Les nouvelles macro-financières concernant la zone CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) ne sont pas bonnes. Toutes les économies de cette zone sont confrontées à des déficits budgétaires et publics, et à une mauvaise gouvernance macro-financière. Ces pays (Tchad, Congo-Brazzaville, RCA, Gabon, Guinée équatoriale) pilotent leurs économies respectives à partir du pétrole dont ils font la ressource de base pour leurs recettes budgétaires en plus d’autres recettes provenant de matières premières agricoles et minérales.

Malgré les injonctions du Fonds monétaire international et des plans nationaux de développement dans ces pays qui mettent l’accent sur la diversification économique, force est de constater que la problématique de la diversification est plus politique et théorique que réelle. Sur le plan de l’action économique, ces pays essaient de créer des structures comme les zones économiques spéciales, les parcs industriels et agricoles, ce qui ne conduit pas à l’efficience car ils sont confrontés à plusieurs contraintes qu’ils ne mettent pas sur la table pour des raisons politiques, comme la formation des personnels, l’expérience technologique, la maîtrise des intrants et extrants liés aux questions de diversification économique, que celles-ci portent sur l’industrie, l’agriculture, les services ou d’autres domaines d’activité.

Le Franc CFA au service des entreprises françaises en Afrique

La plupart des pays de la zone CEMAC ont une monnaie, le Franc CFA, qui les lie à la France depuis fort longtemps. Depuis les indépendances, les responsables politiques des pays de la zone CEMAC ont bénéficié de la convertibilité et de la transférabilité intégrales entre le Franc français et le Franc CFA. Ces deux opérations économiques ont permis des transferts illégaux de fonds et ont favorisé la corruption. Les conditions macro-financières exigeantes entre le Franc CFA et le Franc français (dépôt obligatoire de 50% des devises auprès du Trésor français -revu à la baisse-, surveillance des indicateurs monétaires, discipline monétaire exigée par la France) n’ont pas favorisé le développement économique des pays africains de la zone CEMAC en privilégiant les entreprises françaises. La France n’a jamais souhaité un développement économique et industriel des pays africains, ce que les dirigeants de ce pays ont parfaitement compris pour se maintenir au pouvoir et pour exiger des entreprises françaises une compréhension et un consentement aux dérives monétaro-financières dans la plupart des pays africains francophones grâce aux grandes entreprises françaises d’exploration pétrolière, comme Total, qui ont la réputation d’assurer les fins de mois de certains pays de la zone CEMAC.

La dévaluation de 1994 appelle-t-elle une autre dévaluation en décembre 2017 ?

La dévaluation de 1994 du Franc CFA n’a pas mis un coup d’arrêt à ces pratiques mais a permis à la France d’avertir ses partenaires africains sur leurs pratiques macro-financières légères. La France a procédé à cette dévaluation avec la bénédiction de l’Allemagne dans la mesure où la France se préparait à entrer dans une monnaie commune européenne pilotée par l’Allemagne. L’Allemagne a accepté l’existence du Franc CFA car la France s’en est portée garante et elle a présenté à ses partenaires européens la question du Franc CFA comme une problématique interne liée au Trésor français et qui n’aurait pas d’incidence sur l’Euro. Voilà pourquoi l’accord de l’Allemagne a permis une relation fixe entre l’Euro et le Franc CFA. Il a été demandé à la France d’être la garante de ce pilotage monétaire. La dévaluation qui est un changement de parité vis-à-vis d’une monnaie-ancre, le Franc français, a eu des conséquences négatives sur les économies de la zone CEMAC, non travailleuse et incapable de se diversifier économiquement.

Les différences entre les zones CEMAC et BCEAO peuvent accélérer la dévaluation

Il y a aujourd’hui une divergence entre la zone CEMAC et celle de la BCEAO (zone rassemblant les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest). Il existe aujourd’hui deux CFA inconvertibles, celui de l’Afrique de l’Ouest et celui de la CEMAC à cause des résultats macroéconomiques plus favorables dans la zone BCEAO que dans la zone CEMAC. Avec la mauvaise gouvernance, l’absence de structure de séparation entre les différents déficits de l’Etat, des collectivités locales et des réponses à apporter, une dévaluation dans la zone CFA est inéluctable car la France se lasse d’apporter les devises nécessaires aux opérations économiques de la zone CEMAC pour suppléer les insuffisances de gouvernance économique dans ces pays. Certains économistes africains disent que c’est la zone Franc qui est responsable du malheur des pays de la CEMAC en particulier et de la zone Franc en général. Ils occultent les problématiques de la mauvaise gouvernance politique et financière, de l’absence d’industrie exportatrice et de structures économiques solides dans ces pays. Ils sont victimes d’une illusion monétaire et d’un voile qui fait que c’est la monnaie qui crée la richesse, alors que c’est le travail est au cœur de celle-ci. La monnaie en zone CEMAC pose problème, ainsi que les nombreux déficits budgétaires et publics.

Et si le Président Macron avait raison de dire  « Si on ne se sent pas heureux dans la zone Franc, on la quitte et on crée sa propre monnaie comme l’ont fait la Mauritanie et Madagascar. Si on y reste, il faut arrêter les déclarations démagogiques, faisant du Franc CFA le bouc-émissaire de vos échecs politiques et économiques, et la France la source de vos problèmes » ?

Lucien PAMBOU