Interview du Président Clément Miérassa, président du PSDC, membre de la Fédération de l’opposition congolaise

pdt-clement-mierassa-300x135-6769981Interview du Président Clément Miérassa, président du PSDC ( NOUVEAU REGARD) 

« Je suis pétri d’admiration pour ce peuple qui est debout et qui se bat dans un contexte très difficile et un climat délétère pour le changement et l’alternance démocratique »

Dixit Clément Miérassa

Le Président Clément Miérassa, président du PSDC, membre de la Fédération de l’opposition congolaise s’est prêté aux questions de la Rédaction du NOUVEAU REGARD pour répondre aux questions qui font l’actualité sur la place publique.

Quelle lecture faites-vous sur l’état de la nation du 29 décembre 2018 ?

Le pays est bloqué, les Congolais souffrent et ne perçoivent  pas encore le bout du tunnel.

On peut relever quelques aspects notamment les non-dits.

–          Le dialogue. Les réseaux sociaux ont révélé que le pouvoir aurait adressé une correspondance au clergé pour solliciter des moments de prière pour un dialogue qu’il comptait organiser en janvier. Cette information n’a pas été démentie et on n’en a plus parlé. Vraiment bizarre !

–          Aucune adhésion n’a été faite  au complot ourdi consistant à abattre l’avion présidentiel  au décollage ou à l’atterrissage ;

–          L’on a également pas évoqué l’avis du groupe de travail des Nations Unies  sur la détention arbitraire qu’a qualifié les détentions de André Okombi Salissa et de Jean Marie Michel Mokoko comme arbitraires et demande leur libération immédiate ;

–          Aucun mot n’a été dit sur la situation d’illégalité totale dans laquelle se trouvent toutes les institutions de la République du fait de la violation des lois et règlements de la République, particulièrement  par la non-déclaration de leur patrimoine par les dirigeants et cadres de haut niveau, à  l’entrée et à la cessation de leurs fonctions. Ceci depuis 2002c’est-à-dire plus de16 ans ;

–          Rien n’a également été dit sur la mort des treize jeunes au commissariat de Chacona, se félicitant plutôt  du brillant passage du Congo à Genève ;

–          Aucun mot sur la situation des bourses des étudiants et retraités alors que ceux-ci une promesse avait été faite en 2017pour honorer les engagements vis-à-vis  de cette composante essentielles de notre peuple. On s’est plutôt félicité d’avoir payé régulièrement les fonctionnaires qui sont moins de 100.000 dans un pays de plus de 4 millions d’habitants.

–          Aucune évocation sur les révélations faites des panamas et paradis papers sur les congolais qui détiendraient des fortunes colossales dans les paradis fiscaux ;

–                     Aucune indication n’est donnée sur les scandales et les crimes économiques révélés en suisse surtout dans le domaine du pétrole.

S’agissant  de la lutte contre la corruption, l’on peut noter que l’on tourne en rond depuis 2009. En effet, au cours de cette année  on avait relevé avec force que le Congo n’est pas encore, hélas, exempt de corruption de fraude, de détournement de deniers public et d’autres actes tout autant répréhensibles que néfastes à l’accomplissement du bonheur collectif. Il a été précise que : « Ici, ce sont les gouvernants qui sont interpellés ».

Je crois que c’est là que se situe le véritable problème de la lutte contre les antivaleurs : Ce sont les gouvernants qui sont interpellés.

Il faut sortir des déclarations d’intention, des incantations pour passer aux actes.

Les congolais savent qu’ils existent de nombreux dossiers  à l’instar de : l’audit du compte de stabilisation de la banque dans lequel on devait loger des excédents budgétaires évalués selon certains observateurs à 14000 milliards  de francs CFA;

–          Le fonds de soutien à l agriculture

–          Les fonds alloués à l agriculture de 2008 à  2016 et autres.

Ils attendent les audits de la SNPC, des Grands travaux, du Trésordes Impôts et autres ;

C‘est notre courage à s attaquer à ces antivaleurs qui vous sortira  entres autres des la situation de crise dans laquelle le Congo est plongé aujourd’hui.

Quant au Fonds monétaire international, après que nous ayons atteint en 2010 le point d’achèvement de l’initiative pays pauvres très endettés, il faut expliquer pourquoi l’on peine à signer depuis plus de deux ans un programme financier avec le FMI. Le Congo est le seul pays de la sous-région à n’avoir pas pu signer avec cette institution. Et pourtant, il y a la dévaluation qui plane et il faut que les Congolais soient bien informés.

Le président de la Cemac Idriss Deby Itno a explique que devant la situation dramatique que connait votre sous -région, les chefs d’Etat avaient deux options : soit réduire le train de vie, soit dévaluer la monnaie de 50%. Ils ont choisi la première option. Quel est le point que l’on fait au Congo sur cette situation. Pour tout dire on peut énoncer que si tout n’est pas noir,  ou en est rose et les Congolais souffrent.

