Un patrimoine sportif du début du XXe siècle a vu son espace considérablement réduit ces jours-ci, sous le regard des pouvoirs publics, indifférents. Et le tout au profit d’entreprises du BTP qui y ont installé leurs bases-vie. Cette atteinte au patrimoine sportif de la ville suscite l’inquiétude bien compréhensible des amoureux du football. Et de l’Histoire de la ville.

L’emblématique Stade général Jean-Baptiste Marchand, le plus vieux stade de Brazzaville et du Congo, n’est plus que l’ombre de l’élégance de vieille dame coquette qui le caractérisait.

En 2012, l’espace réservé aux terrains annexes, côté Ouest, avait été transformé en site pour sinistrés avant d’être cédé à une première entreprise de BTP (Bâtiments et travaux publics). Et au début de l’année, les amoureux du sport effarés ont découvert que leur joyau se trouve de plus en plus à l’étroit à cause de l’édification par une deuxième entreprise de deux murs en son enceinte. L’un longe le bord de la ligne de touche de la pelouse du terrain de football, côté CEG Fraternité, où la ligne droite de la piste d’athlétisme a disparu ; et l’autre, parallèle à la ligne de but à un mètre à peine, du côté Est du stade où le virage de la piste d’athlétisme n’existe plus non plus. Par delà les murs ainsi bâtis, on peut voir les maisons d’habitation du personnel de cette entreprise qui y a installé aussi son entrepôt d’engins de travaux publics.
Ces cisaillements et grignotages ont eu un premier effet négatif pour le sport national: la Fécofoot, la Fédération congolaise de football, a suspendu l’homologation du Stade Marchand qui ne répond visiblement aux standards de viabilité d’un stade de football normal. Et, donc, les matches de Ligue 1 et Ligue 2 départementales de Brazzaville ont été délocalisés sur des terrains de fortune, mais moins dangereux pour acteurs.

Réduction de l’espace regrettable aussi, car l’ancêtre des stades congolais présente un caractère tout à fait remarquable pour le patrimoine architectural brazzavillois. Alors, l’avenir de ce stade sera-t-il le moindre des soucis de ceux qui en ont la tutelle administrative? Il est à craindre, à la longue, que cette infrastructure soit purement et simplement dilapidée au profit d’appétits spéculatifs immobiliers, ou pour faire place à des édifices à usage non sportif. Le ministère des Sports devrait faire quelque chose pour sauver ce monument qui est un patrimoine sportif de la capitale congolaise. Il fut construit pour abriter les compétitions sportives, pas des bulldozers! Pour l’histoire, ‘’Marchand’’, un stade chargé d’inoubliables souvenirs, a vu naître tous les clubs sportifs brazzavillois vivants et défunts. Il avait été construit par le CAB (Club athlétique brazzavillois), et inauguré en 1927 par le Gouverneur général français Raphaël Antonetti, sous la     colonisation. Les Diables-Noirs s’y donnent rendez-vous pour leur entraînement quotidien. Par la volonté de leurs supporters, il était devenu Missafou après la débaptisation de certaines localités du pays et des gares du CFCO (Chemin de fer Congo océan) pendant le «Mono». La gare Marchand, près de Mindouli, devenant Missafou, pour les sportifs il n’était plus question que le vieux stade garde son nom. Aussi le troquèrent-ils contre Missafou. Mais, il a retrouvé son nom originel en 1991, après la Conférence nationale souveraine…

Jean ZENGABIO

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