Par Félix BANKOUNDA MPÉLÉJuriste, PolitologueUniversitaire,Membre-expert,
Institut International de Droit d’Expression et d’Inspiration Française (IDEF)
Par Félix BANKOUNDA MPÉLÉ
Le dernier rapport de la Banque Mondiale, du 8 avril 2019, sous l’intitulé Afrca’s Pulse, fait le point sur l’importance des transferts financiers des diasporas africaines à l’endroit de leurs pays d’origine. L’observation de la hiérarchie des pays bénéficiaires, dans laquelle les pays anglophones gagnent la vedette, démontre que ce tableau n’est pas détachable du marasme socio-politique des États africains, où il ressort clairement que l’Afrique francophone confirme, une fois de plus, son statut de dernier de la classe…
Incroyable, mais vrai ! Même si on n’en parle peu ou prou: les transferts financiers des diasporas africaines à l’endroit de leurs pays d’origine sont, de très loin, supérieurs à l’aide internationale au développement ! Ils deviennent ainsi, et depuis, la première source extérieure de financement du développement.
Autre fait, peu paradoxal, alors qu’on parle peu, ou presque pas, de ces transferts, même si, justement, en raison de leur importance, ils font depuis et désormais l’objet d’une comptabilité formelle, l’aide internationale, elle, est, et a toujours été, très médiatisée! Ce qui la rend assez insolite. La sagesse, ou la simple bonne moralité, veut qu’une aumône ou autre acte de réelle générosité ne fasse, qu’exceptionnellement, l’objet de publicité. Non moins curieux encore, en réalité, sous l’appellation d’aide, ce sont souvent et en vérité des emprunts en bonne et due forme, dont la contrepartie prend souvent la forme d’un véritable troc, par le biais de l’exploitation à des prix préférentiels (c’est un euphémisme) des matières premières des pays bénéficiaires de l’aide, et que l’éminent économiste récemment disparu, Samir AMIN, avait bien su nommer ‘l’échange inégal’, avec son corollaire connu, le développement du sous-développement.
Mais, il y a bien plus louche encore, pour ceux qui s’y connaissent: bien souvent une très grande partie de l’aide financière au développement termine non dans les projets affichés de développement, mais plutôt dans le fonctionnement du mécanisme mis en place, précisément dans les émoluments du personnel de la coopération, chichement payé comme on le sait. Ce qui se vérifie souvent par une vraie compétition des expatriés dans ces filières de la coopération pour une forme d’enrichissement rapide, qui ne leur serait pas toujours assuré dans leur pays d’origine.
Ce qui explique sans doute le fait que, depuis les indépendances, ladite aide de développement est pérenne, mais les résultats restent très en deçà. Mais, n’allez évidemment pas rappeler aux donneurs que la moitié ou les 2/3 de l’aide est reversée aux missionnaires et membres de la coopération. Une question qui relève encore de l’omerta.
Autre aspect, très éloquent, de ces transferts de la diaspora africaine, qui étaient évaluées l’année 2017 à 42 milliards de dollars américains (soit 21.000 milliards de fcfa), 46 milliards l’année 2018 (soit 23.000 milliards) et sont estimés à 48 milliards (24.000) cette année et 51 milliards en 2020 (soit 25.500 milliards de fcfa), avec de perspectives encore plus importantes les années suivantes, les pays francophones, là encore, confirment leur statut de médiocrité. Car, sont en tête dans ces transferts, les pays anglophones dont, de très loin, le Nigeria avec 24,3 milliards de dollars sur les 46 de 2018, suivi de loin par le Ghana avec 3,8, puis le Kenya avec 2,7 milliards. Le premier pays francophone apparaissant dans cet ordre, et en quatrième position, étant le Sénégal, pays d’Afrique de l’ouest et un modèle de démocratie tout de même dans l’ensemble africain. S’il est évident que le statut du Nigeria comme pays le plus peuplé d’Afrique n’est pas innocent dans son classement comme premier pays bénéficiaire des transferts de sa diaspora, il n’en reste pas moins que le même classement révèle ou reflète également, dans une certaine mesure, le degré de marasme socio-politique des États africains. L’on sait, parce que régulièrement martelé, que l’Afrique centrale francophone « est le ventre mou de l’Afrique » et, c’est ainsi qu’alors que la RDC est un mastodonte géographique, il est dans le genre et de très loin éclipsé par des petits que sont le Ghana et Kenya, pays anglophones comme on le sait, qui, s’ils ne sont pas encore tout à fait des modèles de démocratie (essentiellement le Kenya), se démarquent tout de même, en la matière, de l’ensemble de la sous-région d’Afrique centrale francophone, dont la dernière trouvaille en janvier dernier, et en RDC, a été, comme on le sait, d’inaugurer une ALTERNANCE SIMULÉE (Cf. notre réflexion à paraître: « L’inauguration des alternances simulées en Afrique centrale francophone »
Plus réjouissant tout de même, il ressort qu’il y a là, entre autres, et loin d’une simple vue de l’esprit, un réel et potentiel facteur de développement du continent qui, dans les fameuses perspectives du « XXIème siècle qui sera celui de l’Afrique », encore simplement et honnêtement incantatoires, pourrait constituer une force non négligeable, qui n’attend qu’à être mieux organisée, qu’à être mise en ligne de marche. Notamment dans le cadre du grand marché de la fameuse Zone de Libre Échange Continentale en Afrique (ZLEC), inauguré tambours battant le 2 avril dernier, où ces fonds, bien organisés, pourraient servir de dynamique endogène et de contrepoids, face aux forces financières douteuses, extérieures et incontrôlables, pour que le Libre Échange en Afrique, dans les formulations avancées, qui ont suscité la réserve de nombreux observateurs et d’États dont le Nigéria, ne soit pas la liberté du loup dans un poulailler…
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- Pour plus de détails sur les chiffres principalement, lire « Transferts de fonds : la diaspora africaine toujours plus généreuse»(in Afrique.La Tribune.fr, du 10 avril 2019, d’ Aboubacar Yacouba Bama), qui a inspiré cette réflexion.
Félix BANKOUNDA MPÉLÉ
Juriste et politologue