Le mal aurait même gagné les départements les plus éloignés des deux principales villes. D’où proviennent les désaccords ? Dans sa brochure intitulée « Le cadre juridique de la propriété foncière » (Brochure réalisée en Décembre 2010, avec le soutien du Programme Concerté Pluri-acteurs (PCPA Congo) dont le chef de file est le Comité Français pour la Solidarité Internationale (CFSI) du Ministère des Affaires Étrangères et Européennes et l’Agence Française de Développement (AFD), le Collectif des Originaires du Kouilou (C.O.K) retrace, en trois grandes étapes, l’historique de la propriété foncière au Congo Brazzaville.
1. Avant l’indépendance, la terre appartient à l’État français. Un régime particulier est mis en place pour les indigènes, dont les biens sont régis par les coutumes et les usages locaux. Les indigènes n’ont droit qu’au permis d’occuper;
2. De 1960 à 1991, l’État congolais devient seul propriétaire du sol. La propriété privée est abolie;
3. Depuis 1991, l’acte fondamental du 4 juin 1991 garantit la propriété et le droit de succession dans son article 11. C’est la réhabilitation du droit foncier en général, des droits coutumiers en particulier. Mais, cette décision de la Conférence nationale n’est pas immédiatement suivie de textes d’application, ce qui laisse les propriétaires fonciers prendre l’initiative. L’absence d’un cadre juridique réglementant le droit foncier, le coutumier en particulier, donne lieu à des comportements anarchiques. Les prétentions sans bornes des propriétaires fonciers se heurtent à la souveraineté de l’État.
Depuis décembre 2000 cependant, l’adoption d’une dizaine de lois et la promulgation d’une douzaine de décrets témoignent, s’il en était besoin, de la préoccupation du gouvernement et de sa volonté de remettre de l’ordre dans cette situation. Mais, combien de Congolais sont au fait de cet impressionnant arsenal juridique ? Qui relaie cette information et la communique aux citoyens congolais, pour qu’ils connaissent leurs droits, mais aussi leurs obligations et qu’on aboutisse à un consensus national ?
Ces mesures, en effet, n’intéressent pas seulement les détenteurs de droits fonciers coutumiers, mais aussi les propriétaires de terrains bâtis ou non et tous ceux qui souhaitent accéder à la propriété immobilière, c’est-à-dire tous les Congolais, voire même les expatriés qui investissent dans le développement du Congo. Il s’agit, donc, d’un problème national.
Auprès du chef de l’État, j’ai, bien entendu, plaidé pour une approche qui favorise la communication, l’éducation et la négociation. Mais, comment promouvoir cette démarche dans notre société fermée à tout débat ? Peut-on s’y concerter sereinement, sans arrière-pensée ni a priori ?
Dans son article « Le dialogue de sourds entre les pouvoirs publics et les propriétaires terriens », paru dans « La Semaine Africaine » du mardi 3 mai 2011, page 3, le père Christian de la BRETESCHE, ouvre des pistes de réflexion qu’il conviendrait d’approfondir et auxquelles le C.O.K adhère totalement. Il cible quatre catégories d’acteurs :
1. l’État (administration);
2. les collectivités locales;
3. les familles propriétaires fonciers;
4. les nouveaux propriétaires urbains et ruraux.
Je ne parlerai que de ce qui relève de l’État et de la famille.
L’Administration
En sa qualité de chef de l’État, le président de la République a, naturellement, insisté sur le rôle dévolu, dans cette entreprise, à l’administration, instrument par excellence de la politique de l’État.
Mais, mis à part le ministre de tutelle, qui, dans notre administration cloisonnée, se soucie d’éduquer et de dialoguer ?
Bien plus, comme chacun sait, c’est avec la complicité de certains agents du cadastre que les terriens « lotissent » à tout va. Quel sort est réservé à ces agents ?
La conservation foncière, elle, s’efforce, tant bien que mal, de préserver le patrimoine sous sa protection. Il n’empêche qu’il lui arrive d’accorder des titres fonciers à l’intérieur d’autres titres fonciers.
