Certains journalistes congolais engagés et non des moindres ont été filmés en compagnie d’un ministre de Sassou. Devoir d’information ou tentative de reddition ? Attablés dans un café parisien comme des vieux copains du ministre qu’ils sont peut être, ces derniers devisaient probablement sur l’actualité politique congolaise et leur éventuel ralliement à la cause de Sassou. Oui, ce monsieur se relance et commence à recruter dans nos rangs pendant que nous passons notre temps à nous envoyer des boules puantes. Cette longue et dure bataille de la libération du Congo commence à faire des victimes économiques. Ceux là qui ont perdu leur lustre d’antan dans le froid hivernal parisien et qui veulent retrouver la chaleur tropicale ainsi que tous ses travers.

En tant que femmes et hommes des médias engagés, l’éthique, la probité et l’honneur doivent être la base solide et inébranlable de votre métier. Si l’on est un journaliste neutre, l’on a aussi le droit de le dire en toute transparence. Mais, jouer un double jeu est dangereux pour l’information qui est le quatrième pouvoir dans une démocratie. Tant il est vrai que les habitudes ont la vie dure au Congo, et qu’une hirondelle ne fait pas le printemps.

Les convictions ne se monnaient pas par des francs CFA souillés du sang de nos martyrs. La digue se fissure et si l’on ne prend gare, elle va céder. Après les politiciens véreux, ces journalistes s’engouffrent dans la brèche pour tremper le doigt dans le pot de confiture que Sassou tel un mafieux tient toujours ouvert et à disposition. Se joue ainsi la corruption des élites contre la misère du peuple congolais. Le ver est dans le fruit, encore une défaite morale pour tous les démocrates congolais.

Notre rôle de démocrates congolais, investis de cette mission pour la restauration de la démocratie au Congo au péril de nos vies et au-delà de nos stratégies différentes, est de ne pas succomber à la tentation d’un petit café du matin et d’une petite bière si gracieusement proposés. Il y aura beaucoup d’appelés et peu d’élus. A cette frange minoritaire qui résiste encore aux sirènes des marchands de sommeil, nous disons que notre victoire du 20 mars 2016 sera célébrée tôt ou tard. L’espoir ne doit pas nous quitter. Comme disait Arthur Golden, « l’adversité est comparable à un vent déchaîné : elle nous arrache tout, sauf l’essence de ce que nous sommes véritablement. » Nous devrions continuer à vivre debout et cela impose de nous des attitudes correctes.

Une trop grande proximité permet la collusion tant les rapports deviennent étroits, et l’émotion prend la place du rationnel dans la prise de décision. Dans ce contexte, faire la part des choses entre le bien et le mal devient difficile. Nous ne devrions pas mettre tous les journalistes congolais de la place de Paris dans le même sac. Comme dans toutes corporations, il y a des brebis galeuses. Tout ceci est d’une extrême gravité car toute crise est avant tout une crise médiatique, une crise de communication. Si nos journalistes sont approchés, achetés, alors nous perdrons cette guerre médiatique. Ces derniers pourront vendre « l’autre Sassou non dictateur » que ce ministre tient à nous faire connaitre. A notre avis, l’original est toujours aussi dangereux que la pâle copie proposée. Ce règne pourra ainsi continuer à prospérer sur la corruption des consciences de certains d’entre-nous que nous jugeons intègres. La réalité est que « tout homme a son prix pour lequel il se vend ».

Fidèle à notre éthique, nous réaffirmons nos convictions à nos idées et non aux hommes. Ceux qui veulent rentrer dans le rang peuvent le faire. C’est aussi cela la démocratie avec la liberté de se mouvoir en tenant compte de la direction du vent. Mesdames et messieurs les journalistes congolais engagés, pensez, écrivez autrement, ainsi vous changerez le Congo. Ces journalistes congolais seraient-ils victimes du syndrome de Stockholm ?

Je terminerai par ce proverbe béninois qui dit « dans un village où il n’y a pas de chiens, l’os va aux poules. » En l’absence des ayant-droits, l’héritier est celui qui se trouve là au bon moment. Restons vigilants et éveillés pour ne pas assister à la désinformation élevée au rang de l’information comme du temps de la propagande communiste.

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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA