Brazzaville – Dans son avis N°002-ACC-SVC/15 du 17/09/2015, la Cour constitutionnelle estime article que : « Le président de la République est, sur le fondement de l’article 110 alinéa 3 de la constitution du 20 janvier 2002, en droit de consulter le peuple, par voie de référendum, sur l’évolution des institutions de la République. »
Comment la Cour constitutionnelle peut-elle se prostituer jusqu’à dénaturer la quintessence même de l’article 110 alinéa 3 de la constitution du 20 janvier 2002 qui visiblement est clair et précis ?
Il y a dans le cas d’espèce et dans le chef de la Cour constitutionnelle une dénaturation de la constitution du 20 janvier 2002 notamment l’alinéa 3 de l’article 110.
La dénaturation est le fait par le juge de modifier, sous prétexte de l’interpréter, le sens clair et précis d’un contrat ou d’une disposition légale. La dénaturation est un moyen de cassation; dans le cas d’espèce, elle est un moyen de révolte et d’insurrection du peuple souverain qui n’entend pas se laisser voler son pouvoir.
Au regard de l’article 110 alinéa 3 de la constitution du 20 janvier 2002, le président Denis Sassou Nguesso n’est pas en droit de consulter le peuple congolais par voie de référendum sur l’évolution des institutions de la République. En effet, les référendums dont parle l’article 110 alinéa 3 sont des référendums prévus par la constitution elle-même. Il ne s’agit pas de n’importe quel référendum comme veut nous faire croire la Cour constitutionnelle, mais des référendums prévus par la constitution du 20 janvier 2002. L’article 86 énumère les matières qui font l’objet du référendum; ce qui veut dire que les référendums peuvent être organisés sur les projets de loi énumérés par l’article 86 de la constitution.
L’évolution des institutions de la République ne fait pas partie des projets de loi qui doivent être soumis au référendum tel que le prévoit l’article 86. Le Président de la République n’a pas le droit de consulter le peuple par voie de référendum sur l’évolution des institutions de la République. Il ne peut consulter le peuple que sur les projets de loi énumèrent par l’article 86 de la constitution pour faire évoluer les institutions.
La Cour constitutionnelle a commis une grâce erreur dans son avis. En effet, elle n’a pas défini : « l’évolution des institutions de la République » et n’a pas cherché à savoir si cette évolution est garantie par la constitution. Elle a préféré inventer les choses qui n’existent pas au lieu d’interpréter strictement l’article 110 alinéa 3 de la constitution. Il n’y a pas eu de neutralité axiologique dans l’appréciation de la portée et du sens véritable de l’article 110 alinéa 3 de la constitution dans le chef de la Cour constitutionnelle. Dès lors, il est logique de parler d’une interprétation biaisée et erronée de l’article 110 alinéa 3 de la constitution du 20 janvier 2002.
L’article 43 de la loi n°9-2001 du 10 décembre 2001 portant le loi électorale telle que modifiée et complétée par les lois n°5-2007 du 25 mai 2007, 9-2012 du 23 mai 2012 et 40-2014 du 1er septembre 2014 qui stipule que « le référendum consiste à soumettre un texte ou toute question d’intérêt national à l’approbation de l’ensemble des citoyens» ne prime pas sur l’article 185 alinéa 3 de la constitution. D’ailleurs à propos de toute question d’intérêt national à soumettre à l’approbation de l’ensemble des citoyens, dont parle l’article 43 de la loi susmentionnée, il convient de soustraire tout ce qui fonde et renforce la démocratie et l’état de droit en l’occurrence : la limitation des mandats présidentiels, le respect de la loi et la garantie et la protection des droits de l’homme.
La question d’intérêt national dans le sens de l’article 43 de la loi précitée est celle qui garantit la sécurité du peuple congolais en lui permettant de mener une vie conforme à la dignité humaine et non celle qui satisfait l’égoïsme et la cupidité du Président de la République en lui permettant de se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple souverain en violant la loi fondamentale.
L’article 43 de la loi électorale susmentionné ne peut être cité dans le cas d’espèce pour dénaturer le sens et la portée de l’article 110 alinéa 3 de la constitution. Le raisonnement de la Cour constitutionnelle est biaisé, il se donne par conséquent à désirer.
La consultation des citoyens par voie de référendum sur l’évolution des institutions de la République au sens défini par la Cour constitutionnelle est anticonstitutionnelle. Cette consultation des citoyens est constitutionnelle si elle s’inscrit le cadre de ce que prévoit l’article 86 de la constitution. L’article 43 de la loi électorale susmentionnée ne peut servir d’appui pour organiser un référendum illégal c’est-à-dire non prévu par la constitution. La loi n’est pas supérieure à la constitution ; elle est soumise à celle-ci. On peut justifier la violation d’une loi supérieure et fondamentale en appuyant sur une loi inférieure modifiée le 1er septembre 2014 pour la circonstance et pour tromper le peuple congolais.
Si l’article 43 susmentionné ne s’inscrit pas dans ce que prévoit l’article 86 de la constitution du 20 janvier 2002, il est donc anticonstitutionnel, par conséquent il doit être abrogé.
Les questions d’intérêt national qui font l’objet d’un référendum, doivent être des questions énumérées par la constitution du 20 janvier 2002. En effet, si la question d’intérêt national n’est énumérée par la constitution, elle-même, elle ne peut faire l’objet d’un référendum s’il n’y a pas consensus national; une telle question est de nature anticonstitutionnelle.
La définition du référendum donne par l’article 43 de la loi électorale précitée permet de comprendre ce que vise un référendum légal c’est-à-dire prévu par la loi fondamentale et non de justifier un référendum illégal et non prévu par la constitution sur l’évolution des institutions de la République.
L’évolution des institutions est une expression vague qui cache dans le cas d’espèce l’intention du Président de la République de violer la constitution du 20 janvier 2002 afin de s’octroyer un troisième mandat. L’évolution des institutions dans le cas du Congo ne peut se faire que dans les cas prévus par la constitution, elle-même.
Le Président Denis Sassou Nguesso n’est pas, sur le fondement de l’article 110 alinéa 3, en droit de consulter le peuple par voie de référendum sur l’évolution des institutions de la République. L’article 110 alinéa 3 parle de façon claire et précise des référendums prévus par la constitution elle-même.
Il n’y a pas lieu pour la Cour constitutionnelle d’inventer une interprétation de l’article 110 alinéa 3 pour plaire à Denis Sassou Nguesso et à son clans.
L’avis de la Cour constitutionnelle est nul, car il dénature le sens et la portée véritable de l’article 110 alinéa 3 de la constitution du 20 janvier 2002.
Maître Céleste Ngantsui
Représentant du MCROC auprès de la Belgique et de l’Union Européenne.