Quel recours ont alors les détenteurs des premiers titres ? La justice ? N’a-t-elle pas, dans certains cas fameux, entériné cette infraction, créant ainsi un précédent fâcheux et embarrassant ? Par ignorance des textes ? Sans compter que même lorsque les terrains à immatriculer se trouvent à Pointe-Noire, c’est à Brazzaville que se fait l’immatriculation. C’est donc là-bas qu’il faut envoyer l’original de son titre foncier.
Quand on sait avec quelle facilité déconcertante les dossiers s’égarent dans notre fonction publique, l’on est en droit de nourrir certaines frayeurs. Comment, dans ces conditions, faire confiance à une administration que tout le monde sait, par ailleurs corrompue et impunie ? Est-elle vraiment au service de tous les Congolais ou seulement des plus nantis, ceux qui peuvent payer ?
C’est la question que se posent les Congolais depuis que, dans notre pays, se développe une classe de privilégiés improductive qui s’enrichit de jour en jour, tandis que les plus pauvres s’appauvrissent tous les jours un peu plus. Pour nombre d’entre eux, la terre reste le seul bien qu’ils possèdent encore. Doivent-ils y renoncer sans une contrepartie qui leur garantit un minimum de sécurité ?
Nous touchons, là, au crucial problème de la répartition de la richesse nationale et à la nécessité d’un partage plus équitable des fruits de la croissance. C’est là un aspect de la question qui ne saurait être éludé, si l’on recherche véritablement un accord consensuel.
Une Administration de Proximité ?
Une administration de proximité serait incontestablement un atout. Le temps n’est-il pas venu de jeter les bases d’une décentralisation portée par une démocratie participative, effectivement associée à la construction et à la gestion des villes et des villages dont elle serait l’émanation ?
Aujourd’hui, bien qu’en principe, la mairie soit responsable des permis de construire, ce sont d’autres instances qui délivrent ces autorisations et personne ne consulte la mairie, ni ne lui demande quoi que ce soit. Elle n’intervient donc pas dans la création des communes dont elle doit, pourtant, répondre. C’est ainsi que, faute d’un contrôle unanimement reconnu et intériorisé par tous, le plan directeur de la ville de Pointe-Noire a été complètement saboté depuis l’indépendance, donnant naissance à une ville aride et inhumaine.
Or, n’est-ce pas pour les populations que s’édifient les villes et les villages ? Ne serait-ce pas normal de les impliquer dans la création et l’entretien de ce qui constitue leur milieu de vie ?
Cette collaboration nécessite, il va sans dire, une autre conception de la collectivité locale et des rapports de confiance entre pouvoirs publics et administrés, ainsi qu’entre électeurs et élus. Encore faudrait-il que ces derniers soient effectivement choisis par les populations elles-mêmes et qu’ils soient tenus de rendre compte à leurs mandants ! La concertation en serait facilitée et le climat d’échanges qui s’instaurerait permettrait l’éclosion d’une nouvelle citoyenneté plus attentive au bien commun et plus solidaire.
Les familles
Car, même notre traditionnelle solidarité commence à être mise à mal dans nos sociétés, singulièrement dans les familles. Du fait de la paupérisation et de la crise de l’emploi, qui frappe surtout les jeunes, la méfiance qui entoure, aujourd’hui, les institutions, s’étend jusqu’à la famille.
Le lien séculaire qui unissait les aînés aux cadets s’effrite. Les jeunes s’insurgent contre les vieux qu’ils tiennent pour responsables de la précarité de leur existence. Contrairement à leurs aînés dont la vie était, en quelque sorte balisée, eux se débattent dans un quotidien sans avenir.
Naguère, l’État garantissait des soins gratuits, une école gratuite et même un emploi. Plus rien de tout cela ne leur est offert aujourd’hui. Les cadets en conçoivent de l’animosité envers leurs aînés qu’ils accusent volontiers de sorcellerie. Ce sont eux qui, bien souvent, exigent de vendre l’héritage immobilier que leur ont légué les ancêtres, afin d’en avoir leur part qu’ils s’empressent de brader pour leur seule survie, toute perspective d’avenir leur étant interdite.
Comment, dans ce contexte, envisager une gestion moderne des terres, même si à terme, elle s’avère plus rentable pour les propriétaires fonciers? Peut-on demander à une jeunesse, dont l’avenir est bouché, d’attendre ? Attendre quoi ?
