Par : Benjamin BILOMBOT BITADYS
On pourrait regarder la situation en RDC sous l’aune de la Russie de Vladimir Poutine, acteur qui revint au pouvoir après avoir fait semblant de le quitter. Mais on regardera la problématique de la transition en RDC sous le modèle politique de sa petite voisine, le Congo de Sassou, où une mauvaise alliance déboucha sur une terrible guerre civile en 1997. C’était dur.
Franklin Boukaka qui a évolué entre les deux rives du majestueux fleuve Congo qui arrose Brazzaville et Kinshasa n’avait pas si bien été inspiré en intitulant sa chanson « Pont sur le Congo ». En effet, les capitales les plus proches du monde fonctionnent comme des vases communicants. Il n’est d’événement sociologique qui apparaît dans une capitale sans qu’il n’y ait une réplique dans l’autre. Il en est de même des dynamiques politiques. Brazzaville et Kinshasa vivent par mimétisme comme en témoigne, entre autres, la mobutisation du pouvoir par Sassou-Nguesso.
La difficile formation d’un gouvernement
Un mois après sa prestation de serment le 24 janvier 2019, Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo, le nouveau Président de la République Démocratique du Congo (RDC) , qui a fait de la lutte anti-corruption l’une de ses priorités, et qui a marqué le coup en reversant au Trésor Public 163 300 dollars, selon un document de la Banque Centrale de la République Démocratique du Congo, peine à former le gouvernement. Les causes de ce blocage résident-elles dans l’alliance scellée par Félix Antoine Tshisékédi Tsilombo avec le Président sortant Joseph Kabila ? Un mariage de la carpe et du lapin qui rappelle l’accord signé en 1992 au Congo-Brazzaville entre Pascal Lissouba et Denis Sassou Nguesso.
Pascal Lissouba et Denis Sassou Nguesso ayant échoué à constituer le gouvernement, l’alliance avait volé en éclats et avait rapproché Denis Sassou Nguesso de Bernard Kolelas. Ce fut le début de la descente aux enfers de Pascal Lissouba qui aboutira au coup d’Etat du 5 juin 1997. A Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC), Félix Antoine Tshikédi Tshilombo subira-t-il le même sort ? Il rechigne à prendre ses marques et à marquer son territoire. Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo satisfaira-t-il les exigences surréalistes de Joseph Kabila ?
Milices
Joseph Kabila, agent politique à l’ego surdimensionné ayant placé la barre très haut, laissera-t-il les coudées franches à son successeur ? Joseph Kabila semera-t-il des cailloux sur le chemin de Félix Antoine Tsisékédi Tshilombo ? Denis Sassou Nguesso n’avait pas fait de quartier quand il fut question de croiser le fer avec Pascal Lissouba. Les milices cobras de Denis Sassou Nguesso, ninjas de Bernard Kolelas et zoulousde Pascal Lissouba ont vu le jour et se sont affrontées en pleine ville. Sur le plan financier, le mastodonte pétrolier Elf, allier de Sassou Nguesso, a asphyxié Pascal Lissouba. Paris avait multiplié les croc-en jambes à l’endroit du Président élu.
Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo qui a pactisé avec le diable s’alliera-t-il avec Martin Fayulu en vue de contrecarrer les visées hégémoniques de Joseph Kabila ? Equipée d’une tradition de la rébellion, ce sera un jeu d’enfant pour la RDC de voir ses familles politiques de se doter de bras armés. Or, dit l’adage, pour dîner avec le diable, il faut se munir d’une longue cuillère, au risque de se brûler les ailes. Les géants industriels des minerais, prompts de diviser pour régner, voleront-ils au secours de Joseph Kabila pour mettre à genoux le récalcitrant Félix Antoine Tshisékédi Tsilombo susceptible de mettre en cause les contrats géostratégiques comme Lissouba avec ELF dès son arrivée au Pouvoir en 1992 ?
Outre-fleuve
La République Démocratique du Congo (RDC) a connu sa première passation pacifique de pouvoir depuis son indépendance, le 30 juin 1960 avec la proclamation de Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo comme vainqueur de la présidentielle. Succédant à Joseph Kabila qui avait repoussé la date du scrutin à plusieurs reprises, le fils du leader historique Etienne Tshisékédi wa Mulumba devenu Président traîne les pieds. Pourquoi, un mois après, ne parvient-il pas à nommer un Premier Ministre chargé de former un nouveau gouvernement ? Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo est-il victime du syndrome de Brazzaville ?
En visite en Namibie, Félix Tshisékédi Tshilombo a reconnu l’existence d’un deal avec Joseph Kabila pour une transition pacifique du pouvoir. Aurait-il les poings et pieds liés par ce deal qui réduirait sa liberté de manœuvre comme jadis Pascal Lissouba ? Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo serait-il otage du système Kabila ? Joseph Kabila a toujours le contrôle de l’armée, de la police, des Affaires étrangères, de la Justice et des finances. Tshisekedi servirait-il juste d’inaugurer les chrysanthèmes ? Pire : faut-il craindre pour la vie de Félix Antoine Tshisékédi Tshilombo ? Serait-il le « Marien Ngouabi de la RDC » sacrifié pour conserver le pouvoir menacé de passer au camp adverse mais surtout écrasé comme une souris par l’inénarrable ELF ?
Benjamin BILOMBOT BITADYS