le-pool-300x245-8683635Par :  Patrick Eric MAMPOUYA

« Le Pool, encore le Pool, toujours le Pool ! Mais quel donc est le problème du Pool ? » Se lamentaient un journaliste et un député parlementaire du PCT à la télévision congolaise.

Le département du Pool est l’un des départements de la République du Congo, situé dans le Sud du payas. Sa population est estimée à 236 595 hab. (est. 2007) sur superfices de 33 955 km². Le chef-lieu du département est Kinkala.

Son nom fait référence au Pool Malebo, le lac formé sur le cours inférieur du fleuve Congo au niveau de la capitale Brazzaville. Les districts qui composent le département du Pool sont : Boko, Goma Tsé-Tsé, Igné, Kindamba, Kinkala, Kimba, Louingui, Loumo, Mayama, Mindouli, Kibosi, Loulombo, Kinkembo, Linzolo, Mbandza-Ndounga, Ngabé et Vindza.

N’en déplaise à certains détracteurs, le Pool est et reste la locomotive de la République du Congo comme l’avait si bien identifié le Président Pascal Lissouba. La marginalisation des ressortissants de ce département et la guerre en cours dans cette région le prouvent encore.

Le Pool et ses ressortissants sont un monde de mystères, de préjugés, d’incompréhension pour les autres, et parfois pour eux-mêmes. Ce peuple qui refuse d’adopter les langues nationales, qui conteste tous les pouvoirs même les plus terrifiants ou les siens propres, qui poursuit sa logique politique, sa vision de la libération. Ecrasé à plusieurs reprises, maintenu loin des cercles de pouvoir et d’argent mais pourtant qui ne baisse pas les bras. Fanatiques et contestataires, fêtards et austères, régionalistes et nationalistes, migrants partout et concentrés chez eux, sont autant de qualificatifs contradictoires qu’on leur affuble.

Tentons de comprendre ce qui motive le groupe Kongo/lari du Pool en adoptant une approche de psychologie historique.

Les Kongo/lari ont gardé dans leur mémoire collective les séquelles d’un exode long et difficile depuis l’Angola. Chassés par les Portugais parce qu’ils refusaient de perdre leur royaume, ils se sont retrouvés, une fois arrivés sur les terres de l’actuel Congo-Brazzaville, face à de nouvelles injustices subies de la part de la colonisation française qui débutera peu après. Comme la plupart des peuples ayant connu l’errance, tels que les juifs, leur mémoire et leur identité se sont entretenues dans une langue, une foi et un mythe politique.

La langue, le lari, a perduré avec une vitalité extraordinaire, finissant par intégrer tous ceux qui au départ, croisés sur le passage ou trouvés à l’arrivée parlaient d’autres idiomes comme le hangala, le sundi de Mpangala, le sundi de Louingui, le manianga, le téké, le nkengué, le dondo, le babi, le baboma, le tyo, le kizombo, le kindibu etc. Ainsi, contrairement à la caricature d’une langue fermée, le lari est en réalité le premier exemple réussi d’une intégration ethno-linguistique qui a fusionné un tiers de la population congolaise lui faisant renoncer à toute autre identification tribale. Dans certains quartiers homogènes de Brazzaville sud, il est quasiment interdit de s’exprimer en d’autres langues. Le lari est y élevé au rang de langue nationale. Dans le Pool on s’exprime en lari.

La foi, un syncrétisme entre christianisme et cultes anciens est elle aussi demeurée centrale. Le groupe ayant fourni les plus gros contingents des premiers prêtres et pasteur mais a aussi développé de nombreux cultes locaux encore très dynamiques de nos jours, appelés Ngunza, Bula Mananga… Surtout, le groupe kongo/lari a ancré en lui un mythe politique. Ce mythe est né dans l’espérance de former de nouveau une société idéale et équilibrée où règneront justice, intégrité, liberté et prospérité, situation perdue au royaume de Kongo.

La promesse de recouvrer cette « terre promise » se résume chez les kongo/lari par le vocable « Bô kwa bu tâ ta », traductible par « notre serment tient toujours », sous entendu, la lutte pour cette société idéale. Cet objectif est à la fois porté comme une mission sacrée de chacun, une dette envers les aïeux (biba) et une responsabilité face aux descendants. Il se nourrit et se régénère dans la conscience collective par les faits épiques des combattants politiques héroïsés qui n’ont jamais cessé de surgir dans chaque génération et à travers toute l’histoire de ce groupe.

Kimpa Vita est la vraie fondatrice de cette quête de renaissance politique. Elle lui a donné sa dimension mystique et le sens prophétique dans l’espérance en un leader qui ramènera l’équilibre dans la société. Mabiala Mâ Nganga lui a apporté son aspect guerrier. Bueta Mbongo son sens économique. Matsoua, l’ouverture à tous les autres peuples de la contrée (jusqu’au Tchad et dans tout l’AEF de l’époque). Youlou, la dimension du développement. Bernard Kolélas celle de la démocratie, etc, chaque génération cumulant les héritages de ses prédécesseurs. Demain, ou peut-être déjà, les Diawara, Willy Mantsanga ou Ntumi intègreront ce panthéon sans trop que l’on ne se souvienne pour quoi, pour qui et pour quels intérêts combattaient-ils, mais restera gravée la leçon de bravoure de ces hommes qui au péril de leur vie auront défendu un idéal politique.

Ainsi donc, le fanatisme tant décrié du Pool est relatif à la poursuite acharnée de cet idéal, et non comme certains le confondent, dans le soutien à un homme ou à un parti politique. Le leader politique n’est ici que le meneur de cette mission et non la source. Il est couramment dénommé « Wo kula Kongo », celui sauvera (ou libérera) le Congo. D’où les identifications à Moïse par exemple de certains leaders. Cette notion de Kula Kongo, toute aussi sacrosainte remonte à Kimpa M’vita, qui en 1702 donna ce titre au futur Pierre IV (N’samu Mbemba), alors prétendants au trône, avec la mission de reconstituer le royaume, que la guerre civile ravageait alors depuis 40 ans.

Il faut également comprendre que dans la vision géographique et humaine Kongo/lari actuelle, les termes kôongo, Kongo et Congo renvoient tous exactement à la même réalité. Partout où des hommes s’identifient ainsi ou font partie d’une contrée qui en accepte le nom, ils sont pris pour frères et égaux, ayant droit d’aspirer au même rêve et d’en jouir des fruits. En revanche, le kongo/lari accepte d’être en première ligne pour défendre ce rêve avec tous les risques que cela induit, pour le bien commun de l’entité Congo, voire de l’Afrique selon l’apport de André Grenard Matsoua.

Voilà pourquoi le Pool, encore le Pool, et toujours le Pool est aux avant-gardes des luttes pour la liberté, prêt au sacrifice de son sang pour les valeurs communes (kintuari) au service du bien être collectif. C’est ce qui explique cet engagement politique et patriotique sans borne de ses ressortissants. C’est ainsi que ses leaders reconnus porteurs de la promesse (kula kongo) ont mené des campagnes politiques totalement financées par la population, qui s’engage facilement par le bouche à oreille, alors qu’en face d’eux, sans les soutiens étrangers, les caisses publiques, la confiscation des médias, il leur était impossible d’exister. C’est pourquoi l’impulsion des marches, les protestations, les émeutes, les rebellions viennent toujours du Pool qui ne peine pas à recruter. C’est cette foi, cet idéal, cette conscience politique transmise de génération en génération, vivifiée par les résistants sans interruption depuis plus de trois siècles, qui font la différence. C’est pourquoi le Pool n’est toujours pas vaincu malgré les bombardements, les brimades sociales, la famine imposée, les viols, l’illettrisme délibérément organisée, la corruption d’une certaine élite, les assassinats et exils contraints.

Le Pool produira toujours des résistants parce que c’est sa raison d’être, c’est inscrit dans son ADN philosophique, c’est ce qui justifie son être : Bo kwa bû tâ ta, jusqu’à la victoire des valeurs d’équilibre sociale !

Une fois compris cela, ne peut y voir un mal que ceux qui sont contre ces valeurs.

pam-300x300-8406301 Patrick Eric MAMPOUYA

Patrick Eric Mampouya