Ce sont là autant de questions que soulève la réforme foncière que le gouvernement souhaite mettre en place. Ainsi que le suggère le père Christian, elle nécessite qu’une cellule de communication et de recherche pluridisciplinaire soit créée. Cette approche ralentira, peut-être, la mise en œuvre prévue. Mais, l’avenir du Congo Brazzaville ne vaut-il pas qu’on lui consacre un peu de temps ?
Le C.O.K, pour sa part, s’investit déjà dans la vulgarisation des textes promulgués et serait disposé à assurer la médiation entre les différents acteurs. On aboutirait ainsi à un consensus national qui sauvegarde le plus beau fleuron de notre héritage commun : la solidarité.
PS : Conflit foncier à Bilolo 20/07/2011
Un conflit foncier oppose le prophète Arsène William NGUENDI aux familles KIYOUNA, OBIA et TSOULOUMBA. Ils se disputent 72 hectares de terre, soit 1800 terrains à Bilolo (banlieue nord de Brazzaville).
Le prophète William NGUENDI revendique la propriété de ces terrains qu’il aurait acquis depuis 20 ans. Ces trois familles également revendiquent ces terrains qu’elles auraient achetés auprès des enfants et petits-enfants du même propriétaire foncier aujourd’hui décédé.
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Loi N° 11-2004 Du 26 mars 2004 portant procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique.
L’assemblée nationale et le sénat ont délibère et adopté ; le président de la République promulgué la loi dont la teneur suit :
Titre I : Dispositions Générales
Article premier : l’expropriation est une procédure qui permet à la puissance publique d’obtenir sous forme de cession forcée, à son profit, de tout ou partie d’un bien immobilier en vue de la réalisation d’un objectif d’utilité publique et moyennant le paiement d’une indemnité juste et préalable.
Article 2 : Peuvent faire l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique, sans que cette énumération soit limitative : les terrains nus, aménagés, bâtis, cultivés ou plantés, nécessaires à la réalisation de tous travaux publics et tous autres travaux et ouvrages d’intérêt public avéré.
Article 3 : Le terme expropriant désigne les personnes publiques ou privées concessionnaires de travaux ou d’ouvrages d’utilité publique qui déclenchent la procédure d’expropriation.
Titre II : Du Déroulement de l’Expropriation
Chapitre I : De la Phase Administrative
Article 4 : L’expropriation comprend la phase administrative et la phase judiciaire.
Article 5 : La phase administrative comprend :
– L’enquête préalable ;
– La déclaration d’utilité publique ;
– L’enquête parcellaire ;
– L’acte de cessibilité et de la réquisition d’emprise totale.
L’ouverture de cette enquête est annoncée par la publication d’un avis au journal officiel par affichage et par tous autres moyens de communication. Pendant cette période, toute personne intéressée peut formuler des observations.
Section I : De l’Enquête Préalable
Article 6 : L’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique est une procédure administrative dont l’objet est d’informer le public intéressé et de le consulter sur un projet susceptible de donner lieu à expropriation.
Article 7 : Les dossiers comprenant les plans, les devis et les avant-projets doivent être déposés dans les mairies ou les chefs-lieux des circonscriptions administratives concernées par les travaux pour consultation pendant quarante jours à compter de la date de dépôt.
Article 8 : Les conditions d’organisation de l’enquête préalable sont fixées par décret du président de la République.
Section II : De la Déclaration d’Utilité Publique
Article 9 : La déclaration d’utilité publique est l’acte par lequel la puissance publique affirme que la réalisation d’une opération présente un intérêt général suffisant, pour justifier le recours à la procédure d’expropriation.
Article 10 : La déclaration d’utilité publique constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.
Article 11 : L’utilité publique est déclarée par un décret ou un arrêté ministériel qui en fixe la durée de validité, la nature des travaux, le périmètre concerné et le délai pendant lequel l’expropriation devant le juge administratif.
Ce délai ne peut être supérieur à trois ans. Toutefois les effets de la déclaration d’utilité publique peuvent être prorogés par décret ou arrêté ministériel pour une durée n’excédant pas deux ans. Passé ce délai, la procédure d’expropriation est nulle.
Les délibérations des Conseils départementaux et municipaux portant sur une mesure d’expropriation, doivent à peine de nullité, respecter les dispositions de la récente loi.
