Madame la Directrice générale, Madame Christine Lagarde,

Les administrateurs du Fonds monétaire international négocient actuellement avec les dirigeants du Congo Brazzaville des mesures pour assurer la soutenabilité de la dette du Congo à moyen terme. Il y a urgence pour le pouvoir car il ne peut plus tenir ses engagements vis-à-vis de ses créanciers intérieurs et extérieurs.

Le Fonds monétaire international peut-il accorder une aide financière au pouvoir actuel de Brazzaville tant que ne seront pas mises en place des institutions de transition ? Comme vous le savez, il faut remonter à la Conférence nationale souveraine de 1991 pour se souvenir d’événements qui avaient permis au Congo de vivre ses premières élections libres démocratiques et transparentes. Ce furent malheureusement les dernières…

Vous le savez, Madame, les gouvernements qui se sont succédés sous la présidence de Denis Sassou Nguesso n’ont su tirer profit, pendant les bonnes années aujourd’hui oubliées, de facteurs économiques à l’époque favorables pour rétablir les équilibres macroéconomiques : hausses exponentielles du prix du pétrole de 2000 à 2014, allègement de la dette au titre de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), près de dix ans d’excédents budgétaires…

C’est pourquoi, ainsi qu’en témoigne la lettre remise à la délégation du FMI le 4 septembre 2017 à Brazzaville, la société civile congolaise impute les déséquilibres macroéconomiques au régime actuel.

Doit-on vous rappeler, Madame, que malheureusement la majeure partie des fonds dont a bénéficié le Congo ces dernières décennies ont été détournés vers des paradis fiscaux ainsi que l’atteste la présence de personnalités congolaises proches du pouvoir parmi les personnes impliquées dans le scandale des Panama Papers.

Combien de centaines de millions d’euros ont été transformés en « Biens mal acquis » résultant des revenus générés par la captation des ressources nationales ?

Pire, le budget de l’Etat a été dépensé en achat d’armes utilisées d’abord le 20 octobre 2015 pour réprimer le mouvement citoyen contre le changement de Constitution et le hold-up de l’élection présidentielle de 2016, puis d’avril 2016 jusqu’à ce jour, pour mener une guerre contre les populations civiles dans le département du Pool.

Le régime de Denis Sassou Nguesso ne présente pas les garanties adéquates pour la bonne gestion des ressources qui lui seraient éventuellement allouées par le FMI.

D’ailleurs, le président de la République congolaise n’a pas hésité à dissimuler la réalité des comptes en vous présentant un niveau d’endettement de 77% du PIB alors qu’il est de près de 120%, selon les dernières investigations du FMI.

Pour toutes ces raisons, la société civile congolaise comprendrait mal que le FMI envisage de renforcer le pouvoir de gouvernants qui ont failli sur tous les plans et persisté dans leur gestion opaque des affaires publiques.

De grâce, Madame la Directrice générale, n’accordez pas un blanc-seing à une oligarchie qui a détourné à son profit personnel les revenus pétroliers colossaux de la nation dont elle prétend présider au destin.

C’est le FMI lui-même, dans une note de 1997, qui écrivait : « les questions de corruption doivent être traitées lorsqu’elles sont réputées avoir un impact considérable sur le plan macroéconomique à court et moyen termes ». C’est le cas du Congo Brazzaville.

Aussi la société civile congolaise vous encourage, Madame la Directrice générale, à subordonner l’octroi de toute aide au Congo à la libération immédiate des prisonniers politiques et issus de la société civile, à l’arrêt des violences perpétrées dans la région du Pool et, enfin, à la mise en place d’un Dialogue national, tel qu’organisé en 1991, en vue de la transition démocratique souhaitée par l’ensemble du peuple congolais.

Madame la Directrice générale, nous osons espérer que cette lettre ouverte saura attirer votre attention sur le besoin de bonne gouvernance, de développement économique et démocratique au Congo, et trouvera auprès de vous une écoute favorable.

Avec l’arme financière que vous détenez et dont ne dispose pas le peuple, le FMI peut provoquer le déblocage démocratique qu’attendent tous les Congolais.

Joe Washington Ebina, président de la Fondation Ebina et président de FULD (Forces unies pour la liberté et la démocratie) et Jean-Claude Miangouayila, journaliste