La crise du logement étudiant : Arrêtons l’hémorragie.

L’éducation des jeunes congolais devenue de plus en plus inégalitaire met en exergue la mauvaise politique du gouvernement congolais qui applique des réformes qui ont conduit à la fuite d’environ 8.000 enseignants de l’enseignement ces 12 dernières années. Ce constat médiocre, voire mauvais, de cette politique mis en cause par l’UNICEF et d’autres organismes éducatifs, est le résultat d’une politique dangereuse et irresponsable menée depuis 1997.

Au-delà de ce constat d’échec du système pédagogique congolais, nous voulons attirer ici l’attention sur un autre volet qui vole en éclat présentement : Il s’agit du délabrement progressif du logement étudiant. La condition de logement des étudiants a « coulé la bielle » et l’ineptie observée par le ministère de l’enseignement supérieur continue à me scier. En début de chaque année universitaire la majorité des étudiants en quête de logements sont confrontés à une situation très inquiétante. Les logements universitaires datant de plus d’une trentaine d’années sont aujourd’hui saturés par le flux sans cesse croissant des étudiants à Brazzaville. Cette situation laisse certains étudiants à la merci des propriétaires véreux et d’autres se livrant à des pratiques insoutenables pour trouver un toit.

Le pourrissement du logement étudiant.

Au moment où le pays semble retrouver une certaine sérénité économique, le Congo doit recommencer à investir dans l’éducation. Cette remarque a été formulée par plusieurs étudiants congolais. Ces derniers émettent beaucoup de réserves, depuis 2000, au bien fondé de la politique du gouvernement en matière éducative. Ils estiment que cette politique telle qu’elle est appliquée mène inéluctablement à un « décrochage » accru des étudiants, dont les parents gagnent peu d’argent pour subvenir aux besoins de leurs enfants. Il serait donc souhaitable pour ces deniers qu’un regard particulier soit porté sur la construction des logements étudiants. Ces derniers placent aujourd’hui cette question comme étant la première de leurs préoccupations, en particulier pour les plus modestes d’entre eux, en raison de la tension extrême du marché locatif et de l’insuffisance du parc universitaire. Il y a trente d’ans les campus de TCHELIMA, L’IMPERIAL, CAMPUS 1 et 2 regroupaient à eux seuls plus de 57% des étudiants venant de l’intérieur du pays. Cette opportunité offrait à ces derniers la possibilité d’étudier sereinement. En 1985, le taux de ces étudiants venant de l’intérieur avoisinait les 80 % de réussite. En 2011, donc 26 ans après, ce taux dégringole de façon très inquiétante entre 15% et 20% de réussite. Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette baisse dont en particulier le manque de logement adéquat mis à la disposition des étudiants.

La gestion des campus universitaires se fait de manière anarchique. A tel point que certains étudiants ayant terminé les études à l’université Marien Ngouabi continuent à occuper illégalement les chambres. D’autres font sous-louer des chambres à des personnes qui n’ont aucun lien avec l’université. D’autres encore, ont constitué des couples et des familles dans les chambres.

Actuellement l’insuffisance de la bourse d’étudiant complique les choses plus qu’elle n’en résolve dans le quotidien de l’étudiant congolais. Se lancer dans une location en privée devient presque impossible avec une bourse de 30.000 F CFA. En effet, comment réussir à payer un loyer de 20m2 à 60m2 compris entre 20.000 et 25. 000 F Cfa et prétendre tenir un mois avec 10.000 ou 5.000 F CFA de réserve tout en s’assurant le transport, l’alimentation et surtout le suivi régulier des cours ? Au regard du coût de la vie galopant sans cesse, l’étudiant congolais apparaît comme l’enfant pauvre de l’embellie économique actuelle. Cette situation est tout simplement intenable et suicidaire. Pour y tenir, certains étudiants n’hésitent plus à se prostituer, à exercer des métiers parfois incompatibles avec le rythme scolaire, comme celui de gardien de résidence (des hommes aisés) la nuit, chauffeur de taxi le soir après les cours, vendeur au marché les week-ends, hôtesse d’accueil dans les boites de nuits et restaurants huppés de la place, etc… Ces activités parallèles, contraintes par la force des choses, affectent leurs études et ne permettent pas une concentration soutenue pour assimiler les enseignements.

Il se trouve également que l’octroi d’une chambre dans les campus nécessite un parcours de combattant parfois impossible à franchir pour un étudiant dépourvu de toute relation avec les hommes du pouvoir. Et lorsqu’on y arrive, il faudrait partager la chambre à deux voire pour certains même à trois. Cette promiscuité ne favorise pas une situation apaisée pour étudier. En plus il faudrait y ajouter l’insalubrité et le délabrement des infrastructures provoquant des maladies qui clouent certains étudiants aux lits des mois entiers.