Section III : De l’Enquête Parcellaire
Article 12 : L’enquête parcellaire permet à l’administration de déterminer contradictoirement les parcelles à exproprier, d’en rechercher les propriétaires, les circulaires des droits réels immobiliers et d’autres intéressés.
L’expropriant dresse le plan parcellaire, expertise les éléments qui matérialisent les mises en valeur et procède au bornage du terrain.
Article 13 : L’enquête est menée par une commission composée :
a) de l’autorité du département intéressé ou son représentant ;
b) de la représentation du ministère en charge des affaires foncières qui assure le secrétariat ;
c) des membres représentant les administrations suivants :
– les impôts ;
– le cadastre ;
– l’urbanisme ;
– l’agriculture ;
– la collectivité locale.
d) des représentations des sociétés suivantes :
– les sociétés de distribution d’eau ;
– les sociétés de distribution d’électricité ;
– les sociétés de transport ;
– les sociétés chargées des télécommunications.
Article 14 : L’administration du cadastre dresse, dans un délai de deux mois, contradictoirement, avec les propriétaires intéressés un état de lieux. Elle réunit tous les documents et les renseignements propres à éclairer la commission prévue à l’article 13 de la présente loi.
Section IV : De l’Acte de Cessibilité et de la Réquisition d’Emprise Totale
Article 15 : Le décret ou l’arrêté ministériel de cessibilité est l’acte par lequel l’autorité compétente dresse la liste des parcelles à exproprier, ainsi que les droits réels immobiliers qui y sont grevés. Cet acte doit être précédé d’une enquête parcellaire. Il constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif.
Sous-section I : De l’Acte de Cessibilité
Article 16 : L’acte de cessibilité est constitué par un ou plusieurs décrets ou arrêtés ministériels qui désignent les propriétés auxquelles l’expropriation est applicable si cette désignation ne résulte pas du décret portant déclaration d’utilité publique.
Article 17 : Dans l’un ou l’autre cas, l’acte de cessibilité vise la portion des propriétés effectivement englobées dans l’ouvrage ou indispensables à l’opération.
Il peut viser en outre, soit en totalité, soit en partie, la portion restante de ces propriétés ainsi que les propriétés avoisinantes lorsque l’expropriation en est jugée nécessaire dans l’intérêt de l’hygiène ou de l’esthétique, ou dans le but de mieux atteindre les besoins d’utilité publique envisagés.
Article 18 : Dans le cas des dispositions prévues à l’article 17 de la présente loi, l’acte de cessibilité indique le mode d’utilisation des parcelles qui ne seront pas incorporées effectivement à l’ouvrage ou indispensables à la réalisation de l’opération.
Dans le cas d’opération d’aménagement foncier, la portion de propriété réputée frappée d’expropriation est une portion de l’ancien fond d’une surface égale à la différence de surface entre celui-ci et le nouveau fond.
Article 19 : A partir de l’inscription de l’acte de cessibilité sur les registres de la conservation foncière et des hypothèques, aucune modification ne peut être apportée aux immeubles visés dans ledit acte de manière à augmenter leur valeur.
A compter de la même date les dits immeubles ne peuvent être ni aliénés, ni grevés de droits réels. En outre, les conventions passées postérieurement à la date de l’acte de cessibilité entre le propriétaire et les acquéreurs sont nulles.
Article 20 : L’acte de cessibilité est publié au journal officiel et notifié par l’expropriant aux expropriés ou à leurs représentants dûment mandatés. Dans le délai de quinze jours à compter de la date de ces publications et de ces notifications, les propriétaires intéressés sont tenus de faire connaître les titulaires de droits personnels ou réels de toute nature sur leur immeuble, faute de quoi, ils restent seuls responsables envers ces derniers des indemnités que ceux-ci pourraient réclamer.
Article 21 : L’expropriant requiert l’administration de la conservation foncière et des hypothèques, pour la délivrance d’un état des inscriptions, charges ou droits réels grevant l’immeuble désigné dans l’acte de cessibilité.
Article 22 : Passé le délai de quinze jours tel que prévu à l’article 20 de la présente loi et au plus tard avant l’expiration d’un nouveau délai d’un an, l’expropriant saisit par requête la commission de conciliation dont la composition sera fixée par décret.