Votre formation politique ne figure pas sur la liste des partis politiques reconnus par le ministère de l’intérieur, aujourd’hui quel est le comportement de vos militants ?

Vous voulez parler de cette rencontre du Ministère de l’intérieur et de la décentralisation, le  11 juin 2018, au cours de laquelle il a parlé  de l’application de la loi sur  les partis. Le 12 juin 2018,  le préfet directeur général de l’administration du territoire a publié une liste de 49 partis annoncés auxquels s’ajoutaient 6 autres après exploitation des rapports des Préfets des départements.

Je peux dire que nos militants sont sereins. En effet, notre Parti a procédé  le 31 juillet 2018 à une analyse de cette situation. Cette analyse a fait ressortir les aspects suivants :

–          Il s’est agi d’une démarche d’intolérance politique du gouvernement visant à exclure du champ politique un certain nombre de partis et d’acteurs politiques jugés gênants et  encombrants ;

–          Une enquête menée sur le terrain a fait ressortir que l’on a déclaré  conformes des partis qui en fait ne l’étaient pas. Ce qui a fait ressortir le caractère partisan et la non-neutralité de l’administration où sont nommés en grande majorité les membres des partis de la majorité présidentielle ;

–          La démarche visait en fait à se constituer un socle de soutien

–          Il s’est en plus agi de l’application sélective de la loi.

En effet, en plus de l’article 11  qui est relatif à la création des partis et sur lequel le gouvernement s’est appuyé, on a voulu ignorer :

  1. a)l’article 26 de cette loi qui dispose que :

« Les partis politiques ont le devoir de se conformer à la Constitution… »

Malheureusement, la quasi-totalité des partis de la majorité présidentielle ne sont pas en conformité avec la loi fondamentale. Ils ne respectent pas plusieurs dispositions de la  constitution notamment :

L’article 50 stipule que : « Tout citoyen à le devoir de se conformer à la constitution, aux lois et règlements de la République et de s’acquitter de ses obligations l’Etat et la société » et

–          L’article 55 de la constitution qui énonce que : Tout citoyen, élu ou nommé à une haute fonction publique, est tenu de déclarer son patrimoine lors de sa prise de fonction et à la cessation de celle-ci conformément à la loi.

Là, tout le monde sait que depuis 2002,  personne n a designer déclarer son patrimoine. Les gouvernants, les acteurs politiques et les responsables de toutes les institutions violent la loi, fondamentale depuis plus de 16 ans. Cela ne semble gêner personne.

  1. b) l’article 31 de ladite loi qui dispose que :

«En cas de violation des lois en vigueur par tout parti ou groupe politique ou de trouble à l’ordre public,  le ministère chargé de l’administration du territoire suspend par un arrêté le parti politique concerné de toutes ses activités et ordonne la fermeture de ses locaux».

En plus des cas ci-dessus cité, ou peut noter que le parti au pouvoir a allègrement la loi électorale  lors des élections législatives de 2002 et 2017.  Ceci en faisant un passage en force et en présentant comme candidats les personnes en cas d’inégalité comme les directeurs  généraux de la CCA, de l’ONEMO, de la CNSS et les responsables de la SNPC. Sous l’œil bienveillant  de la CONEL ; de la Direction générale des Affaires électorales et bien sûr  du ministère de l’intérieur.

 Là, c’est le droit de la force et non la force du droit.

Pour conclure en disant que plusieurs partis de la majorité présidentielle et particulièrement le parti au pouvoir ne sont pas en conformité avec la Constitution  et la loi sur les partis.

Que fait-on ? Absolument rien et pourtant on ne cesse de clamer que : « Nul n’est au dessus de la loi et que la loi doit s’appliquer à tous, dans sa rigueur.

Nous avons appris que le secrétaire permanent du Conseil national du dialogue avait pris attache avec les membres de la fédération de l’Opposition congolaise, quel était exactement le mobile de ce contact ?

Je sais que vous avez la réponse a votre question en vous référant aux déclarations des acteurs politiques de la majorité présidentielle qui ne cesse de clamer que le dialogue  est permanent au Congo. Là se pose la véritable …parce que visiblement beaucoup  de problèmes ne sont pas résolus.

Je profite de l’opportunité que vous m’offrez pour aborder les aspects liés au Conseil national du dialogue.

D’après la loi,  c est un organe consultatif de concertation, d’apaisement et de recherche du consensus entres les forces vives de la Nation.

Il se réunit à la demande du Président de la République pour débattre et se prononcer sur les grands problèmes de la Nation.

Il ne donne que des avis et suggestions au président de la République qui en apprécie la pertinence.

