Génocide des Laris

genocide-des-laris-300x231-2709137Par Hervé MAHICKA

GENOCIDE DES LARIS

Bien avant la publication du livre, nous nous sommes pris le bec avec Dominique Nkounkou et ses supporters parce que je leur ai demandé de publier ou de me fournir un argumentaire tangible qui soutiendrait en droit et dans les faits l’hypothèse d’un génocide des laris. Puisque j’étais invité à participer à leur démarche, j’ai supposé que c’était un minimum que de savoir de quoi tout cela tien. Si l’argumentaire, c’est à dire le mémorandum ou livre blanc n’est pas prêt, que nous nous mettions au travail pour le constituer. A la fin, nous saurons s’il y’a matière à attaquer ou non. Le génocide est un des crimes les plus difficiles à prouver, et il n’y a que 5 cas aboutis sur une quarantaine de revendications dans le monde. Mais Hélas. Hélas. Hélas (ah les congolais !). Le fait même de poser la question signifiait pour eux que j’émettais un doute quant à la probabilité de ce génocide. Et comme j’insistais sur mon refus de me prononcer sur la simple base des diplômes du porteur du sujet, j’ai été accusé d’avoir été envoyé par Sassou pour le défendre. L’argument facile de tous les congolais à la moindre contradiction et même pour une simple demande d’information. « Tu es lari, il faut croire. D’ailleurs, tu es vraiment lari toi ? on connait ta famille? Tu défends Sassou »
Heureusement que quelqu’un a raconté que je crevais de faim, parce qu’avec tout ce qu’on m’impute, mon nom allait apparaitre bientôt dans les 20 plus grosses fortunes du Congo. Bref, je me suis retiré de ce club. Toutefois, je ne connais toujours pas le dossier sur le fond, donc je ne me prononcerai pas.

Mais tout ce que j’entends comme réaction du pouvoir m’oblige à prendre position sur la forme au moins. En cela, ils sont entrain de confirmer des attitudes génocidaires.

Je ne vois pas sur quelle base juridique se fonde l’interdiction du livre de Nkounkou au Congo, ni sur quelles attributions messieurs les ministres en charge de la communication et de la justice s’érigent-ils en censeurs ? Veulent-ils reproduire les autodafés du temps des nazis ?

De quel privilège légal, Monsieur Asie Dominique de Marseille est-il le seul à avoir le droit de le lire, de le posséder au Congo, pour en être le seul exégète capable de dire du mal de ce que les congolais n’ont pas le droit de lire, et au nom de quoi c’est lui un non lari qui doit expliquer aux gens que les laris se portent bien ou non ? Est-il le chargé de la question lari, comme jadis il y’avait des commis aux affaires juives ?

Le génocide ou l’intention semble être une réalité courante. J’ai lu un journaliste du pouvoir ici en ligne, affirmer que [je cite] « le larisme est une maladie » (capture d’image prise, ça servira). Là ça s’appelle clairement l’apologie du génocide. Les mêmes propos ont été ainsi tenus sur les juifs (une maladie donc à éradiquer, une infection, une tare selon les nazis) et les tutsis (maladie à traiter, cafards). En ajoutant le fait que l’existence même des laris est niée en public, cela signifie la négation d’une humanité, l’envie de voir disparaitre une identité donnée, un groupe défini. C’est là aussi des actes de préparation d’un génocide ou de confirmation d’un idéal génocidaire partagé par un certain clan. C’est grave.

On pourrait ajouter d’autres exemples faisant que ce débat ne fait que commencer et il y a matière à fouiller. On ne peut pas bombarder à l’envie le même endroit habité par le même groupe, sans jamais établir ni justice ni réparation et continuer sa route avec de simples explications de presse, des accords et des discours, comme si ce ne sont pas des humains et dire que le fait que les victimes sont du même groupe est un hasard.

On ne peut pas exclure expressément ce même groupe ici ou là, l’empêcher de parler sa langue, construire toute une mentalité populaire pour le vilipender, le pousser à l’exil, à la famine, à la mort… et continuer comme si rien n’était. Il y’a un projet construit derrière tout cela, une impunité garantie, une éducation à la négation, au mépris et à la torture des laris qui s’est banalisée. Le régime Sassou profondément tribaliste, a érigé ces comportements en réflexes d’Etat. Les ministres laris ne sont que des boys, commis à des sous départements, dans lesquels même les nominations ne dépendent pas d’eux. Je sais de quoi je parle.

Je suis donc d’accord que le débat soit ouvert. Qu’un cahier répertorie les actes, les mots, les hommes et les crimes, les brimades, les contraintes à l’exil, les emprisonnements, les tortures à caractère orienté sur un seul groupe. Ce qui ne signifie pas que les autres crimes perdent de leur valeur. Mais il y a de quoi réfléchir et traiter celui-ci dans le cadre exceptionnel de la volonté d’anéantir un groupe comme l’indique la loi congolaise ainsi que les traités internationaux. Même si ça n’aboutit pas à une condamnation pour génocide proprement dire, des crimes contre l’humanité, des massacres à haute échelle ou autres assassinats de masse pourront être jugés. Et au passage, le bruit et la pression d’une telle démarche pourrait également retenir certaines velléités qui auraient pu nous conduire à pire encore.

Alors quand vous entendrez :
« les laris n’existent pas »; Notez « négation de l’existence d’un groupe par untel à telle date ». Même s’il n’est pas connu. S’ils sont 100 seulement à le dire, ça prouve une idéologie dénigrante, méprisante, largement diffusée. Si c’est « pourquoi les laris parlent leur langue en public », notez. Ca aussi ça constitue un fait de génocide, car il y a intention de voir disparaitre une culture, de la voir cachée, honteuse. Ca constitue aussi les éléments d’un génocide programmé. Les crimes, tout est à noter.

herve-mahicka-300x295-3940656Hervé MAHICKA