Au regard de ce qui précède, il n’est pas faux de reconnaître que nos campus vieux de 40 ans ne répondent plus. C’est devenu des dortoirs à risque mettant la vie des étudiants en danger. L’absence d’entretien, la non-conformité des locaux, l’exigüité des chambres, la promiscuité des étudiants entassés dans une chambre, les prix des chambres par rapport au service rendu qui reste intolérable pour un service public sont autant des facteurs qui expliquent cette baisse de niveau dans l’éducation congolaise.

Pourtant, des idées d’extension des campus peuvent être mises en place pour améliorer partiellement cette difficulté de logements des étudiants. Pourquoi ne pas racheter l’hôtel du 8 février afin de mettre en place une réhabilitation des anciens locaux du campus de l’impérial et l’extension de ce dernier avec la construction des nouvelles structures en lieu et place de cet hôtel ?  Pourquoi continuer à brader le terrain universitaire de TCHELIMA pour des constructions privées alors qu’on pouvait étendre le campus avec des nouveaux bâtiments ? Pourquoi l’état brade t-il une partie de la forêt de la patte d’oie pour des constructions privées au lieu de privilégier l’extension du campus 1 et 2 suffisamment pléthorique ?

L’amélioration du logement étudiant est le gage d’une éducation responsable.

D’aucuns nous parleront certainement d’absence de moyens financiers pour lancer de tels investissements dans l’éducation. Dans ce cas, comment l’Etat congolais peut-il expliquer à un étudiant, l’avenir du pays, qu’on a privilégié la construction d’un hôtel 5 étoiles au bord d’Alima à Oyoland coutant plus de 3 milliards au détriment des logements étudiants ? Comment l’état peut-il expliquer qu’on puisse allouer à chaque député, sénateur et maire deux voitures de fonction (une 4×4 et une citadine) et manquer les moyens de respecter une politique de logement étudiant ? Est-il responsable de faire miroiter à l’étudiant congolais un projet de complexe universitaire et technologique regroupant des logements, bibliothèques, espace internet, centre sportif, etc… à Kintélé dans les 10 prochaines années, alors que son financement n’a pas été inscrit au plan d’investissement éducatif 2011-2012 ?

Tout ceci nous amène à déduire qu’aujourd’hui, le problème du logement étudiant ce n’est pas le manque de moyens mais le manque d’imagination et de diversification des acteurs politiques de notre pays. Avec un peu plus de 50 milliards de budget consentis à l’éducation, le problème du logement étudiant n’est pas celui du manque de moyens mais bien celui consistant à savoir comment dépenser utilement cet argent.

Ce qui manque, c’est la vision d’une politique active qui préfère, sous prétexte de ne pas vouloir tomber dans l’assistanat généralisé, que les étudiants se débrouillent par eux-mêmes. Faut–il déjà leur permettre d’avoir un minimum pour se lancer dans la découverte du monde moderne et professionnel. Or, justement ce minimum est torpillé par des politiques injustes et surtout contre productives.

L’association DAC a inscrit dans son programme (1) l’amélioration et la construction des logements des étudiants dont voici quelques mesures préconisées.

* Création d’une prime d’allocation logement étudiant pour 9 mois (PALE) soumise sous conditions de ressources,

* Augmentation de la bourse étudiant de 30.000 à 40.000 f CFA. La bourse ne doit pas être attribué automatiquement à tous les étudiants, l’université tiendra compte des revenus des parents.

* Création d’un partenariat entre le privé et le Service Social d’Université pour la location des logements hors campus,

* Introduction d’un quota logement étudiant dans les constructions locatives sociales,

* Incitation des particuliers par l’Etat à louer aux étudiants contre réduction facture d’eau ou d’électricité sous la forme D’aide personnalisée au logement étudiant. APLE soumise sous conditions,

* Construction des nouveaux bâtiments CAMPUS, logements étudiant sur les terrains Universitaires,

* Sanctionner les clauses abusives dans les contrats de location des logements étudiants,

* Création d’un Centre immobilier unique (CLU), installé au sein de l’université, pour que les étudiants puissent y faire leurs recherches de logements au même endroit et sans se faire arnaquer.

Jean-Claude BERI : www.dac-presse.com

(1) Projet : la réhabilitation de l’école publique (consultable uniquement par les membres du DAC)