S’agissant de sa composition, et en se référant au compte rendu du Conseil des Ministres du 2 mai 2018, on note que celui comprendrait.

–          Plus de 156 représentants de la majorité présidentielle  avec le fait que rien que le gouvernement, le parlement,  la présidence, la Primature et le ministère de l’Intérieur occupent 85 places ;

–          29 représentants de l’opposition qui du reste est plurielle

–          20 des partis politiques du centre;

–          40 places pour la société civile  et autres.

On constat aisément qu’il y a une surreprésentation  du parti au pouvoir et de ses alliés de la majorité présidentielle et une sous-représentassion, une faible représentation de l’opposition. Ce qui est d’autant  plus préoccupant que l’on déplore le caractère partisan et la non-neutralité de l’administration publique congolaise.

Par ailleurs, pour faire partie du Conseil national du dialogue, il faut être en  conformité avec la loi. Ce qui est un véritable problème au regard de ce qui  a été dit plus haut. En fait, il ne s’agit pas ici d’un dialogue mais d’un véritable monologue.

Le dialogue national tant réclame par les forces vives de la nation serait-il une vue de l’esprit ?

Le mot dialogue  donne lieu dans notre pays à beaucoup d’interprétation. Pour les uns, il est permanent,  pour les autres il n existe pas. Pour moi, le dialogue prend tout son sens lorsqu’il permet à des personnes ou des groupes de personnes qui sont des personnes qui ont des points de vue divergents sur un problème  qui les concerne, de se rencontrer, d’échanger de débattre, de façon sereine  et démocratique pour aboutir a des compromis  ou des solutions audit problème.

C est dans ce cadre qu’en 2012, j’ai été, avec plusieurs autres acteurs politiques congolais signataires d’un document  dans lequel nous constatons en toute responsabilité que le Congo traversait une grave crise multidimensionnelle. Ce faisant,  nous  lançons un appel pour la tenue des Etats généraux de la Nation. Nous avons enregistré des réactions curieuses du type le Congo n’est pas  en crise. Il a beaucoup d’argent.

Il y a, surtout à partir de 2014, plusieurs initiatives qui ont été prises dans ce sens soit pour le respect de l’ordre constitutionnel, soit pour obtenir en 2016, une élection libre, démocratique, et apaisée.

Dans leurs messages publies d’abord le 16 octobre 2016 et le 10 mai 2018, les Evêques du Congo ont demandé au gouvernement et aux personnes en responsabilité d’ouvrir un dialogue politique plus large possible  pour discuter  du modèle politique et institutionnel que nous voulons dans notre pays qui s’appuieras sur des valeurs morales susceptibles de fonder une politique pérenne et stable, ce qui exige  une justice équitable. La réponse a toujours été la suivante : le dialogue au Congo est permanent.

Et pourtant tout le monde le sait, l’on a organisé au Congo cinq semblants de dialogue politiques de 2009 à 2016 : Brazzaville, Ewo, Dolisie, Sibiti et Ewo pour régler les problèmes de la gouvernance électorale.

L ‘opposition a organise le dialogue de Diata en juillet 2015. En  fait il n ‘est plutôt agi  de monologue qui se sont caractérises par une surreprésentation du pouvoir, une surreprésentation de l’opposition qui y convié et l‘exclusion dune partie importante de l’opposition.

Comme tout le monde le sait, la gouvernance électorale  pose de sérieux problème dans notre pays. Ces rencontres n ont fondamentalement résolu lesdits problèmes.

Le Conseil national n’est rien, comme il a été plus haut qu’une formalisation de ce qui s’est passé lors de ces dialogues. Il ne règle pas les problèmes du dialogue mais institue un monologue.

Ledit Conseil de par sa composition et de ses attributions, ne prévoit aucune disposition relative à la situation particulière comme c’est le cas aujourd’hui, de la grave et profonde crise multidimensionnelle que traverse notre pays. C’est pour cela  qu’en ce qui me concerne, je pense comme beaucoup d’autres que pour trouver des solutions idoines et appropriés de sortie de crise, il faut mettre en place un cadre le plus ouvert possible qui rassure, favorise la concertation et le dialogue, œuvre pour l’apaisement et la recherche de consensus sans arrières pensées de calcul politicien. Il faut agir pour l’intérêt général du peuple congolais et non pour les intérêts égoïstes et personnels.

Aussi, pour moi, le dialogue inclusif national n’est pas une vue de l’esprit. Notre pays est très riche mais les congolais croupissent dans une misère indescriptible. En 2010, le Congo avait atteint le point d’achèvement de l’initiative pays pauvres très endettés. Ce qui lui avait permis de redresser sa dette, ce qui lui ouvrait de belles perspectives de développement.