Article 23 : Les membres de la commission de conciliation doivent, avant de prendre leurs fonctions, prêter serment devant le tribunal de grande instance.
Les modalités de ce serment seront fixées par décret du président de la République.
Article 24 : Dans la quinzaine du dépôt de la requête, la commission de conciliation invite les parties à comparaître. Celles-ci peuvent comparaître en personne ou par mandataire. Le mandataire doit être muni d’une procuration.
Article 25 : La commission constate ou cherche à réaliser l’accord des parties sur le montant de l’indemnité à calculer d’après les bases spécifiées à l’article 35 de la présente loi.
Article 26 : En cas d’accord, il est dressé un procès-verbal de cession amiable. En cas de désaccord, il est dressé un procès-verbal de refus de cession amiable.
Article 27 : La commission ou des parties peuvent, le cas échéant, être assistées d’un interprète et d’un expert lesquels signent également le procès-verbal.
Article 28 : Le défaut de comparution ou de représentation d’une partie après trois convocations, fait présumer son refus de cession amiable. La commission doit s’assurer que la partie défaillante ou non représentée a été saisie en personne ou à domicile, et que sa non-comparution n’est pas justifiée par un cas de force majeure.
Sous-section II : De la Réquisition d’Emprise Totale
Article 29 : Le transfert de propriété peut être réalisé soit par voie d’accord amiable, soit par décision du juge de l’expropriation. La cession amiable peut intervenir avant même que la déclaration d’utilité publique ait été prise ; ce qui évite la mise en œuvre de la procédure d’expropriation et de la réquisition d’emprise totale. Dans ce cas, il est établi un contrat de vente soumis aux conditions de droit commun, susceptible d’être attaqué devant le juge civil.
La cession amiable peut intervenir après que la déclaration d’utilité publique et même l’arrêté de cessibilité aient été pris.
Chapitre II : De la Phase Judiciaire
Section I : De la Juridiction et de la Compétence
Article 30 : Lorsque l’expropriant laisse à l’exproprié une partie inutilisable, celui-ci peut contraindre l’expropriant à acquérir la partie restante.
Article 31 : A défaut de cession amiable, l’expropriant saisit le juge de l’expropriation, qui est le tribunal de grande instance du ressort dans lequel est situé l’immeuble, pour prononcer l’expropriation et fixer l’indemnité.
Article 32 : Le juge convoque toutes les parties intéressées, dans les huit jours de sa saisine, et leur notifie toutes mesures utiles pour une bonne administration de la justice.
En cas de transport sur les lieux, il dresse un procès-verbal de description qui contient, outre les déclarations des parties, les explications orales des experts qui les assistent.
Article 33 : En cas de désaccord, le juge dresse un procès-verbal de non conciliation qui fait ressortir les motifs du désaccord.
Article 34 : Tous les procès-verbaux doivent être signés par le juge, le greffier ainsi que les intéressés.
Section II : De la Fixation de l’Indemnité
Article 35 : En cas de non conciliation, et si l’expropriant a accompli toutes les formalités administratives prévues aux articles 29 à 32 de la présente loi, le tribunal rend une décision d’expropriation dans laquelle il fixe le montant de l’indemnité conformément aux avis des experts désignés par les deux parties et aux dispositions de l’article 36 de la présente loi.
Article 37 : Lorsque l’indemnité définitive est supérieure à l’indemnité provisoire, le complément doit être payé sous peine d’intérêts moratoires dans les deux mois de la décision en dernier ressort. Cette décision prescrit le versement aux intéressés de tout ou partie de la somme consignée.
Article 38 : L’indemnité d’expropriation est fixée d’après la consistance des biens à la date du procès-verbal de constat de l’état des lieux.
Toutefois, les améliorations de toute nature qui auraient été apportées aux biens, antérieurement au dit procès-verbal, ne donnent lieu à aucune indemnité si, en raison de l’époque à laquelle elles l’ont été, ou de toutes autres circonstances, il apparaît qu’elles auraient été réalisées dans le but d’obtenir une indemnité plus élevée.
Sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations postérieures à l’ouverture de l’enquête préalable telle que prévue à l’article 5 de la présente loi.
Article 39 : Les biens sont estimés, en fonction de la valeur qu’ils ont acquise, en raison de leurs possibilités d’utilisation effective un an avant l’ouverture de l’enquête préalable.
