L’autodétermination des peuples africains à choisir ses dirigeants devient un casse tête chinois pour nos amis occidentaux. « De la démocratie est un luxe pour les africains » de Jacques Chirac, à « l’Homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » de Nicolas Sarkozy, et « Sur le Congo, le président Sassou peut consulter son peuple; cela fait partie de son droit, et le peuple doit répondre. Une fois que le peuple aura été consulté, et cela vaut pour tous les chefs d’états de la planète, il faut veiller à rassembler, à respecter et à apaiser » de François Hollande, l’Afrique centrale sombre dans l’oubli de la démocratie, ce concept de gouvernance bien qu’imparfait, mais cher à tous les démocrates du monde.
Après le printemps Arabe en Afrique du nord, l’on aurait pu penser que le mouvement allait s’étendre en Afrique centrale afin de mettre fin aux régimes présidentiels qui tirent en longueur au point de ne plus en finir. Au Maghreb, seule la Tunisie a su tirer son épingle du jeu. En Egypte, une dictature militaire a remplacé une autre. En Libye, c’est le chaos qui règne suite à l’impréparation de ceux qui ont armé l’opposition libyenne et bombardé ce pays. En Afrique de l’ouest, le Burkina Faso grâce à la détermination de ses dignes fils et filles qui sont des Hommes intègres, l’espoir est revenu avec une élection démocratique. Le Bénin et le Nigéria ont organisé des élections présidentielles avec alternance sans heurt. Quid de l’Afrique centrale ?
L’or noir, le pétrole, est comme tout ce qui est noir, source de malheur dira-t-on. L’Afrique centrale en regorge, pas pour le bien de ses populations, mais pour le bonheur des firmes étrangères qui l’exploitent sans que les autochtones n’aient droit au chapitre. Ces firmes se substituent au gouvernement en place en faisant des dons au pays comme si ces derniers étaient dépourvus de ressources. Les présidents de ces firmes ne sont-ils pas les amis de nos chefs d’état avec lesquels ils prennent du « vieux whisky » ensemble ?
Le Congo, la Guinée équatoriale, le Tchad ont déjà assassiné la démocratie, du moins pour l’instant. C’est maintenant au tour du Gabon. Après l’élection à huis clos de Sassou, Ali Bongo innove par le gonflement des listes électorales dans une province afin de s’assurer l’élection présidentielle par le vote de toute la population à un taux inédit de participation. Même Sassou, réputé maître dans l’art de tricher, n’y avait pas pensé. Au lieu de mettre leur intelligence au service de la bonne gouvernance du pays et du bien être du peuple, nos chefs d’état deviennent les champions de la magouille électorale en vue de s’éterniser ad vitam aeternam au pouvoir.
Pour nous qui espérons la fin d’un règne et ce malgré la mobilisation du peuple gabonais, le coup de grâce vient d’être donné par la présidente de la Cour constitutionnelle aux ordres car dirigée par la belle-mère d’Ali Bongo, cette tour de Pise qui penche toujours du coté de la famille Bongo. Certains dictateurs proposent leur service de bons offices pour la résolution des crises liées à la mal-gouvernance dans la sous région. C’est le monde à l’envers. Comment peut-on parler de légalité et de légitimité quand l’on s’accorde à dire que cette élection gabonaise est marquée du sceau de la tricherie. C’est l’inversion de l’échelle des valeurs, une pratique propre aux africains et leurs complices.
Comme chantait l’autre, « noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ». Il y a une règle importante qui dicte la marche du monde, c’est que le business n’aime pas le bruit : « The show must go on ». Dans nos pays respectifs, il ne s’agit plus d’élection ni de démocratie, mais bien de business. Et celui qui trinque, le dindon de la farce, c’est bien le peuple.
Aujourd’hui encore est un jour sombre pour la démocratie en Afrique centrale. A cette allure, nous ne sommes pas sortis de l’auberge, je dirais plutôt de la mouise. L’espoir n’est pas pour autant perdu car aucun démocrate africain ne peut accepter pareille forfaiture. A l’adresse des grands électeurs (Union européenne, USA) qui participent de façon indirecte aux élections des chefs d’états de l’Afrique centrale, nous disons comme Martin Luther-King « à la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis ».
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Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA