justice-pour-le-pool-262x300-7998429 Justice pour le pool

Par :   Eric Patrick MAMPOUYA 

L’histoire du Congo-Brazzaville est jalonnée des retrouvailles grandes ou petites, des accords politiques diverses, des dialogues plus ou moins réussit, de conférences et même de trêves sociales plus ou moins longues. Car nous dit-on, dans la tradition Bantou, il n’y a rien de mieux que le « Mbongui » : Une sorte d’arbre à palabre où la recherche du consensus est souvent souhaité.

Et pourtant, depuis l’indépendance l’histoire se répète sans cesse. Les crises se succèdent aux crises, les guerres civiles se succèdent aux guerres civiles comme si le présent n’était fait que pour préparer les crises et les guerres à venir. La dernière Conférence Nationale Souveraine s’était soldée par un « lavement de main », une sorte de pardon généralisé où les bourreaux pardonnés avaient embrassés les victimes et où les voleurs, les violeurs et les assassins avaient retrouvés une certaine virginité.

« Un peuple qui oublie son passé est condamné à le revivre » nous disait Winston Churchill. Une citation intense de vérité, souvent expérimenté et qu’il faut rappeler chaque fois à ceux qui sont chargés de résoudre les conflits et de gérer la société, pour qu’ils se souviennent et trouvent d’autres solutions que l’oublie ou le pardon. Tourner la page oui, oublier, jamais.

Soyons vigilant car aujourd’hui nous constatons que dans notre pays en particulier et dans bien des endroits du monde, si l’histoire se répète, c’est justement sans doute parce qu’on se désintéresse du passé et qu’il ne faut pas s’étonner de revoir ressurgir les démons d’antan.

Est-ce la première fois qu’il y a une guerre civile au Congo-Brazzaville ?
Est-ce la première fois qu’il y a signature des accords de paix dans ce pays ?
Est-ce la première fois qu’il y a ramassage des armes de guerre ?
Qu’est ce qui garantit au peuple que cette fois-ci ces drames ne recommenceront plus ?

Il est clair pour tout le monde et pour chacun qu’un accord (même mauvais) ou un dialogue qui arrête les destructions, les viols et les morts, vaut mieux que la poursuite des hostilités. Il faut cependant rappeler que, quand LA JUSTICE est absente de ces pourparlers, les vieux démons ne sont jamais loin.

La JUSTICE a plusieurs vertus. La justice a le pouvoir de faire droit à chacun, de récompenser, d’apaiser, de réparer, de punir, d’éduquer et même de civiliser l’individu ou la société. Il n’y a pas meilleur moyen de régler les conflits individuels ou collectifs que la justice. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le procès de Nuremberg fut un haut lieu pour résoudre à jamais les éventuels conflits qui pouvaient ressurgir. Un exemple réussit et à suivre.

Au delà de la fin des hostilités dans la région du Pool, chaque congolais se réjouit que les atrocités qui accompagnaient le « rétablissement de l’ordre publique » cessent enfin, que les déplacés regagnent enfin leurs villages, et que la vie reprenne enfin son cours.

Qui peut croire aujourd’hui que la paix est à jamais revenue dans la région du Pool ? Les stigmates de cette guerre sont encore visibles, il y a eu des destructions, des viols, des massacres. Il serait temps que la justice entre enfin en scène pour établir les responsabilités, pour apaiser, réparer et rétablir chacun dans ses droits. La paix ne se décrète pas, la paix ne se décide pas, la paix se construit toujours, patiemment, jour après jour, et la justice reste le meilleur moyen pour que les cicatrices restent à jamais fermées.

C’est ici l’occasion de réaffirmer haut et fort qu’il n’y a jamais de paix sans justice, notre pays l’expérimente malheureusement tous les jours. Le mot paix avait été chanté à tous les rythmes dans notre pays ; il fut un temps pas si lointain où la « paix chèrement acquise » était déclinée à tous les discours, chanté sur la place publique et repris même dans les églises. Où en sommes nous aujourd’hui ? Certes il y a le ramassage des armes et un dialogue qui se profile à l’horizon.

Peut-on parler de paix dans un pays quand on retrouve des enfants assassinés dans un commissariat et des personnes régulièrement torturés dans les lieux de détention?
Peut-on parler de paix dans un pays quand il y a des prisonniers d’opinions qui croupissent dans les geôles ? Peut-on parler de paix dans un pays quand des journaux de la presse sont interdits sans que la justice ne dise quoi que ce soit ?

AH LA JUSTICE CONGOLAISE

La qualité d’une structure ne vaut que par les individus qui la composent. La justice cristallise tous les espoirs des congolais et on pourrait en parler pendant des heures entières.
En première ligne de toutes les institutions, la justice congolaise aurait pu être la garante du vivre ensemble, mais, dans notre république bananière, il n’y a de justice que le nom.

Les mascarades judiciaires se succèdent aux parodies de justice à cause de la culture de l’allégeance et de la corruption. Comme dans toutes les autres structures de l’État, les bons magistrats et les bons cadres sont mis à l’écart du système pour certains ou poussés à l’exil pour d’autres ; les réformes nécessaires sont dans les cerveaux de chaque congolais mais ne sont hélas pas à l’ordre du jour pour les autorités.

Comme tous les pays du monde, la vie en société peut être source de conflits, c’est le moins qu’on puisse dire. Dans ces conditions, on attend de la justice qu’elle rétablisse chacun dans ses droits, car nul ne peut se faire justice soi-même, on attend aussi de la justice qu’elle protège les intérêts des individus et ceux de la société.

En démocratie, la justice remplit une mission fondamentale de l’État qu’il ne saurait ni concéder ni aliéner. La justice est un service public. Elle est rendue sur le territoire national au nom du peuple.
Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour suprême, la Cour des comptes et de discipline budgétaire, les Cours d’appel et les autres juridictions nationales.

Dans le cas congolais, on peut relever plusieurs incongruités. Relevons-en une seule : Celui qui préside la cours suprême congolaise est celui-là même qui avait bricolé les résultats des dernières élections, poussant dans le même temps le pays tout entier dans une crise politique grave qui a occasionnée une guerre terrible dans la région du Pool.

Le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire sans lequel aucune vie paisible n’est possible, est sans cesse bafoué au Congo-Brazzaville. l’impunité ou l’absence de justice desservent toujours la paix.

pam-300x300-7165494 Patrick Eric MAMPOUYA

Eric Patrick  MAMPOUYA