Tribune libre de Benjamin BILOMBOT BITADY
Les faits sont incontestables. Le chômage et la pauvreté constituent le ventre mou de la politique économique et sociale de Sassou Nguesso, le PCT et les épigones du « chemin d’avenir ». Dignita et gravitas.
Pour tâter du doigt la véracité du phénomène, il suffit de circuler dans les rues poussiéreuses truffées de nids de poule de Brazzaville, Pointe-Noire, Loubomo, Impfondo, Ouesso…, observer les faits et gestes du quotidien des congolais et enfin finir de s’en convaincre. Au Congo-Brazzaville, les leaders politiques devraient parfois prendre le temps de se pencher et s’épancher sur la réalité des chiffres. Ils sont accablants sur le front du chômage et implacables sur le terrain de la pauvreté laissé en friche. Quelle mouche a donc piqué les responsables du Congo-Brazzaville en charge de la communication et de l’économie qui leur ont fait jouer la carte de la démagogie dans le cadre du chômage et la pauvreté au détriment de la réalité ? Pourquoi, Sassou Nguesso, en dissertant sur le chômage et la pauvreté, s’est-il efforcé à donner un visage respectable de la démagogie ?
Mensonges d’Etat
Dans son message sur l’état de la nation le 12 Août 2013 devant un parterre de parlementaires réunis pour l’occasion, le président Denis Sassou Nguesso (qui vit dans une tour d’ivoire avec ses conseillers) a fait montre, dans un zézaiement lexical d’un optimisme béat sur la situation socio-économique du pays. A tel point que, parlant du chômage au Congo, il a assené avec forte conviction qu’il a décru de 19,4%, en 2005, à 6,9%, en 2011, selon les résultats des enquêtes de consommation auprès des ménages (Ecom) réalisée durant les années 2005-2011. Comme si, il suffisait de l’affirmer pour que cela soit vrai. Sur ce registre, les prophéties et les déclamations auto-réalisatrices ne fonctionnent pas. En décrétant le chômage à 6,9 %, Sassou Nguesso croyait avoir inscrit le Congo-Brazzaville dans la liste des pays à plein emploi alors qu’il s’était rendu minable. Il n’a guère convaincu et il ressort de cet exercice oratoire alambiqué que le doute est permis. Il se serait même renforcé lourdement. En effet, les chiffres du chômage de Sassou Nguesso ne correspondent ni à ceux de l’Office national de l’emploi et de la main-d’œuvre (ONEMO) qui tournent autour de 34,2 % en 2011 pour la tranche d’âge de 25-35 ans, ni à ceux du centre national de la statistique et des études économiques (CNSEE). Et, encore moins à ceux du RDPH fixés à 54 %. En tout état de cause, la vérité du chômage au Congo-Brazzaville oscille entre les deux statistiques. .
Le discours qui cache la forêt
Si l’objectif des propos de Sassou Nguesso sur le chômage et la pauvreté était de s’attirer les bonnes grâces des populations du Congo-Brazzaville, c’est raté.
Sur le flanc du chômage et la pauvreté, Sassou Nguesso, devant la représentation nationale, a fait pâle figure. Sassou Nguesso s’est soumis au diktat de puissants lobbies de communication chargés de rédiger les discours officiels. L’opération de communication sur un sujet aussi grave et aussi préoccupant de la population s’est retournée contre son auteur comme un boomerang. Comme « Trop d’impôt tue l’impôt », « Trop de communication tue la communication ». Le taux de 6,9 % de chômage, qui s’apparente au plein emploi, sorti du chapeau de Sassou Nguesso comme dans un tour de magie a fait hurler d’indignation tout le Congo-Brazzaville. L’onde de choc de l’indignation suscitée par les déclarations de Sassou Nguesso s’est répandue comme une traînée de poudre jusque dans les rangs du PCT et des épigones du « chemin d’avenir ».
Certes, le chômage et la pauvreté servent Sassou Nguesso et Sassou Nguesso sait se servir du chômage et de la pauvreté à des fins de manipulation (Cf. le meeting anti-français du 14 Août 2013 organisé par le PCT à coups de millions de Francs CFA). Mais, cette fois-ci, l’opération de séduction a tourné court. Il y avait le désarroi, la désolation et un brin de colère parmi les chefs de famille, les députés et les sénateurs confrontés quotidiennement à la réalité du terrain. Après bien d’autres, Sassou Nguesso, le PCT et les épigones du « chemin d’avenir » vérifient cette loi d’airain de la fiscalité appliquée à la communication. Avec une ingénuité que l’on espère plus feinte que réelle, les voilà qui découvrent le risque d’allergie communicationnelle généralisée qui menace, gagne et affecte les populations du Congo-Brazzaville, et en particulier les sympathisants et les fanatiques du PCT de Poto-poto, Moungali, Ouénzé et Talangaï floués par les promesses non tenues de création de 40 000 emplois par an, de réduction de la pauvreté et d’amélioration des conditions de vie. Il y a une overdose de communication. Le pas de côté de Sassou Nguesso sur le chômage et la pauvreté est un révélateur significatif de la béance du fossé existant entre d’une part les gouvernants et de l’autre les gouvernés. Les populations du Congo-Brazzaville de Sassou Nguesso doivent très vite se rendre à l’évidence et emplir la besace qu’elles devront trimballer le chômage et la pauvreté de leurs progénitures (enfants, neveux, nièces, petit-fils, cousins…) encore durant plusieurs années sur leur dos fatigué.
Sassou Nguesso, le PCT et les épigones du « chemin d’avenir » auraient tort de croire que la politique se limite seulement à la communication. Car d’après Victor Hugo, « le fond, c’est la forme qui remonte à la surface ». L’exercice du pouvoir impose de la clarté. Si la palme d’or du plus mauvais communicant existait, il reviendrait indiscutablement à Denis Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville.
Benjamin BILOMBOT BITADY