Depuis 2012, le Congo traverse une grave et profonde crise multidimensionnelle : situation principalement due à des faiblesses de gouvernance, à la corruption, à une forte dépendance vis-à-vis  du pétrole, à l’échec des politiques en vue de la diversification économique.

Pour en sortir, je milite pour un dialogue national inclusif sous l’égide de la communauté internationale.

Les élections au Congo-Démocratique viennent d’être sanctionnées par la victoire provisoire de Félix Tshisekedi, comment l’aviez-vous perçu ?

Les panafricanistes suivent avec intérêt et une attention ce qui se passe actuellement en République-Démocratique du Congo. Je suis pétri d’admiration pour ce peuple qui est debout et qui se bat dans un contexte très difficile et un climat délétère pour le changement et l’alternance démocratique. Quelle belle aspiration ? Et comme on le sait et on ne cesse de le répéter les élections sont souvent source de conflits et d’événements malheureux en Afrique. Dans le cas de la RDC, l’élection aurait dû se tenir en 2016. Les résultats provisoires placent  Monsieur Etienne Tshisekedi vainqueur avec 38,57% des suffrages et créditent Martin Fayulu de 34,8% de Emmanuel Ramazani Shadary de 24%.

Le premier constat que l on peut se faire est l opposition totalise 73,37% illustrant ainsi ; la volonté profonde du changement du peuple congolais. Malheureusement, cette élection est conteste :

–          Martin Fayulu l’autre candidat donne perdant, revendique la victoire avec 61,5 des suffrages et contre attaque en justice ;

–          Pour la CENCO, les résultats tels que publies ne correspondent pas aux données collectées par sa mission d’observation ;

–          Plusieurs voix s’élèvent a travers le monde pour relancer une clarification voire la publication des procès verbaux de chaque centre local des résultats.

Le débat s’est déjà transposé au Conseil de sécurité des Nations Unies.

En clair, les résultats provisoires donnés par la CENI correspondent-ils aux résultats issus des urnes ? L’élection a-t- elle été transparente et crédible ?

Il s’agit la capacité à établir la traçabilité des chiffres. Les statistiques et les nouvelles techniques de l’information et de la communication devraient y aider. D’autant que les chiffres sont des monstres.

Par ailleurs, l’annonce des résultats des élections législatives et provinciales conduit  à se poser quelques questions. Comment comprendre que la coalition au pouvoir dont le candidat n’a obtenu que 4% à l’élection présidentielle ait réalisé le quasi plébiscite aux deux autres élections en obtenant la majorité absolue des députés ? Comment expliquer que l’opposition réunie qui a réalisé un score cumule de plus de 73%, se retrouve avec moins de 15 sièges a l assemblée nationale ? Ces préoccupations semblent pertinentes. C’est pourquoi, des voix s’élèvent pour demander le recomptage des voix. En l’état actuel les choses, on s achemine vers une cohabitation. Si c’était le cas, l’expérience doit être bien suivie.

Le souhait le plus ardent aujourd’hui est que les résultats proclamés correspondent aux résultats sortis des urnes.

2021 serait aujourd’hui synonyme de l’élection présidentielle, êtes-vous sûr que les erreurs décriées lors de la dernière élection seront pris en compte par la direction générale des affaires électorales ?

Le constat régulièrement fait est que l’Afrique est le continent où les dirigeants mettent plus de temps au pouvoir et malheureusement les populations croupissent dans une misère indescriptible, ceci en dépit des énormes richesses et potentialités naturelles.

C’est triste cela.  Ce que nous vivons en Afrique centrale doit faire prendre conscience aux dirigeants et peuples africains. Il faut que ça change non pas pour des intérêts égoïstes et personnels mais pour l’intérêt général.

L’actualité d’aujourd’hui permet de constater que lors des élections africaines, les résultats proclamés ne correspondent pas toujours aux résultats issus des urnes. C’est-à-dire que les dirigeants ne résultent pas souvent du choix des peuples. Ce qui est un véritable problème. Cela est très grave.

Le Congo n’est pas en marge de tout cela, d’autant qu’aujourd’hui, il est impliqué dans beaucoup de médiations et intervient dans la résolution d plusieurs conflits.

J’ose espérer que les acteurs politiques en prendront conscience et prendront les dispositions pour que désormais le Congo vive les élections libres, démocratiques et transparentes. Ce qui signifie pour moi l’adoption d’un nouveau code électoral et la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante.

Mot de la fin

Le Congo traverse selon moi depuis 2012 une grave crise multidimensionnelle. Les conséquences sont à la fois dramatiques et néfastes. Les gouvernants actuels n’ont pas pu trouver des solutions appropriées de sortie de crise. C’est pour cela que j’en appelle une fois de plus à la tenue d’un dialogue national inclusif (avec la participation de tous) sous l’égide de la communauté internationale.

Propos recueillis par Michel Hadridh NKOLA