Tribune Libre de Cedric MPINDY
La galère des retraités
Au Congo-Brazzaville, être retraité s’apparente à un chemin de croix. Devons-nous donc rester insensibles et indifférents face au drame de nos Ainés et Doyens retraités, contraints à une indigence qui ne dit pas son nom ? Eux si fiers et si dignes hier, et aujourd’hui, obligés de sombrer dans la mendicité. Enfin, presque. Le dire, n’équivaut pas à faire preuve d’une quelconque effronterie vis-à-vis de qui que ce soit, surtout dans des contrées où le moindre propos, même teinté de bon sens, donne lieu à toutes sortes de supputations et d’enquêtes sur son auteur !
Le dire, c’est juste contribuer à une véritable prise en compte du drame que vivent les Retraités du Congo-Brazzaville.
Partout ailleurs, « les retraités d’aujourd’hui ont contribué toute leur vie par leur travail et leurs cotisations, et ont permis leur pays de traverser des périodes difficiles de son histoire ; les retraités sont d’une précieuse aide pour les enfants et les petits-enfants qui débutent dans la vie ou lorsqu’ils ont des études à financer. L’appauvrissement (ou le non-paiement de la pension) des retraites rend plus difficile l’aide qui peut leur être apportée ».
Qu’en est-il des retraités du Congo-Brazzaville ?
On (ré)écoutera le morceau de l’immense Antoine Moundanda – Paix à son âme ! -, intitulé Retraité, extrait de l’album Likembé Géant. Depuis Abidjan où il se trouvait, l’auteur de « Qu’est-ce que c’est ? », déplorait le mauvais sort infligé aux Retraités de son pays, le Congo-Brazzaville. Qu’ont-ils fait au bon Dieu pour mériter une telle indifférence ? se demande-t-il. Et d’enfoncer le clou : la majorité des dirigeants congolais ont l’âge de la retraite, et pourtant ils zappent leurs compatriotes du même âge qu’eux.
Comment une Nation censée peut-elle traiter de la sorte ses Retraités ? Comment ne pas se rendre compte que bon nombre d’entre eux partent, pour ne pas dire sont précipités par les soucis inhérents à un manque de confort et au pouvoir d’achat qu’ils n’ont plus, du fait du non-paiement de cette pension ?
Le paiement des pensions est devenu un chemin de croix pour les retraités, et certains s’en vont hélas, sans avoir touché le moindre pécule. Les attentes interminables, qui vont de deux à trois ans, juste pour obtenir son nom sur l’arrêté ouvrant droit au paiement de la dite pension, sont tout simplement un déni d’humanité pour ces hommes et ces femmes, qui ont donné de leur jeunesse et de leur force au service de leur Etat.
Comment dans ces conditions faire face, pour ceux qui ont encore des enfants scolarisés ou en bas âges, aux différents frais du quotidien, lorsque l’on cumule de 3 à 4 ans sans pension ?
Une situation surréaliste, et pourtant bien vraie !!!
Est-il besoin de rappeler que cette pension tant réclamée est un droit découlant des cotisations de la période active des retraités d’aujourd’hui !
Faut-il préciser que les retraités ne demandent pas l’aumône, ni ne quémandent une manne à laquelle ils n’auraient pas droit !
Que deviennent ces sommes collectées sur 38 ans et plus pour certains ?
Et pourquoi donc les retraités sont-ils obligés d’attendre tant d’années pour espérer percevoir leur pension ?
Quelle est la position du service en charge des retraités, du Ministre des affaires sociales et de la Fonction Publique face à ce qu’il est convenu d’appeler un véritable drame social ?… Autant de questions qui restent sans réponses. Des réponses qui ne viendront sans doute jamais.
Fait anecdotique, il suffit de côtoyer des familles congolaises pour vous rendre compte que certains retraités sont aujourd’hui perclus d’infirmités, quand les autres sont devenus hémiplégiques, voire paralysés, à la suite d’une pathologie qui s’est invitée dans ce banquet hideux du rejet et du mépris de l’Autre : l’AVC.
Comment ne pas un seul instant se projeter et se dire que demain, les actifs actuels, indifférents au sort des retraités d’aujourd’hui, seront eux-mêmes dans la file d’attente ? Quel sera alors leur sentiment, de subir à leur tour, les affres que dégustent avec une pointe d’amertume, saupoudrées d’indignation et de colère, les retraités d’aujourd’hui ?
Les situations débloquées, au cas par cas, ne devraient pas emporter l’adhésion et encore moins, être un sujet de satisfecit !
Aujourd’hui, il importe de trouver une solution globale à la situation de l’ensemble des retraités. La question des retraites et du paiement de la pension doivent être envisagées comme des questions de justice sociale. Et, surtout, interpeller tout Gouvernant !
Les mesurettes saupoudrées, voire la sélectivité, n’honorent pas le Congo. Car la « retraite, paisible et fière, réclame un cœur indépendant » (Victor Hugo).
Les retraités congolais sont-ils indépendants ?
Cédric MPINDY