Depuis 1995, avec l’arrêt brutal du processus démocratique, le Congo-Brazzaville est confrontée à une multitude de problèmes. Ceux-ci ne cessent de s’étendre sur toutes les activités socio-économiques du pays asphyxiant ainsi les aspirations d’un espoir de développement. Au delà, de la confiscation du pouvoir par une élite clanique, c’est tout le problème du partage des responsabilités et d’explications qui est posé. Entre les réactions contradictoires face aux révoltes du monde arabe et leurs hésitations devant la crise que traverse le Congo les élites politiques congolaises offrent en ce moment un bien triste spectacle. Cédant tour à tour à l’indécision, à la paralysie, à la fuite en avant, au repli sur soi, à la critique facile, les élites congolaises accumulent erreur sur erreur dans la gestion de la crise économico-politique qui crucifie le pays depuis plus d’une quinzaine d’année. Mettant à nu, chaque jour leurs contradictions, à savoir la prolifération des partis politiques et associations, l’incapacité à reconnaître leurs erreurs, l’absence d’un projet cohérent et unificateur, la prédominance de vouloir se servir et non de servir, la mise en avant d’une « réactivité épidermique ethnique », met en lumière une déplorable image d’un Congo dont ses élites contribuent à plonger dans l’impuissance. Vouloir plus de démocratie alors même qu’on est incapable d’appliquer les valeurs de cette notion ne réglera pas le problème de la crise congolaise.
De son retour récemment de Singapour, Mr Sassou vient de lancer une phrase qui pour certaine élite congolaise apparait comme une provocation « Oyo en 2032, comme Singapour en 2011». Non moins l’idée d’approuver l’intention qui peut être teintée d’un régionalisme prononcé mais s’offusquer devant une telle ambition serait considéré la ville d’Oyo comme une entité à part dans l’ensemble commun qu’est le Congo. Bien au contraire, il faut encourager de telle initiative qui contribue à initier des processus de développement futur qui permettraient non seulement de développer la région de la cuvette, mais de désengorger les grandes villes actuelles. Ce qu’il faut recommandé c’est l’uniformalisation d’une telle ambition dans toutes les villes du Congo. Cette ambition commune ferait que le Congo s’ouvre à l’emploi et au développement des infrastructures essentielles. Ce qui engendrerait du même coup que les richesses de différentes régions congolaises appartiendraient à tous les congolais et avec l’ensemble des moyens mis en commun profiteraient à tout le Congo. C’est cela le message positif qu’il faut exploiter dans cette phrase. Cessons de tribaliser chaque action dont parfois son utilité peut-être porteuse de solution positive. Apprenons à corriger les erreurs et non à opposer les régions ou villes congolaises les unes aux autres.La course à la démocratie auxquelles les congolais aspirent n’est encore qu’a ses débuts de frémissement. L’Amérique latine par exemple en a mis 50 ans pour voir émerger les Lula et autres qui font aujourd’hui la fierté de ce continent. Les élites congolaises doivent œuvrer pour aider le peuple à mieux appréhender la réalité actuelle. Il est plus question de véhiculer aujourd’hui un discours qui est loin, mais très loin de concilier la notion de démocratie respectueuse du jeu démocratique. Il est impérieux pour nos élites de pénétrer l’idée que la démocratie ne se résume pas à la tenue d’élections ni au choix d’un candidat ou d’un parti représentatif de l’ethnie ou d’une majorité. La démocratie telle que nos élites doivent la concevoir pour ainsi dire est une construction perpétuelle avec une architecture indéfinie, en tout cas imprécise et à chaque fois renouvelée et corrigée car c’est dans sa pratique que des difficultés surgissent et appellent à reconsidérer certains de ses principes. Arrêtons avant tout la « servilité alimentaire » qui, pour quelques subsides, poussent certaines élites congolaises, au lieu de servir des valeurs, sont là à se prostituer pour s’assujettir à des hommes. Lorsque l’élite congolaise est défaillante dans son rôle d’éducation et d’information, il laisse le libre champ au politicien de maintenir le peuple dans son ignorance pour avoir à le conduire comme un troupeau de Panurge, hélas souvent jusqu’à l’abattoir. Et l’abattoir aujourd’hui le peuple congolais en voit la couleur. L’élite congolaise doit être plus proche du peuple en l’aidant à mieux se défendre devant les injustice du système politique.