Toutefois, si un plan d’urbanisme ou d’aménagement modifiant les possibilités d’utilisation effective de la zone intéressées a été approuvé depuis moins de cinq ans à la date d’ouverture de l’enquête susvisée, les possibilités à prendre en considération sont celles qui existaient un an avant cette approbation.
Pour l’appréciation de la valeur des biens à la date de référence, il n’est pas tenu compte des changements de valeur subis par ces biens, même s’ils sont établis par actes de vente, notamment s’ils ont été provoqués par :
– la connaissance des travaux ou opération ayant fait l’objet de la déclaration d’utilité publique ;
– la perspective de la modification des règles d’utilisation du sol.
Article 40 : Le montant de l’indemnité s’appliquant aux immeubles et droits réels ne peut excéder la plus récente estimation figurant dans les contrats portant sur ces immeubles ou ces droits réels, ou dans les déclarations souscrites en vertu de la législation fiscale, pourvu que l’estimation ne date pas de plus de cinq ans par rapport à la date d’ouverture de l’enquête préalable.
Toutefois, il est tenu compte des modifications justifiées dans la consistance desdits immeubles ou de l’état des lieux.
Article 41 : Dans tous les cas, l’estimation effectuée est révisée en fonction de la variation du coût de construction entre la date de référence ou date de l’estimation, et la date de la fixation de l’indemnité telle qu’elle résulte de l’index pondéré de la série des prix homologués par l’Etat.
L’indemnité ne peut comprendre un dommage incertain, éventuel ou indirect.
Article 42 : Il est accordé des indemnités distinctes aux intéressés qui les demandent à des titres différents.
Toutefois, dans les cas d’usufruit, une seule indemnité est fixée et le nu propriétaire et l’usufruitier exercent leurs droits sur le montant de cette indemnité.
Article 43 : Le propriétaire d’un bâtiment frappé en partie d’expropriation peut en exiger l’acquisition totale, dans les 15 jours de la notification faire par l’expropriant, en vue de la fixation de l’indemnité, si la partie restante n’est plus utilisable par l’exproprié dans les conditions normales. Il en est de même du propriétaire d’un terrain qui, par suite du morcellement, se trouve réduit au quart de la contenance totale à la tripe condition :
a) qu’il ne soit propriétaire d’aucun terrain immédiatement contigu ;
b) que la parcelle ainsi réduite soit inférieure à un are ;
c) qu’elle ne soit plus utilisable dans les conditions normales.
Si le projet, déclaré d’utilité publique et visé à l’article 6 de la présente loi, aboutit ou est consécutif à l’approbation d’un plan d’urbanisme ayant entraîné une augmentation considérable à la valeur marchande des terrains frappés, le montant de plus-value est déterminé en même temps que celui de l’indemnité d’expropriation se compense en tout ou partie avec ce dernier.
Section III : Du transfert de propriété et des droits réels
Article 44 : L’expropriant peut, moyennant paiement en consignation de l’indemnité provisoire soit consignée et fixée par la décision d’expropriation, prendre possession de meuble immédiatement lorsque le transport sur les lieux n’est pas ordonné ou, le cas contraire, à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la date transport sur les lieux.
Aucun délai de grâce ne peut être accordé aux intéressés et aux occupants.
Toutefois si les éléments du dossier ne permettent pas de dégager le montant indemnité définitive, le juge pourra d’abord être l’exproprié, en attendant l’accomplissement de toutes les formalités prévues à l’article 36 de la présente loi.
Article 45 : Sous réserve du paiement de l’indemnité définitive dans le délai prévue à l’article 49 de la présente loi, la cession amiable ou la décision d’expropriation éteint à sa date tous les droits réels ou personnels relatifs à l’immeuble exproprié.
Les charges non déclarées grevant les immeubles demeurent imputées aux expropriés jusqu’à la prise de possession par l’expropriant.
Article 46 : Lorsque les expropriés n’assignent pas l’expropriant dans les délais prévus à l’article 22 de la présente loi ou lorsqu’il y a défaut d’accord amiable le juge peut adresser une mise en demeure de payer à l’expropriant par acte extrajudiciaire.
Si l’expropriant ne s’exécute pas dans le délai de trois mois suivant cette mise en demeure, l’expropriation est réputée abandonnée et la procédure ne peut être poursuivie.
