prisonniers-politiques-300x294-5607799 Prisonniers Politiques au Congo

Par:   Hervé MACHIKA

POURQUOI JE PENSE QU ILS SERONT LIBÉRÉS?

Ce qui a retenu mon attention au cours de cette semaine a été l’annonce du procès du général Mokoko et les différentes réactions vives de ses soutiens dont le point de presse de ses avocats auquel j’ai eu le plaisir de prendre part. Il y’a eu aussi le lancement de la campagne de monsieur Denis Christel Sassou Nguesso qui dans la tradition des républiques bananières dignes de ce nom, s’apprête à succéder à son père. Bienvenue au Gondwana ! Dans la même semaine, le régime Sassou a doté « son » opposition des attributs du pouvoir et celle-ci, heureuse comme un enfant à Noël, s’est empressée de célébrer ces cadeaux en réunissant ses animateurs. Il me parait évident que tous ces évènements sont liées, et vont aboutir inéluctablement à la libération du général Mokoko et de nos compagnons à la fin de la parodie de justice qui leur sera infligée à compter de ce lundi. Pourquoi ?

Sassou doit donner des gages de changement et d’apaisement de la vie politique. Comme pour lui la politique c’est une histoire de faux-semblant, un décor pour amadouer des occidentaux pris pour des idiots (quand ce ne sont pas eux qui lui disent « fais au moins semblant de »), il s’est choisi « son » opposition pour dialoguer avec elle et discréditer les deux autres groupes à savoir le Frocad/Idc et le collectif animé par Dzon Mathias. Le maintien des prisonniers politiques crée une sorte d’union sacrée qui donne à son emblème, le général Mokoko, un statut de martyr incontestable et qui oblige au respect. Une fois libéré, ce statut volera en éclat, d’autant qu’il sera marginalisé par le pouvoir qui ne voudra négocier qu’avec « son » opposition. Cette dernière défendra alors sa propre légitimité et donc les conditions de son élection (maintient de l’assemblée, de la constitution, du pouvoir de Sassou et de toutes les institutions comme la commission de lutte contre la corruption ou la commission électorale… tout ceci étant lié) et de ses prérogatives fraichement acquises. Ils se retrouveront donc à l’unisson avec les thuriféraires du pouvoir de Sassou à défendre la même cause. L’idée étant que si l’opposition et le pouvoir disent que les institutions sont bonnes, on ne peut remettre en cause la gouvernance institutionnelle et électorale de ce pays. Tout va donc bien. Car Mokoko une fois libéré n’aura pas droit au chapitre dans leurs calculs : meetings interdits, menaces de retourner en prison (il sera peut-être même libéré sous-condition), pas d’accès aux médias etc. Il contestera le pouvoir et l’opposition officielle, ces derniers comme des jumeaux lui rétorqueront qu’il n’est pas un élu donc négligeable, Dzon le boudera à son tour tout en boudant l’opposition officielle et le pouvoir. Il n’y a pas meilleur climat pour Sassou de transmettre le pouvoir au fiston et faire croire à la communauté internationale qu’il y’a une vie politique dynamique et libre, une opposition représentative du peuple digne de donner caution à un gouvernement d’union nationale ou à une certification d’audit sur la gestion.

Je ne possède pas de boule de cristal pour deviner l’avenir, j’ai horreur de la politique spéculative et ne suis pas dans les combines d’Oyo. Mais tout ceci mis bout à bout me laisse percevoir la stratégie du régime. Je peux me tromper, le régime peut changer d’avis entretemps, mais pour l’heure Sassou a fait précipiter le procès de Mokoko en toute illégalité et malgré l’appel de ses avocats parce qu’il a décidé de le sortir de prison. Il a signé ce décret pour doter le chef de l’opposition d’un vrai fonctionnement – alors qu’il y’a d’autres urgences, et franchement et Sassou n’adore pas les oppositions tant que cela – parce qu’en sortant Mokoko, il ne veut pas se retrouver à devoir négocier avec lui. Il a préparé les conditions que Mokoko viendra trouver dehors. Son fils lance sa campagne en même temps, parce que l’opposition officielle est empêchée de contester la gouvernance électorale car ils ont issus du même système qu’ils vont devoir défendre désormais ensemble face aux contestations du Collectif de l’opposition et du Frocad/Idc.

J’entends bien ceux qui pensent que le verdict est connu d’avance dans le sens de la condamnation, mais je pense que Sassou a maintenant plus intérêt à voir Mokoko dehors pour faire monter d’autres figures, plus avenantes.

Aux militants pour le changement véritable de savoir jouer en ayant un coup d’avance et de ne plus attendre que ce pouvoir dicte son agenda néfaste aux intérêts collectifs.