Il y a quelques semaines, un responsable de la société Congo-Iron, société pressentie pour l’exploitation du gisement de fer de Souanké, a déclaré que leur société construira une voie ferrée devant permettre l’exportation du minerai à partir d’un port camerounais. Il y a lieu de s’interroger sur l’intérêt réel du Congo pour un tel ouvrage. Pour l’exploitation de la colonie du Moyen-Congo, les autorités coloniales avaient construit le Chemin de fer Congo-Océan (C.f.c.o) entre Brazzaville et Pointe-Noire, sur 510 kilomètres. Pour transporter le minerai de manganèse extrait au Gabon, la voie ferrée de la Comilog a été construite entre Mbinda et Mont-Bello, sur 286 kilomètres. La présence de ces deux voies participe de beaucoup à la vie économique des populations desservies et au flux des marchandises produites et/ou consommées au Congo.
Aujourd’hui, dans le cadre de sa politique de diversification de l’économie nationale, le gouvernement congolais a décidé d’engager le pays dans l’extraction du fer. Ainsi est envisagée l’exploitation des gisements de fer de Zanaga, dans la Lékoumou, et de Souanké, dans la Sangha. Et comme le produit de cette exploitation est destiné à l’exportation, la construction de chemins de fer est envisagée dans les deux cas.
Pour le gisement de Zanaga, il est déjà acquis que l’exploitant construira une voie ferrée qui reliera le centre de production à la côte. Cette voie d’environ 300 km traversera et desservira les départements de la Lékoumou, du Niari et du Kouilou. Elle produira nécessairement des effets bénéfiques pour les populations riveraines.
S’agissant du gisement de Souanké par contre, il est annoncé que la voie ferrée à construire devra permettre d’acheminer le minerai jusqu’à un port camerounais, et sur les 500 km que comptera cette voie, 40 seulement seront en territoire congolais. Ainsi, comme pour le bois produit dans la Sangha, le minerai de fer qui y sera extrait profitera au chemin de fer camerounais, au port camerounais et à la douane camerounaise, au détriment de l’économie congolaise.
Hélas! La perte ne s’exprime pas qu’en termes de recettes financières manquées. Car, ce sera, là, une occasion ratée de profiter des investissements privés étrangers, pour relier, par rail, le Nord-Congo au Sud du pays. Une voie ferrée partant de la Sangha pour le Sud du pays ouvrirait un troisième axe Sud-Nord à côté de la voie fluviale et de la route nationale n°2. Elle permettrait, du même coup, de mieux intégrer les départements de la Sangha et de la Cuvette-Ouest à l’économie nationale.
Qui ne sait pas qu’aujourd’hui, à Ouesso, l’on ne consomme ni le sucre de la Saris-Congo, ni la bière de Brasco, ni le pétrole congolais, mais seulement des produits camerounais? Il en est de même dans la Cuvette-Ouest où l’approvisionnement en produits manufacturés se fait, essentiellement, au Gabon voisin, les communications avec le reste du territoire national étant difficiles. Qui ne sait pas qu’un chemin de fer, en tant que moyen de transport massif des hommes et des biens, est un vecteur indéniable de renforcement de l’unité nationale et d’intégration de l’économie nationale?
Est-il si tard pour le gouvernement congolais de prévoir, dans le cadre de la convention d’établissement à signer avec la société Congo-Iron, la construction d’un chemin de fer partant de Souanké pour le Sud du pays, pour exporter le minerai par Pointe-Noire? Cela nécessitera, certainement, d’énormes sacrifices de la part de l’Etat, et pourrait même retarder le démarrage de l’exploitation du fer de la Sangha. Mais, n’est-ce peut-être pas le prix à payer pour tirer le maximum de profit de ces investissements directs étrangers?
Maître MOUKASSA NGOUAKA, Avocat à Brazzaville