Par exemple, lorsqu’une citoyenne est maltraité et bafouée dans sa dignité et qu’une justice lui rende son honneur, les élites congolaise doivent soutenir cette idée de justice et de solidarité. Ainsi la condamnation de Monsieur Hojeij (1) ne devrait souffrir d’aucune ambigüité. De même lorsque les biens d’une autre citoyenne sont injustement usurpés et confisqués tant bien même qu’une justice lui a reconnu dans ses droits, en l’occurrence Mme Cynthia Barrière,(2) résidente et commerçante à Pointe-Noire’ qui se plaint du non respect d’une décision du tribunal prise en sa faveur, le rôle de l’élite congolaise c’est de se lever pour dénoncer ces faits tant bien même que par les mots. L’absence d’explication et de soutien de nos élites envers les minorités est une erreur qui contribue à tripatouiller le jeu démocratique. Les minorités ne doivent jamais être réduites au silence. Elles doivent toujours avoir la possibilité d’exposer leur point de vue, de sorte que chacun puisse décider, après avoir entendu toutes les opinions, qui a raison et qui a tort.
« Cela étant dit, la force et l’efficacité de la démocratie repose sur l’attitude responsable d’acteurs avertis, capables de discernement et de maîtrise des principes sacro-saints qui fondent la démocratie et sans que cette vision ne dénie au peuple une quelconque intelligence, nous voulons dire que le bas niveau d’instruction de la majeure partie de la population ne facilite pas à créer les conditions pour réussir la qualité d’une démocratie véritable et dynamique. Et c’est d’autant plus vrai qu’on voit les gens adhérer aux structures politiques, non pas par conviction de principes idéologiques que leur aura préalablement expliqués (et on ne le fait pas d’ailleurs), principes auxquels on aura alors cru en toute liberté d’esprit ; malheureusement, c’est au nom de considérations subjectives qui sont de l’ordre des maux qui fragilisent les démocraties africaines et qui sont la région, la tribu, l’ethnie qu’on arrive presque toujours à partir dans un parti ».(3)
Lorsqu’une élite se lance dans la poursuite des vœux pieux en foulant aux pieds les vraies valeurs d’une démocratie cela dénote d’un manque patent et grave du sens de l’honneur teinté d’un mépris total que l’on porte sur ses compatriotes et surtout le grand aveu d’un abandon. On se retrouve devant une élite qui ne donne pas le bon exemple au peuple, comment peut-on contraindre un pouvoir défaillant de se mettre sur la voie saine et démocratique ? Devant un peuple constamment soumis a la pauvreté et une élite qui tire les ficelles déjà fragile l’on obtient sans étonnement un pouvoir qui abuse, oppresse, tétanise le peuple.
Nous estimons que la démocratie commence autour de la table familiale, que le pouvoir doit être partagé au foyer, entre les femmes et les hommes et, de là, jusqu’aux échelons les plus élevés de l’État congolais. C’est à l’élite congolaise de veiller à cela. Encore moins nous récusons le principe d’oppresser qui n’est jamais un remède à la pauvreté, et la liberté ne saurait être sacrifiée sur l’autel du développement. Un véritable développement tel que nous le concevons suppose que le peuple congolais s’affranchisse de l’oppression et de la pauvreté. Cela est possible avec une éducation appuyée par une élite responsable et ancrée dans un vrai processus de gestion responsable de la chose publique. Ce n’est qu’ainsi qu’une vraie démocratie pourra se propager et prendre racine à travers le jeu démocratique congolais transparent.
Les exemples de cette grave faillite des élites congolaises ne manquent sans doute pas. Mais ce qui importe, c’est que cette démission ne peut être rectifiée par les élites elles-mêmes, et que la tentative de contrebalancer ce manquement par une démocratisation forcée ne peut qu’aboutir à une désintégration désordonnée de la société congolaise. Notre pays ne verra pas d’élites plus responsables arriver au pouvoir, et celles qui s’y trouvent aujourd’hui ne commettront pas moins d’erreurs, elles n’agiront pas avec plus de détermination, elles ne défendront pas avec plus de volonté les intérêts congolais, tant que le cadre sanctionnant le comportement desdites élites, à savoir le respect des valeurs inscrites dans notre constitution, dans notre culture, dans nos fondements traditionnels n’aura pas été fondamentalement repensé. Mais ce débat est masqué par un choix fallacieux entre « démocratisation et ethnisation. » Dans ce contexte, le jeu démocratique est biaisée d’avance par une élite corrompue et manipulée sous l’autel d’un pouvoir qui asservi le peuple.
Gilles ONOUNGUI
…….(1) http://www.dac-presse.com/actualites/a-la-une/societe/389-laffaire-flore-barros-contre-hassan-hojeij-15-ans-de-reclusion-criminelle.html(2) http://congo-dechaine.info/content/letat-de-droit-en-disfonction-ou-la-guerre-des-pouvoirs-0(3) Réflexion: Décryptage de la Démocratie africaine : encore du chemin à parcourirÉcrit par ISSA HASSANE Censeur au Lycée de Tillabéry (Le Canard déchaîné N° 409 du 4 janvier 2009)