se solde par une bagarre entre supporters, une crise financière…tout est une occasion pour l’opposition de l’heure de vite entrer au gouvernement ; ces hommes politiques vivent difficilement le fait d’être en dehors du pouvoir dont ils ne veulent que capter les moyens et les attributs circulant à l’intérieur. Les membres de l’opposition veulent vite rentrer au gouvernement quel qu’en soit la manière, ceux du pouvoir veulent y rester par tous les moyens, même les plus détestables. On fait peu cas des règles et principes de la démocratie et du bien vivre ensemble. Décidément, ces hommes sont incorrigibles, ils ne peuvent pas attendre que les mandats arrivent à termes d’où le refus/séquestration/mise sous coupe de l’alternance, violences et gouvernement d’union nationale sont devenus le rythme cyclique au CONGO.

Un peuple sans mémoire au sens de documentation/archives est un peuple ahistorique ; il ne saura se poser les bonnes questions de son existence et de sa reproduction et comme le disait Chamberlain déjà » qui vit au hasard, finit au hasard ».

 Sous Fulbert YOULOU, une revendication salariale abouti à un mouvement social qui finit par balayer le pouvoir. L’intention de la création d’un parti unique en fut le catalyseur. Les entretiens postérieurs avec les acteurs de ce mouvement ne ressortent rien de substantiel qui pouvait justifier la révolte populaire, et le président YOULOU  devient un visionnaire quand sur le départ, il disait :»ceux qui arrivent, ne venaient que pour leur enrichissement personnel ».

Sous Alphonse MASSAMBA-DEBAT, curieusement le parti unique, décrié sous YOULOU, est créé et imposé, semble-t-il pour régler la question de l’unité nationale. Pendant sa gouvernance, le pays a pris son élan économique et se situa parmi les cinq premières économies au sud du SAHARA. Son pragmatisme fut taxé  de socialisme bantou qu’il fallait combattre malgré les résultats probants pour imposer le socialisme scientifique qui, lui-même, se révélera n’être qu’une utopie. Le retournement de ses parents ( Ndalla graille, Ange Diawara…) et les violences occasionnées par l’attaque de l’armée congolaise contre le camp de la météo dit camp Biafra poussèrent le président Massamba-Débat à la démission.

Marien NGOUABI arrive au pouvoir dans l’euphorie, et le socialisme scientifique est de rigueur. L’éphémère boom pétrolier grise les hommes au pouvoir au point où, en 1971, Marien Ngouabi parlera de l’importation de la main d’œuvre au CONGO. Mais les 21 milliards générés par le pétrole se volatilisèrent comme la fumée de la cigarette. Des divergences apparaissent au plus haut niveau suite à une analyse faite par une partie de la direction politique du parti dirigeant en fustigeant les écarts entre le discours et la pratique, ainsi fut construit le concept de l’oligarchie bureaucratico-militaro-tribaliste (OBUMITRI). Des violences éclatent avec le mouvement du 22 février 1972  dit M22. Ayant pris le « maquis » à Goma tsé-tsé, les conjurées seront tués un an après. Sur la question, la conférence nationale(CNS) n’a pas livré une version plausible ; furent ils tués à BOKO à la frontière avec le Zaire de l’époque ou furent ils arrêtés dans ce pays et livrés au CONGO avant leur exécution ? Un jour, des langues se délieront. La révolution commençait à « bouffer » ses propres fils. Après une conférence nationale du parti en 1973, Marien Mgouabi « revient » sur terre avec la déclaration  du 12/12/1975 qui pose le problème de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et que ceux qui s’étaient élevés très haut et trop vite devaient redescendre. Marien Ngouabi n’arrivera pas au congrès de la clarification, il est assassiné le 18 mars 1977. Avait-il été assassiné chez lui, l’arme à la main ou l’avait-il été à l’hôtel le MITRAL  au centre-ville ? Là aussi, la CNS est restée muette.

Jacques Joachim YHOMBI-OPANGO arrive au pouvoir par effraction parce qu’à la mort de Marien Ngouabi, c’est le colonel Sassou- Nguesso Dénis qui détient l’effectivité des leviers du pouvoir ; qu’est ce qui s’était  passé au sein du comité militaire du parti(CMP) ? En tout cas il eut à peine le temps de poser les « fesses » sur le fauteuil présidentiel  qu’ il était rattrapé par la crise qui avait fait glissé le plan triennal concocté sous Marien Ngouabi .Voulant prendre des mesures rigoureuses pour juguler la crise, il est vivement déstabilisé par l’aile gauche du comité central du Parti congolais du travail qui le « débarqua » sans ménagement le 05 juin 1979

