La mort vient encore de frapper l’un des nôtres. Celui qui était dans les geôles et sous la garde du gouvernement congolais vient de nous quitter. L’une des missions régaliennes d’un état n’est-il pas de veiller à la sécurité et sur la santé de ses concitoyens ? A priori, la nouvelle république n’en a cure. La liste des Congolais morts pour avoir osé braver le tyran d’Oyo ne cesse de s’allonger. Qui sera le prochain parmi nous ?
Le Congo, à n’en point douter, est devenu l’une des dictatures les plus féroces du XXIème siècle à notre grand désarroi. Notre tristesse est d’autant plus grande que cette chasse aux opposants politiques n’augure rien de bon, condamnés que nous sommes tous à vivre ensemble jusqu’à la fin des temps. N’oublions jamais que seuls Dieu et la patrie sont éternels.
Il arrive des moments où un sursaut patriotique nous commande de dénoncer encore et encore tous ces massacres. La résignation semble gagner nombreux de nos compatriotes. Certains pensent même qu’ainsi va l’Afrique et notamment le Congo. Il est permis d’en douter car il nous revient la charge de changer les choses dans ce pays dans lequel tout va de travers. L’injustice a été élevée au rang de justice, l’indécence au rang de la morale, l’inculture au rang de la culture, la médiocrité au rang de l’excellence et le vice au rang de la vertu. Chaque jour qui passe plonge notre pays dans des profondeurs insondables de l’obscurantisme.
En ce jour encore triste, le Congo vient de perdre l’un de ses fils. Nonobstant nos différences politiques, de trajectoires, le droit à la vie demeure sacré et nul ne peut se réjouir de la mort de son prochain. Le Congo est devenu un état de non droit à la dévotion d’un seul homme dont le bilan est si ténu qu’il serait même indécent en pareille circonstance d’évoquer son nom. Il a réussi le tour de force d’entrer dans les oubliettes de l’histoire de son vivant. Ces dirigeants congolais sont devenus si insensibles au malheur de la population congolaise, qu’il ne serait pas surprenant de les voir sabrer du champagne ce jour. Quand un opposant passe de vie à trépas, c’est une prise de guerre pour la survie de leur régime chancelant, boiteux.
Je pense qu’il est temps que le peuple congolais sorte de sa léthargie légendaire au risque de se voir décimer. Cette folle machine à broyer qui est devenue infernale, s’en prend même à ceux qui hier étaient leurs alliés tant qu’ils ont perdu la raison. Elle frappe à tout va maintenant. Le Pool longtemps martyrisé, n’est plus le seul département à subir la foudre de cette oligarchie bureaucratique militaro-tribaliste qui n’a jamais compris qu’une nation est un « ensemble des êtres humains vivant dans un même territoire, ayant une communauté d’origine, d’histoire, de culture, de traditions, parfois de langue… », et que seul prime l’intérêt général.
L’heure est au recueillement, pour une fois de plus enterrer nos morts dans la dignité. Mais, il arrivera un moment où nous n’aurions plus de larmes pour pleurer. Il est temps que chacun de nous dise ce qu’il veut faire de sa vie dans ce chaos permanent. La solution ne viendra pas de l’extérieur. Si nous voulons que le Congo survive, alors il est temps de changer le paradigme de la politique dans notre pays. La lutte sera longue mais l’ivresse de la victoire ne sera que plus exaltante.
La sagesse populaire nous dit que « l’arbre qui s’écroule fait beaucoup plus de bruit que la forêt qui pousse ». Ne restons pas silencieux à ce bruit. Nous devons réagir au risque de perdre à jamais le droit d’évoquer notre propre histoire tant nous aurions collectivement échoué. Il est temps de s’interroger sur le sens que nous voulons donner à nos vies.
Patrice Aimé Césaire MIAKASSISSA