inanition-11a67-8066814Depuis le temps que l’on observe nos gouvernants, il m’est apparu que leur mode de gouvernance n’a jamais été défini dans une approche scientifique dépourvue du poids des idées occidentales qui souvent, en enrobant d’un esprit philosophique de haut vol le concept de gouvernance, empêchent l’appréciation de sa véritable réalité. Tout au moins dans nos pays en développement, justifiant cet essai d’une approche de la gouvernance manifeste à travers l’inanition.

Si la politique est, dit-on, « l’Art du compromis », il est certain qu’elle est dans nos pays un compromis entre la mauvaise foi et la foi mauvaise. La bonne foi ayant rarement foulé l’espace politique de nos gouvernants, tout au moins pas pour ceux qui succédèrent aux bâtisseurs des indépendances.

Il convient, pour que cette théorie de la gouvernance que nous allons développer prenne son essor, de mettre en « veilleuse » certaines idées occidentales du type : le « gouvernement du Peuple par le peuple » ou le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou de leurs ressources naturelles » ou encore les « droits de l’homme, humains, économiques, sociaux culturels » etc. Car, en vérité, nos gouvernants faisant semblant de les appliquer dans le cadre de la « bonne gouvernance », ne s’en servent que comme slogans pour attirer l’aide publique internationale, acquérir des droits de tirages spéciaux ainsi que les dons et subventions de quelques organisations internationales qui croient qu’ils sont devenus de « bons élèves » de leur idéologie économique.

La réalité est toute autre.


Nos gouvernants ont, depuis longtemps, trouvé une voie fort subtile pour continuer à gouverner et à « mener en bateau » toute la communauté internationale. Ils ont découvert le « filon » d’une gouvernance bâtie sur « l’équilibre inanitionique* ». Jusque-là jamais abordé dans l’approche économique du sous-développement, il convient de le définir, le théoriser et le schématiser.

Je définirai l’« Equilibre inanitionique » comme étant le point de stabilité socio-politique dans lequel se trouve un peuple soumis à deux forces contraires : la faim et la satiété.

Cet « équilibre inanitionique » est pour nous la formulation empirique d’un machiavélisme économique.

En langage simple, « l’équilibre inanitionique » est atteint lorsque le citoyen (« unité numérique » d’un peuple), pris entre les besoins de subsistance élémentaire et l’acquisition de biens, toujours insuffisants, pour assurer son autonomie alimentaire, est neutralisé politiquement…à travers son « élan » de subsistance économique.

En d’autre termes, la gouvernance inanitionique c’est l’ensemble des mesures que prennent les gouvernants pour empêcher leur peuple d’être bien nourri, car il s’intéresserait alors à leur politique mais ne jamais l’affamer pour éviter qu’il se révolte.

Le postulat est le suivant : un peuple qui n’a pas faim finit par s’intéresser à la politique mais un peuple affamé finit par se révolter.

Cette problématique, résolue par le recours à la “ La gouvernance inanitionique”, est : Comment donc faire pour que le peuple ne puisse jamais manger à sa faim pour qu’il consacre son quotidien à la recherche de sa pitance (oubliant donc la politique), mais qu’il puisse trouver juste de quoi s’alimenter pour rester maitrisable.

C’est cet équilibre que nos gouvernants recherchent et qui les maintient en place.

Le “bon” gouvernant inanitionique c’est celui qui sait faire frôler au peuple le seuil de famine tout en l’empêchant de le franchir.

Pour cela il déploie une machinerie politico-économique, d’actions ponctuelles (rehaussement au compte-gouttes des salaires, des prestations sociales etc.) dans laquelle il se présente comme le gouvernant providentiel (pyromane et pompier) aidé en cela souvent par des organisations financières nationales et internationales.

En effet, comment expliquer que les peuples de pays si riches (en ressources du sol et du sous-sol, terrestres et maritimer) croupissent dans la misère ?

Des richesses souvent faramineuses que ni la dilapidation des gouvernants ni la corruption ne pourraient épuiser et pourtant le peuple en est souvent totalement privé. En fait les gouvernants dans cette forme de gouvernance inanitionique formulent leur politique économique machiavélique dans le sens de cet équilibre inanitionique.

Si l’on convertit l’effort que le citoyen consacre à la recherche de sa subsistance et l’effort qu’il consacre à l’action politique en temps, le rapport entre ces deux grandeurs donne le degré de “réussite” de la gouvernance inanitionique”

En affectant au premier l’appellation de “Temps subsistance” et le second “le temps militance”, le point d’équilibre inanitionique sera exprimé par le rapport :

Temps militance /Temps subsistance.

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La gouvernance inanitionique est d’autant plus accomplie que le quotient de ce rapport tend vers 1. Son Point d’équilibre.

Quand ce rapport, prend des valeurs négatives, inférieur à 1, (le temps de subsistance est élevé) la gouvernance entre en crise. C’est la « zone d’instabilité sociale », caractérisée par la violence (tensions, émeutes, révoltes etc.)

Quand la valeur de ce quotient est supérieure à 1, donc positive (le temps de militance est élévé), cela signifie que le temps consacré à la subsistance se réduit au profit du temps de militance. Les gouvernements sont alors le point de mire du citoyen et la revendication de leur redevabilité et de leur gestion est déclenchée. C’est la « zone de stabilité sociale » caractérisée par les revendications non violentes, mais non moins oppressives pour le gouvernement (grèves, négociations, revendications, marches pacifiques).

Donc plus ce quotient est positivement grand plus le citoyen s’intéresse à la politique (le temps consacré à la subsistance s’étant réduit) et c’est encore une menace pour les dirigeants pratiquant la mauvaise gestion. Le citoyen, s’intéressant alors à la politique réclamera alors leur redevabilité (rendre compte de leur gestion).

Pour éviter que leurs citoyens n’entrent dans la première ou dans la seconde zone qui sont toutes les deux, pour eux, des zones de turbulences, les gouvernants cherchent à piloter leur politique (socio-économique) aux coordonnées exactes de ce « point d’équilibre » . Leur salut et leur pérennité dépendent de leur capacité à maintenir le cap vers le point d’équilibre inanitionique et l’atteindre au plus vite.

Point d’équilibre inanitionique, voie de salut à leur mauvaise gouvernance.

Nous pouvons schématiser ce point d’équilibre de la façon suivante :

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par Pr ELY Mustapha*

· Professeur d’université et consultant international. Juriste et spécialiste en finances publiques. Ecrivain. Informaticien réseaux et système. Domaines de recherche : Gouvernance démocratique, finances publiques, management public, elearning, réformes judiciaires, sécuritaires et pénitentiaires. Une quinzaine d’ouvrages spécialisés (droit, économie, finances publiques, TIC), (…)

· Remarque : Inanitionique* : Adjectif inexistant dans la langue française que nous avons inventé par construction sur le terme « inanition » qui signifie « état d’épuisement de l’organisme causé par le manque de nourriture ».

Source : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-gouvernance-inanitionique-184583