Sassou-Nguesso Denis arrive au pouvoir et dans la foulée, il lance un ambitieux plan quinquennal qui «  glissa » aussi vite qu’il avait été conçu, barbotant dans une crise que JAVER PEREZ de CUELLAR qualifia de simple problème de gestion. Le plan d’ajustement structurel( PAS)  et le plan renforcé(PASR) n’étant que la recherche du retour à l’orthodoxie financière mise à mal depuis Marien Ngouabi. Le vent de la perestroïka, la glasnost et le discours de la baule trouvèrent un terreau fertile pour pousser Sassou-Nguesso au partage du pouvoir au travers des conclusions de la CNS. Sassou-Nguesso perdit aux élections libres et transparentes de 1992.

Lissouba Pascal ,le président élu n’eut pas de répit, tant en arrivant au pouvoir que le pays est quasiment en état de cessation de paiement. Malgré des efforts louables dans la réduction des déficits, il ne s’en sortira pas. Il fut éjecté en 1997 à la suite d’une guerre qui n’a d’égal que celle connue au chili où le président Salvador Allende trouva la mort.

Depuis le 15 octobre 1997, le président Sassou-Nguesso est revenu aux affaires. Les problèmes et difficultés actuels, il les connait bien si ce n’est pas lui qui les a occasionnés. Mais ce n’est pas une raison pour laisser le pays aller à vau-l’eau. Aujourd’hui, le CONGO est écartelé entre une crise économique et financière profonde et une crise politique liée à l’organisation des élections dont les résultats sont contestés par une partie de l’opposition .Que faire devant cette situation ? faut il encore faire comme ce qui se fait depuis 1960, c’est-à-dire, sur le dos du peuple, organiser une énième conférence pour ne pas respecter les délais de mandat, fouler au pied les principes et règles constitutionnels  et mettre en place un gouvernement ( d’union nationale, d’ouverture…) dans lequel les habitués de la « mangeoire «  vont s’installer pour la reproduction à l’identique  ?Le  président Sassou-Nguesso connait sa marge de manœuvre dans cette crise. Il a montré sa capacité à conquérir et conserver le pouvoir, mais il doit être conscient que l’on ne prend pas le pouvoir pour le pouvoir, mais surtout pour faire. Il sait aussi que ventre affamé n’a point d’oreille. La crise bat le plein, le rapport de force est en sa faveur mais il doit se rappeler qu’en 1990, à quelques détail près, le CONGO était devant le même dilemme et sait ce qui en avait découlé .De l’autre côté, l’opposition doit faire preuve d’ingéniosité et que  la vie des congolais vaut plus que toutes les causes que l’on prétend défendre. La crise doit focaliser les énergies et la considérer comme un ennemi qui envahi le pays. Serons-nous des « PETAIN » ou des « DE GAULLE » au moment de l’inventaire de l’histoire ? C’est pourquoi, à la place d’une conférence oiseuse, je propose la signature d’un pacte national dans le cadre d’un conclave représentatif. Ce pacte comportera deux volets exécutables concomitamment : d’une part, la signature des termes d’une trêve sociale  et le soutien actif aux réformes inévitables pour la modernisation du pays et la diversification économique et de l’autre, la signature garantie d’un mémorandum portant préparation, organisation  et publication des résultats aux élections futures. Dans le cadre de l’apaisement recherché, la demande de l’élargissement des prisonniers présupposés politiques ne serait que de la redondance. Ce faisant, chacun aura donné un peu du sien au pays en contrepartie de ce que ce dernier nous a donné sans mettre entre parenthèses l’exercice constitutionnel en cours.

Après 58 ans d’indépendance, nous devons être capables de donner un sens à notre histoire commune. C’est pourquoi ,en ce 15 Aout 2018, date de l’indépendance de notre pays, je ne nous souhaite pas bon  anniversaire comme d’habitude mais plutôt ,j’invite l’ensemble de la classe politique à prendre de la hauteur pour être au niveau des enjeux réels pour permettre aux populations aux anthropologies déjà éloignées de vivre en bonne intelligence. Et donc beaucoup de courage et de détermination pour la violence que nous allons nous imposer pour sortir du cercle infernal des violences politiques, du tribalisme, du clientélisme, de l’impunité…et laver cette honte qui allie l’injure et l’insulte devant le colonisateur qui nous a consenti l’indépendance à son corps défendant, mais surtout devant ceux qui, par le sacrifice de leur vie, ont contribué à rendre possible l’aboutissement de cette vieille aspiration de tous les peuples à travers le monde à savoir la liberté.

BRAZZAVILLE, le 14 Aout 2018

JEAN MARIE BITOULOU

Analyste politique