Article 47 : Si les immeubles expropriés à la suite d’une déclaration d’utilité publique ne reçoivent pas la destination prévue par cette déclaration, dans un délai de cinq ans à compter du procès-verbal d’accord amiable ou décision d’expropriation ou, lorsque l’expropriant déclare avant l’expiration de ce délai, renoncer à leur donner cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants-droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession.
Ils doivent, à peine de déchéance, dans le mois de la fixation du prix de rétrocession, soit à l’amiable, soit par décision rendue par le juge de l’expropriation dans les formes et procédures prévues au chapitre II de la présente loi, passer le contrat de rachat et payer prix.
Les dispositions prévues aux alinéas premier et deux ne sont pas applicables aux immeubles qui auront été acquis conformément aux dispositions de l’article 44 de la présente loi et qui resteraient disponibles après exécution des travaux.
Section IV : De l’Urgence
Article 48 : L’urgence est fixée par l’acte déclaratif d’utilité publique.
Article 49 : Lorsque l’acte déclarant d’utilité publique fixe l’urgence de prendre possession des biens à exproprier, le délai fixé à l’article 14, pour le transport sur les lieux est réduit à un mois. L’administration du cadastre et du domaine foncier dressent un état des lieux sur lequel les intéressés sont appelés à présenter leurs observations le jour de la visite du juge.
Article 5O : Le juge peut, soit fixer le montant des indemnités, soit, s’il ne s’estime pas suffisamment éclairé, fixer le montant d’indemnités provisionnelles et autoriser l’expropriant à prendre possession moyennent des indemnités ainsi fixées. En cas d’obstacle de paiement, les indemnités susvisées sont déposées dans un compte de consignation du tribunal. Cette consignation équivaut à un contrat de vente.
Section V : Des Voies de Recours
Article 51 : L’appel de la décision peut être interjeté dans un délai d’un mois, à compter du prononcé de ladite décision conformément aux dispositions du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière.
Article 52 : L’appel n’a pas d’effet suspensif. L’expropriant peut prendre possession moyennant versement d’une indemnité au moins égale aux propositions faites par lui et consignation du surplus de l’indemnité fixée par le juge.
Article 53 : Sur requête de l’expropriant ou d’une partie intéressée, le juge ayant statué en première instance ordonne toutes mesures nécessaires à la constatation de l’état des lieux, au cas où celui-ci devrait être modifié par l’exécution des travaux avant la décision de la cour. Les frais de ce constat sont à la charge de l’expropriant.
Article 54 : La cour d’appel statue sur mémoire. Les parties peuvent toutefois développer brièvement les arguments du mémoire dans les conditions fixées à l’article 52 de la présente loi ci-dessus. Le représentant de l’administration du cadastre est obligatoirement entendu pour éclairer la cour.
Il peut être procédé exceptionnellement à une expertise, sur demande de la cour d’appel. Dans ce cas et si l’expropriant et les expropriés ne se mettent pas d’accord sur la choix d’un expert unique, celui-ci est désigné par le président de la cour d’appel.
Titre III : Dispositions diverses et finales
Article 55 : L’acquisition amiable ou l’expropriant des immeubles nécessaires à l’exécution des travaux ou d’opérations déclarées d’utilité publique est faite ou prononcée au profit des personnes publiques.
Ces immeubles sont, s’il y a lieu, mis par l’Etat et les collectivités locales à la disposition de la collectivité publique, de la personne morale publique ou de la personne privée qui doit exécuter les travaux ou réaliser les opérations dans les formes et conditions fixées dans chaque cas par décret ou arrêté.
Article 56 : Les contributions foncières afférentes aux immeubles qu’un propriétaire a cédés ou dont il a été exproprié pour cause d’utilité publique restent à la charge de ce dernier jusqu’au premier janvier de l’année qui suit la date de l’acte de cession ou de celle de l’ordonnance d’expropriation.
Article 57 : Les actes dressés en vue de l’expropriation des immeubles nécessaires à l’exécution des travaux d’utilité publique sont exempts de tous droits de timbre et d’enregistrement.
Article 58 : La présente loi qui abroge toutes dispositions antérieures contraires, sera publiée au journal officiel et exécutée comme loi de l’Etat.